Affaire Beya: L’opérateur téléphonique Orange requis par l’AG de l’ANR

Quarante-huit heures après son interpellation par des agents de renseignements militaires (ex-Demiap), François Beya Kasonga, conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité, était toujours en « garde à vue », lundi 7 février 2022, dans les locaux de l’ANR (Agence nationale de renseignements), situés sur l’ex-avenue des trois « Z », dans la commune de Gombe. « Trois Zoulous », c’est le surnom que les agents de l’ANR ont donné à ce lieu. Il n’est pas exclu que de la garde à vue – de 48 heures – soit prolongée. L’administrateur général de l’ANR, Jean-Hervé Mbelu Biosha a émis une réquisition d’information. Le destinataire n’est autre que l’opérateur téléphonique « Orange ».

Jean-Hervé Mbelu Biosha, administrateur général de l’ANR

Dans cette « réquisition d’information », l’administrateur général de l’ANR, Jean-Hervé Mbelu Biosha, se fondant sur « des raisons impérieuses de sécurité d’Etat » demande au directeur général de la société de communication Orange au Congo-Kinshasa de « remplir », de toute urgence, « les devoirs » ci-après: Primo: transmettre l’identité complète et les coordonnées précises de l’utilisateur du numéro d’appel 0896073187; Secundo: communiquer à l’ANR les relevés des appels entrants et sortants ainsi que les SMS entrants durant la période comprise entre le 1er mai 2021 à ce jour; Tertio: transmettre les coordonnées des relais de prise en charge des relais de prise en charge des communications de ce numéro ainsi que les numéros IMEI des appareils utilisés. Quarto: communiquer les dates d’activation, désactivation et réactivation de ce numéro.

« Le fait que le conseiller spécial passe la nuit dans les locaux de l’ANR signifie que les enquêteurs ont pu collecter assez de renseignements attestant que les éléments intentionnels sont réunis ». L’homme qui parle est un officier de renseignements. « L’émission d’une réquisition d’information par l’Administrateur général de l’ANR signifie tout simplement que l’enquête entre dans la phase des confrontations ».

Depuis l’annonce de l’arrestation du conseiller spécial François Beya, samedi 5 février, une question reste sans réponse factuelle. Que lui reproche-t-on? D’aucuns parlent de « cabale ». Selon les tenants de cette thèse, l’ancien directeur général de la DGM (Migrations) serait victime de la « guerre des sous-chefs » qui ferait rage dans l’entourage du Président de la République. D’autres affirment que Beya, appelé affectueusement « Fantomas » par ses proches, aurait eu des « contacts de nature à menacer la sécurité nationale ». « Joseph Kabila » et son « clan » sont pointés du doigt. Non sans raisons.

DEUX « PLANS » POUR EVINCER FELIX TSHISEKEDI

Felix Tshisekedi Tshilombo et « Joseph Kabila » lors de la cérémonie de passation de pouvoir, le 24 janvier 2019.

Depuis la passation de pouvoir entre « Joseph Kabila » et son successeur Felix Tshisekedi Tshilombo, les deux hommes n’ont cessé de se regarder en chiens de faïence. Après avoir courbé l’échine durant près de deux ans, les « communicateurs » de l’ex-Raïs marchent désormais le torse bombé et la tête haute. Ils hantent tous les médias. Ils sont dans tous les débats médiatiques pour dénoncer le « bilan calamiteux » de « Fatshi ». « Le peuple congolais réclame le retour de Joseph Kabila », clament les adorateurs de l’ex-Président.

Les partisans des deux leaders rivalisent en propos provocateurs et autres quolibets dénigrants. Pour les « kabilistes », Felix Tshisekedi « doit tout » à son prédécesseur. De fil en aiguille, l’autorité de l’actuel chef de l’Etat est dédaignée par les animateurs des autres institutions étiquetés « Fcc-Pprd ». Ceux-ci n’ont pas hésiter à bouder des manifestations officielles présidées par le nouveau chef de l’Etat.

Le 15 avril 2020, Célestin Tunda ya Kasende, alors ministre de la Justice, fait part au président du Conseil supérieur de la magistrature – qui n’est autre que le président de la Cour constitutionnelle Benoît Lwamba Bindu – de son intention de visiter les parquets et les cours et tribunaux. Lwamba y oppose un refus poli mais ferme. Le « clan Kabila » fut dans tous ses états.

