La VSV condamne et dénonce la poursuite des violations des droits humains dans les provinces sous état de siège

A la fin de la prorogation pour la treizième fois consécutive de l’état de siège renforcé par la mutualisation des forces  des FARDC et des UPDF qui ont lancé les opérations militaires conjointes contre les rebelles des Forces Démocratiques et Alliées (ADF) et autres forces négatives depuis le 30 novembre 2021 dans les provinces du Nord-Kivu et d’Ituri, la Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme (VSV) demeure vivement préoccupée suite aux massacres, enlèvements, assassinats, incendie des véhicules et villages, pillage des pharmacies et maisons de commerce etc, perpétrés contre la population civile, les journalistes et les DDH dans certains territoires desdites provinces.

A titre illustratif, nous citons ci-dessous quelques cas des violations et atteintes aux droits humains documentées par les ONGs locales entre novembre et décembre 2021 dans les deux provinces sous état de siège.

Nord-Kivu :

  1.  Le 16 décembre 2021, des personnes armées ont blessé par balles quatre (4) personnes au quartier Ndosho dans la ville de Goma. Deux (2) des personnes blessées dont un (1) étudiant a succombé de ses blessures ;
  2. Le 15 décembre 2021, Monsieur Ntamushobora Babaho, changeur de monnaie, a été abattu vers 17H30 dans le quartier Kyeshero vers l’église CEBCA par un groupe des bandits non autrement identifiés. Ils ont aussi emporté de l’argent et se sont volatilisés dans la nature à bord d’une moto après avoir commis leur forfait ;
  • Le 14 décembre 2021, Edison Kambale, membre du mouvement citoyen LUCHA RDC-Afrique a été assassiné aux environs de 22H00 dans la ville de Goma par des présumés bandits non autrement identifiés vêtus en uniforme de la police nationale congolaise. Ces bandits lui ont d’abord tout dépouillé avant de lui loger des balles dans le corps.
  • Le 11 décembre 2021, deux (2) agents humanitaires du Comité International de la Croix Rouge (CICR) ont été libérés. Pour rappel, le 30 novembre 2021, ces deux agents ont été kidnappés sur l’axe routier Goma-Sake. Les conditions de leur libération n’ont pas été communiquées.
  • Le 11 décembre 2021, un employé de Médecins Sans Frontières (MSF) a été arrêté à Rutshuru en RDC. A ce jour, les causes de son arrestation n’ont pas été révélées.
  • Le 08 décembre 2021, trois (3) agents du Haut-Commissariat pour les Réfugiés (HCR) ont été blessés par balles lors d’une attaque contre leur convoi qui était escorté par la Mission des Nations Unies en RDC (MONUSCO) dans la localité de Mambassa, territoire de Lubero, dans la province du Nord-Kivu.
  • Le 09 décembre, le major Joseph Nkamihoze a été tué par la justice populaire à Lweba au Sud-Kivu du seul fait d’être soupçonné d’appartenir à l’Ethnie Tutsi.
  •  Le 07 décembre 2021, deux jeunes finalistes à l’Université Catholique la SAPIENTIA et le taximan ont été kidnappés par des inconnus dans la ville de Goma. Leurs ravisseurs ont publié des vidéos montrant ces jeunes menottés et torturés. Ils ont demandé une rançon de 40.000$ pour la libération de chaque victime. Le 13 décembre 2021, ces personnes ont été libérées dans la cité de Sake, territoire de Masisi, province du Nord-Kivu. Les conditions de leur libération n’ont pas été connues.
  • Le 02 Décembre 2021, deux (2) journalistes ont été blessés par balles lors de la répression policière des manifestations liées à la motion de censure contre le gouvernement provincial du Sud-Kivu.
  1. Le 09 Novembre 2021, Emmanuela Kavira Mwengeshyali, femme défenseure des droits humains et membre de la Synergie des Femmes pour les victimes des Violences sexuelles (SFVS), a été victime d’escroquerie suivi de son kidnapping par des personnes non autrement identifiées. Le 16 novembre 2021, la famille de la disparue a reçu le premier appel à partir du numéro de téléphone d’Emmanuela mais tenu par une personne inconnue qui exigeait une rançon de 50.000 $ contre sa libération. La famille a accepté de payer à condition de parler d’abord avec Emmanuela. Mais les bourreaux n’ont pas accédé à cette demande. Suite aux enquêtes menées par les autorités locales, le téléphone d’Emmanuela a pu être localisé et 3 ravisseurs ont été arrêtés et sont gardé à l’auditorat militaire. Mais ils refusent de dire où se trouve le corps d’Emmanuela.
  1. Le 11 novembre 2021, treize (13) membres du mouvement citoyen LUCHA dont une fille, ont été arrêtés par les Forces de Sécurité congolaises alors qu’ils manifestaient pacifiquement dans la ville de Beni contre la prorogation de l’état de siège. Acheminés à l’auditorat de garnison de Beni, ils ont été auditionnés sur procès-verbal sans aucune assistance judiciaire et sont détenus à la prison centrale de Kangwayi à Beni.
  1. L’Artiste chanteur et musicien, Delcato Idengo demeure toujours en détention à la prison centrale de Goma sans peine de condamnation. Il a été arrêté depuis le 10 octobre 2021 et les services de sécurité lui reprochent d’avoir initié une opposition de la population aux soldats engagés dans la traque des rebelles dans la partie grand Nord de la province du Nord-Kivu. Idengo est détenu et attend.
  1. Un membre du mouvement citoyen Lutte pour le Changement (Lucha), Espoir Ngalukiye vit toujours en clandestinité à la suite d’une plainte déposée contre lui par la Fondation Denise Nyakeru Tshisekedi
  2. dans l’affaire de détournement des vivres destinés aux sinistrés de l’éruption du Volcan Nyiragongo.
  1. Vianney Watsongo, journaliste à la Radiotélévision Évangélique et de Développement Hermon (RTDEH), station émettant à Rutshuru, fait toujours l’objet d’une série de menaces de mort téléphoniques et des tracts. Des personnes non autrement identifiées protestent contre la diffusion par le journaliste des informations concernant les tracasseries dont seraient victimes les agriculteurs de la part des miliciens Maï-Maï opérant dans cette partie du pays.
  1. Martin Luther King Kambale, journaliste de la Radio RCVT TV, station émettant dans la cité de Kasindi en territoire de Beni, vit en clandestinité depuis le 19 août 2021 après avoir réalisé une interview avec une femme de la société civile locale qui a rejeté les accusations tendant à assimiler la jeunesse de Lume aux miliciens Maï-Maï.
  1. Kennedy MUHINDO Wema, journaliste de Radio Soleil, station émettant à Butembo, dans la province du Nord-Kivu est depuis le 14 août 2021, la cible des menaces et intimidations, de la part d’un homme non autrement identifié se réclamant Maï-Maï. Il reproche au journaliste d’avoir qualifié les Maï-Maï des analphabètes au cours d’une émission.
  1. Province du Nord-Kivu Plus de 13 863 personnes déplacées ont été signalées dans les localités de Mutwanga et Kasindi de la zone de santé de Mutwanga, selon les autorités locales et le point focal humanitaire. Ces mouvements sont observés depuis le 29 octobre, à la suite des incursions des hommes armés dans les de villages de Bulongo, Kilya et Kalembo, entre le 22 et 29 octobre.

