Le jugement contre Kamerhe et consorts: un cas d’école

Mwamba Tshibangu

Mwamba Tshibangu

Depuis la dernière séance du procès de 100 jours qui avait eu lieu le jeudi 11 juin au sein de la prison centrale de Makala, à Kinshasa, l’haleine du peuple congolais était suspendue au verdict qui serait prononcé à cet effet. Les attentes étaient à la hauteur de l’événement. Les gens se demandaient si réellement les juges auraient le courage de briser le plafond de verre; de démontrer, par voie d’une sentence claire et nette, qu’ils opéraient en toute liberté. Sans manigance ni manipulation. Qu’ils voulaient surtout rendre justice en disant le droit, sans regard aux personnes, mais en vertu seulement de la loi.

Toutefois, les exceptions soulevées par la défense de deux prévenus avaient semé le doute sur la légalité du procès et conséquemment sur sa poursuite. Ces craintes ont été dissipées. Le juge, se fondant sur la loi, les a toutes balayées du revers de la main, comme il a eu à le justifier dans son jugement. Pour les simples citoyens cependant, le juridisme était de loin leur préoccupation. Ils voulaient une sentence dans un sens ou dans un autre: l’acquittement ou la condamnation.

Le déroulement du procès avait mis en évidence un miroir à double spectre. D’un côté, le sieur Kamerhe s’est battu acharnement pour démontrer son innocence en dépit des preuves, nombreuses et des témoignages, aussi nombreux, qui jouaient contre sa partition. Exécré et blessé dans son amour propre, il a tenté de transformer le procès pénal en un procès politique. Pour mieux jouer son jeu et se couvrir les épaules, il a, d’une façon réitérée, cherché à y impliquer, directement ou indirectement, le président de la République.

De l’autre côté, le procureur de la république et les avocats de la partie civile avaient construit leur toile d’araignée sur plusieurs documents, en se basant notamment sur des actes d’auditions faites lors de l’instruction. En dépit de la volonté de Kamerhe d’opposer, pièce contre pièce, pour les amener à démontrer explicitement son détournement du montant faramineux de 48.831.148 $ USD, ils n’ont pas rechigné, alléguant avec force de conviction à un détournement intellectuel.

Le samedi 20 juin arriva enfin. Le président de la chambre, Pierrot Bakenge Mvita, faisant lecture du jugement, n’a pas affiché d’émotions. Au fur et à mesure, qu’il lisait le jugement, on comprenait bien que Kamerhe ne pouvait en aucune façon s’en sortir. Au vu des dispositions légales et jurisprudentielles, le tribunal avait retenu que « tous les éléments constitutifs de l’infraction de détournement des deniers public étaient établis en fait et en droit en droit à charge des deux prévenus principaux, Samih Jammal et Kamerhe Kanyiginyi Vital ». Dès lors, les conséquences ne pouvaient être que celles prévues par la loi. Sans surprise donc, Kamerhe et Jammal ont écopé d’une peine de 20 ans des travaux forcés, pour ne pas parler d’autres peines prononcés.

C’était donc fait. Kamerhe, personnage de haut rang dans la sphère politique congolaise, homme qui a occupé plusieurs fonctions importantes, était condamné publiquement. Beaucoup avaient, en fait et non en droit, insinué bien avant que ledit procès avait une valeur pédagogique. Ce qui est réel dans la mesure où sa diffusion était publique et largement médiatisée. C’était à l’évidence le sujet de l’heure. Les chaînes de télévision ainsi que les médias sociaux en avaient fait leur sujet de prédilection. Des débats furent organisés et des notions de droit public et pénal furent explicitées et vulgarisées pour que tout le monde puisse en comprendre la portée.

Les gens ont su démêler le vrai du faux à partir des témoignages contradictoires. La différence devant être faite entre témoins et « renseignants » de justice pour mieux comprendre l’importance de prêter serment devant les juges et de dire la vérité et rien que la vérité. Cette formule, une fois prononcée, était lourde des conséquences. Elle a conditionné l’esprit qui a caractérisé le procès; chacun cherchant à sauver sa peau. Cela fut le cas particulièrement pour les prévenus, mais aussi pour les témoins à charge. Kamerhe l’a emblématiquement souligné plusieurs fois lors des audiences que sa vie et son avenir politique étaient en jeu, reconnaissant de facto l’autorité de l’État et la séparation des pouvoirs, avec toutes les implications que cela comportait au cas où il serait retenu coupable.

Le jugement en première instance a eu lieu, il faudrait maintenant en tirer des leçons. Le premier constat qu’il faudra souligner est que désormais, le peuple congolais peut compter sur la justice. Celle-ci est finalement égale pour tous et imposable à tous. C’est donc une grande percée sur la voie de l’instauration d’un État de droit. Cette grande leçon de justice impartiale s’adressait à toute la nation pour bien dire et de la manière la plus forte possible, que le Congo avait changé. Le régime des intouchables est en voie de disparition. Comme conséquence inéluctable, tous les actes de gestion des biens publics posés en vertu d’un mandat quelconque seront désormais sanctionnés en cas de faillite ou de détournement d’usage.

Pour Kamerhe personnellement, il va sans dire que sa crédibilité est fauchée et son avenir politique largement compromis. Il n’aura pas, après exécution de sa peine, ni droit de vote ni droit d’éligibilité pendant 10 ans. Son parti risque d’en payer le prix. Dans tous les cas, c’est un signal fort pour tous ceux et celles qui croyaient s’enrichir au détriment du trésor public. Quelle que soit l’issue des recours aux autres instances, la leçon du procès des 100 jours impactera la vie des politiciens et des mandataires publics et cela au bénéfice des intérêts du pays et de son peuple. Le peuple congolais s’attend à ce que le rouleau compresseur de la justice puisse étendre son champ d’investigation; ce qui pourrait amener le pays à un chambardement en perspective.

Rendre justice c’est tout ce qu’une nation peut espérer pour s’élever, pour que les gens soient vertueux, honnêtes et loyaux. Mettre tout le monde à la même enseigne, exigez que chacun et chacune fasse consciencieusement son travail, dans le respect strict des biens publics est une étape qui peut augurer des lendemains meilleurs. Des lendemains que le peuple congolais aspire depuis longtemps et qu’il a le droit de bénéficier, à condition que tout le monde respecte désormais les règles du jeu et s’appliquent à être de bons citoyens. Des citoyens qui se mettent au service de la nation et non le contraire. C’est peut-être en ceci que ce procès peut véritablement constituer un cas d’école.

Par Mwamba Tshibangu

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