Le président Lwamba Bindu dont le mandat au poste de président de la Cour constitutionnelle devait expirer au mois d’avril 2021 décide de quitter Kinshasa au milieu du mois de juillet 2020. Destination: Bruxelles. Raison invoquée: recevoir des soins de santé. De la capitale belge, le président de la Cour constitutionnelle finit par annoncer sa démission. C’est l’embarras au sein de la mouvance kabiliste.

Le 20 juillet 2020, un communiqué anonyme est publié sur les réseaux sociaux à partir de Bruxelles. Le texte fait état de la tenue d’un point de presse. L’animateur n’est autre que l’ex-président Lwamba. Quarante-huit heures après, un long communiqué est diffusé en lieu et place d’un face à face avec la presse. La paternité dudit texte est attribuée à l’ancien président de la Cour constitutionnelle.

On lit notamment que l’ancien président de la Cour constitutionnelle a décidé de rendre le tablier suite « à la guerre aux proportions inquiétantes » entre « Fatshi » et son prédécesseur. Selon ce texte, ce dernier aurait conçu « deux plans » en vue de « neutraliser » Felix Tshisekedi. Le premier plan devait être exécuté via une « opération commando » qui devait être menée par les généraux Delphin Kahimbi et John Numbi Banza. Le second plan devait se dérouler par la « voie légale ». Le président de la Cour constitutionnelle devait jouer un rôle majeur en vue de faire faire destituer Felix Tshisekedi pour « haute trahison ». L’article 164 de la Constitution stipule: « La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour des infractions politiques de haute trahison (…)« .

OLIVE LEMBE DESCEND DANS L’ARÈNE POLITIQUE

Le 6 décembre 2020, le président Felix Tshisekedi a dénoncé la coalition « Fcc-Cach ». C’est la « guerre »!

Marie-Olive Lembe di Sita, épouse « Kabila »

Vingt-quatre heures avant la commémoration du troisième anniversaire de l’investiture de Felix Tshisekedi à la tête de l’Etat, l’ex-première dame Marie Olive Lembe est descendue dans l’arène politique. Elle écrit – par procuration? – ces mots pour le moins équivoques sur son compte Twitter @KabilaOlive: « L’alternance démocratique est un bébé que nous avons conçu et avec joie nous lui avons donné la vie. Comme des parents attentionnés, nous veillerons à ce que ce bébé grandisse normalement et qu’il reconnaisse ses vrais parents ».

Ancien conseiller diplomatique de l’ex-président « Kabila », Barnabé Kikaya bin Karubi d’enfoncer le clou dans un tweet daté du 4 février 2022: « Coups d’Etat en cascade: une nouvelle Afrique en gestation. Soutenus par le peuple des jeunes officiers militaires prennent le pouvoir, mettant fin à l’hypocrisie et au mensonge de grandes puissances ». Kikaya de conclure par une phrase provocatrice: « La RD Congo ne fera pas exception ».

Issu de la rébellion ougando-rwandaise de l’AFDL (Alliance des forces politiques et démocratique pour la libération du Congo), « Joseph Kabila » a toujours considéré le Congo-Kinshasa comme un « bien personnel » voire un « butin de guerre » pour son « clan ». L’homme estime que c’est une rétribution due aux anciens rebelles qui ont combattu Mobutu Sese Seko, les armes à la main, en prenant des risques pour leurs vies.

Revenons à François Beya. Ce lundi 7 février, le conseiller spécial du chef de l’Etat – qui n’a pas encore été démis de ses fonctions –  totalise 48 heures de « garde à vue ». Les alinéas 4 et 5 de l’article 18 de la Constitution congolaise stipulent que « la garde à vue ne peut excéder 48 heures. A l’expiration de ce délai, la personne gardée à vue doit être relâchée ou mise à la disposition de l’autorité judiciaire compétente ». Samedi 5 février, l’avocat Georges Kapiamba a pu visiter le « prévenu » François Beya dans les locaux de l’ANR. Un fait jamais toléré sous la Présidence de « Joseph Kabila ».

Des observateurs ne cachent pas un certain pessimisme face à « l’atmosphère politique étouffante » qui prévaut dans le pays. Ces observateurs déplorent non seulement l’absence de sérénité au sein de « l’élite politique » mais surtout l’agitation entretenue par les « combattants » de l’UDPS. Pour eux, « L’ANR détient sans aucun doute un dossier lourd pour oser priver de liberté le conseiller spécial du chef de l’Etat. Il est exagéré, à ce stade, de parler de tentative de coup d’Etat ». A faire à suivre.

Baudouin Amba Wetshi

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