Cette situation sécuritaire préoccupante a occasionné le déplacement d’environ 21.000 personnes à Eringeti, au nord du territoire de Beni. Ces déplacés ont besoin d’une assistance humanitaire. Ils vivent dans une grande promiscuité dans les familles d’accueil.

Les habitants des villages de Chanzu et Runyonyi ont été contraints au déplacement suite à une attaque d’un nouveau groupe dans la nuit du 7 au 8 novembre. Cet incident a également provoqué un déplacement préventif de près de 2.500 habitants des villages voisins de Gasiza et Gitovu.

Ituri :

  1. Le 28 novembre 2021, Nicolas Kayembe, journaliste de la Radio Maendeleo de Gety a été mis aux arrêts par un commandant de la Police Nationale Congolaise (PNC) peu après la couverture d’une activité à l’Eglise catholique de Gety située au sud du territoire de Irumu à plus ou moins 60 km au sud de la ville de Bunia.
  • Depuis le 24 novembre 2021, Luc Malembe, porte-parole de la coalition de l’opposition Lamuka en Ituri, a été arrêté par l’auditorat militaire de garnison de Bunia sur ordre du Gouverneur militaire de l’Ituri après avoir exigé son départ suite à la persistance de l’insécurité depuis l’instauration de l’Etat de Siège en Ituri.
  • Gloire Mumbesa, journaliste et directeur de la Radio Communautaire Tuungane, station émettant dans la commune rurale de Mungbwalu, territoire de Djugu, dans la province de l’Ituri fait l’objet des menaces de mort proférées au téléphone (appels vocaux et SMS) par des présumés miliciens CODECO depuis, septembre 2021. Le 10 septembre 2021, le journaliste a reçu les messages suivants :« Le jeudi prochain, nous serons à Mungbwalu. Nous connaissons ta maison. Nous savons que tu es journaliste, mais ta façon de parler du mouvement Codeco ne nous plaît pas». Peu de temps après, Gloire Mumbesa a reçu un appel téléphonique le menaçant en ces termes : « Dans une semaine, nous serons à Mungbwalu. Cesse de parler en mal contre Codeco sur ta radio. Tu vas bientôt fuir. Tu penses qu’à Mungbwalu on ne connait pas ton domicile ? ».
  • Justin Kongawi, journaliste à la RTNC/Bunia est la cible des menaces de mort en raison de son travail de la part des personnes non autrement identifiées. Depuis septembre 2021, le journaliste vit en clandestinité.

