Sénat: Les indignations sélectives de Francine Muyumba

Après avoir « raser les murs », des parlementaires étiquetés Fcc-Pprd donnent à nouveau de la voix. C’est le cas de la sénatrice France Muyumba qui s’est illustrée lors de l’examen notamment du projet de loi sur la reddition des comptes pour l’exercice 2020. Elle s’est exprimé, par ailleurs, sur le déploiement des troupes ougandaises sur le sol congolais. Rien de plus normal. Le pouvoir législatif a entre autres missions le contrôle de l’action du pouvoir exécutif. La dame Muyumba fait partie de ce qu’on pourrait appeler la « garde rapprochée » de l’ex-président « Joseph Kabila ». Successeur de Mzee, ce dernier a dirigé le Congo-Kinshasa en despote – plutôt non-éclairé – du 26 janvier 2001 à 24 janvier 2019.

 Mardi 7 décembre, le débat a fait rage dans l’hémicycle du Sénat. C’était à l’occasion de l’examen des projets de lois portant notamment sur la reddition des comptes de l’exercice 2020. Au centre des débats, le dépassement budgétaire constaté dans les dépenses effectuées par certaines institutions. C’est le cas de la Présidence de la République, de la Primature et des ministères des Affaires étrangères et de la Justice. La liste est sans doute non-exhaustive.

Présidente de la Commission des Relations extérieures de la Chambre haute, la sénatrice Francine Muyumba est intervenue pour donner son avis. Jusque-là, il n’y a rien à fouetter un chat. Là où le bât blesse c’est lorsqu’elle a soutenu que les « causes » du dépassement de crédits budgétaires sont à rechercher dans « l’irresponsabilité des acteurs de la chaîne de la dépense publique« . La dame Muyumba a raison et tort.

LE DEPASSEMENT BUDGÉTAIRE, UN « MAL CONGOLAIS« 

Elle a raison parce que le dépassement budgétaire est devenu un « vrai mal congolais« . Elle a également raison lorsqu’elle fait état de ce qu’elle appelle la « cohabitation » entre le dépassement budgétaire dans certaines institutions  et une « sous-consommation » de crédits dans d’autres. L’opinion congolaise a encore frais en mémoire l’épithète fleurie utilisée récemment par Delly Sessanga. Intervenant sur le sujet sous examen, ce député national n’est pas allé par quatre chemins en assimilant le « dépassement budgétaire » à une sorte de « délinquance« . Au grand dam du président de l’Assemblée nationale, Christophe Mboso Nkodia. C’est un autre débat.

La sénatrice Muyumba a tort de soutenir que la cause du dépassement budgétaire est à rechercher « certainement » dans « l’irresponsabilité des acteurs de la chaine de dépense« . Que dire de la « dévotion »  que les deux chambres du Parlement affichent, depuis la nuit des temps, à l’égard de l’Exécutif au point d’être réduites au rang de « chambres d’enregistrement« ?

Le deuxième alinéa de l’article 100 de la Constitution congolaise stipule notamment que « (…), le Parlement vote les lois. Il contrôle le gouvernement, les entreprises publiques ainsi que les établissements et les services publics« .  Autorité budgétaire, le Parlement joue-t-il efficacement son rôle en contrôlant et en sanctionnant les autorités prises en « flagrant délit » de dépassement budgétaire? Combien des ministres et des mandataires publics ont fait l’objet d’interpellation? Combien ont-ils été invités « à dégager » tant sous la présidence de « Joseph Kabila » que celle de Felix Tshisekedi?

A titre d’exemple, un rapport de la Cour des comptes « accusait » le gouvernement d’avoir affecté plus d’un milliard de dollars US à des dépenses non-prévues dans le budget de l’exercice 2014. En 2017, la Présidence de la République et la Primature étaient « créditées » d’un dépassement budgétaire respectif de 185% et 150,5%. Les ministères des Affaires étrangères et de la Défense, 201,4% et 181,7%. Dieu seul sait si les parlementaires à majorité Fcc-Pprd avaient-ils osé distribuer des « blâmes« .

Francine Muyumba ne s’est pas arrêté sur le sujet précité. L’occasion était trop belle pour qu’elle n’en profite pas pour décocher quelques flèches au pouvoir « Fatshiste« . C’est de bonne guerre!

INDIGNATIONS SELECTIVES ET DEMAGOGIE

La sénatrice s’est insurgée contre l’importation du fameux poisson « chinchard »  pendant qu’au Congo-Kinshasa « les poissons meurent de vieillesse » (ce sont ses mots) dans nos rivières et fleuve. Et de marteler: « Le Congo ne peut-il pas acheter des bateaux de pêche à mettre sur le lac Tanganyika, Albert, Fleuve Congo et autres? » Ici aussi, la jeune parlementaire a raison et tort.

Elle a raison parce qu’il est effectivement ahurissant qu’un pays comme le Congo-Kinshasa importe du poisson en dépit de ses potentialités. La preuve est faite, comme disait Jean Bodin que « l’homme est la première richesse d’une nation« . N’en déplaise aux Congolais, cet éminent économiste et philosophe français n’avait pas cité le cuivre ou le cobalt. Encore moins le coltan et les pierres précieuses.

Fidèle parmi les fidèles de l’ex-président « Joseph Kabila » et de sa sœur « Jaynet« , Francine Muyumba a tort parce qu’elle fait preuve de duplicité autant que de mauvaise foi. Elle feint de « découvrir » ces importations de poissons frais alors que son « mentor« , l’ex-raïs, a dirigé ce pays durant près de deux décennies. Combien de chalutiers avait-il laissés? Combien d’agriculteurs ont pu bénéficier de crédits bancaires pour promouvoir des plantations et de l’élevage? Combien d’industries étaient sorties des terres?

Que l’on se comprenne bien. Il ne s’agit pas de soutenir aveuglement le pouvoir de Felix Tshisekedi. Mais bien de dire à la sénatrice Fcc-Pprd qu’elle a tort de se lancer dans des indignations sélectives frisant la démagogie. Ne devrait-elle pas rechercher les causes du dépassement budgétaire dans le clientélisme politique et l’assujettissement du Parlement à l’Exécutif?

B.A.W.

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