Situation Humanitaire dans les Provinces sous état de siège.

Sur le plan humanitaire, il convient de relever que les opérations militaires menées en Ituri dans le cadre de l’état de siège contre les ADF et autres groupes armés, ont occasionné un déplacement massif de la population civile fuyant leur domicile vers des endroits estimés plus sécurisés.

Le 20 Novembre 2021, l’ONG Action contre la Faim a suspendu ses interventions dans le territoire de Djugu en Ituri et a procédé à l’évacuation de son personnel évacuées en attendant un apaisement de la situation. Une décision difficile dans le contexte actuel où la situation humanitaire ne cesse de se dégrader et où les conséquences d’un arrêt de l’aide sont dramatiques pour les populations.

Entre novembre et début décembre 2021, plus de 75.000 personnes déplacées, dont 35.000 enfants, dans un camp isolé au sommet d’une colline, à Rhoe, dans la province d’Ituri, en République démocratique du Congo, ont été privées d’aide humanitaire suite aux attaques des rebelles des groupes armés contre les travailleurs humanitaires et violent les réfugiés.

Ces attaques perpétrées contre les convois humanitaires au Nord-Kivu et Ituri ont conduit à la suspension des opérations humanitaires dans le territoire de Djugu et Irumu par des ONGs.

Il sied de signaler qu’en dépit des faiblesses constatées en terme des violations et atteintes aux droits humains dans les provinces sous état de siège, grâce à cet état de siège et aux opérations militaires conjointes 31 otages congolais ont été libérés, des bastions jadis occupé par des ADF et autres groupes armés ont été récupérés.

En outre, il convient de relever qu’en plus des opérations militaires conjointes, des militaires des forces armées ougandaises et congolaises réalisent également des activités de construction et de réhabilitation des routes pour faciliter le déplacement de la population civile, particulièrement sur les axes MBAU-KAMANGO et NOBILI-KAMANGO-SEMULIKI-BENI. Ces deux forces armées ont installé des centres médicaux en faveur des populations locales dans le cadre des actions civilo-militaires.

La VSV rappelle que dans le cadre du Réseau service civil pour la paix dont elle fait partie, elle continue à mener avec ses partenaires de ce réseau une campagne de sensibilisation de la population sur l’état de siège pour le rétablissement de la paix et la sécurité à l’Est de la RDCongo.

La VSV a pris acte de la mutualisation des forces FARDC et  Forces de défense Ougandaise. Cependant, elle exprime des craintes en ce qui concerne la durée de ces opérations mixtes qui, apparemment est indéterminée.

La VSV saisit cette occasion pour demander au gouvernement congolais d’ouvrir l’œil et le bon pour s’assurer que pendant et après les opérations mixtes les troupes étrangères ne se transforment pas en bourreaux des populations locales comme ce fut le cas pour les troupes de l’AFDL. En effet, celles-ci après avoir vu et gouté les richesses de la RDCongo se sont retournées contre les congolaises et congolais.

La VSV soutient la lutte des sociétés civiles du Nord-Kivu, du Sud-Kivu et de l’Ituri pour un rétablissement effectif de la paix et de l’autorité de l’Etat dans ces provinces.

La VSV croit que toutes les recommandations faites par les actrices et acteurs de la société civile doivent en grande partie être soutenues.

Eu égard à ce qui précède, la VSV recommande : 

  1. Au gouvernement congolais de :
  • Requalifier l’état de siège en le focalisant dans les territoires ou milieux les plus insécurisés pour éviter l’éparpillement des forces de sécurité ;
  • Permuter les militaires des FARDC et autres éléments des forces de sécurité ayant passé beaucoup de temps au front à l’Est de la RDCongo ;
  • Veiller à une bonne coordination des opérations militaires conjointes et une bonne collaboration étroite entre toutes les parties prenantes y compris la MONUSCO ;
  • Au Chef de l’Etat congolais de respecter sa promesse faite en date du 14 décembre 2021 lors de son discours sur l’état de la nation devant le congrès, de limiter dans le temps la mutualisation des forces armées ougandaises et congolaises.
  • Aux forces armées congolaises et ougandaises ainsi qu’aux groupes armés de respecter le droit international humanitaire et les droits humains.

Kinshasa le 17 décembre 2021

LA VOIX DES SANS VOIX POUR LES DROITS DE L’HOMME

 

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