Le « Premier » Ilunga Ilunkamba et son équipe à l’épreuve du pouvoir

Le champagne a, sans doute, coulé à flot, lundi 26 août. Et ce au bout de 214 jours d’un suspense qui devenait « insoutenable » tant pour les « ministrables » que pour les candidats à un improbable strapontin.

Le président Felix Tshisekedi Tshilombo a signé l’ordonnance n°19/077 du 26 août 2019 portant nomination des membres du gouvernement dirigé par le Premier ministre Sylvestre Ilunga Ilunkamba. Le pays compte désormais soixante-six nouvelles « excellences ».

On y imagine que les « ressortissants de… », les amis et membres des familles biologiques des « nominés » ont pu célébrer l’ascension sociale d’un des leurs. Pareille occasion est devenue un prétexte pour boire, manger et esquisser quelques pas de danse au rythme endiablé des chants et musique du terroir. C’est à croire qu’on a gagné le jackpot.

On y imagine également que « Fatshi » va être inondé des missives de « remerciements » émanant des associations momentanées des « ressortissants de… ». Celles-ci vont lui exprimer leur gratitude pour avoir « élevé » un des leurs à des hautes fonctions. Au FCC, l’ex-président « Joseph Kabila » en sait quelque chose en sa qualité d’ « autorité morale » de ce cartel politique.

Sous d’autres cieux, la nomination à un poste prestigieux est considérée comme une charge. Une responsabilité pour le « promu ». Ici, on accueille ce genre d’élévation avec responsabilité et humilité. Au Congo-Zaïre, c’est tout le contraire. La détention d’une parcelle du pouvoir y est perçue comme un « privilège ». Un changement de classe sociale.

Pour les personnalités « psychologiquement fragiles », la détention d’une parcelle du pouvoir constitue une occasion inespérée pour faire sentir à ses adversaires et contradicteurs le poids de son autorité.

On imagine enfin qu’il y a eu des grincements des dents au sein des deux familles politiques. Comme toujours, les « appelés » étaient plus nombreux que les « élus ». Les semaines et mois à venir pourraient être riches en « secousses » au sein des deux coalitions.

Formatés par les « années Mobutu » où un « réaménagement technique » de l’exécutif intervenait quasiment tous les six mois, les Zaïro-Congolais sont emballés à la veille de chaque remaniement ou nomination. La liste de nouveaux ministres est aussitôt au centre de tous les commentaires.

Les mêmes Zaïro-Congolais finissent par lâcher des réflexions du genre: « Il n’y a rien à attendre de ce gouvernement »; « Les nouveaux ministres vont se mettre plein les poches au détriment du bien-être de la population ». Le nouveau gouvernement « Ilunga 1er » n’échappe guère à ce « procès rituel ».

Pour être respecté, l’Etat doit être efficace. Cette efficacité se juge non pas par la rhétorique mais par la capacité des gouvernants à s’attaquer immédiatement aux véritables préoccupations de la population. On peut citer notamment: la sécurité des personnes et des biens; l’eau potable et l’électricité; soins de santé et une éducation de qualité; formation professionnelle pour éradiquer le chômage et les inégalités. Sans oublier, une justice plus juste et humaine sans laquelle il ne peut y avoir de vie collective harmonieuse. La liste est loin d’être exhaustive.

La coalition CACH-FCC a mis 214 jours pour former le premier gouvernement. Ce laps de temps suggère que les deux « partenaires » sont déterminés à défendre des intérêts corporatifs au détriment de l’intérêt général. Il ne dépend que d’eux de prouver le contraire.

Les nouveaux membres du gouvernement auront bien besoin de quelques mois pour apprendre le « métier ». Le rôle d’un ministre consiste à donner de grandes orientations; à fixer le cap des réformes à mener. Cette position n’exclut pas le contrôle. Un ministre n’est pas là pour gérer les dossiers du personnel. Cette tâche revient à l’Administration. Il en est de même des finances du ministère.

C’est le lieu d’appeler l’attention de nouvelles « excellences » sur la nécessité d’avoir un cabinet composé de deux équipes. Une équipe technique composée uniquement d’experts du secteur concerné et une autre strictement politique où seront « logés » les communicants, les attachés de presse et autres « militants » du parti.

Les experts peuvent être des fonctionnaires détachés au cabinet. On peut également les recruter sur la base d’un contrat de travail.

L’heure est venue de réhabiliter les Administrations des ministères. C’est l’Administration qui sert d’ « appui technique » au ministre. C’est dans l’Administration que les dossiers sont préparés et traités. Le rôle du ministre consiste à prendre des décisions dans le cadre des réformes et de l’exécution des lois.

Que voit-on? Depuis plusieurs décennies, les cabinets ministériels s’accaparent des prérogatives dévolues à l’Administration. Les conséquences sont là: les affaires publiques peinent à connaitre de l’embellie. Leurs « excellences » ont la fâcheuse habitude de se croire affranchies de l’obligation de respecter la légalité. Erreur.

En définitive, le Premier ministre Ilunga Ilunkamba – que d’aucuns décrivent, à tort ou à raison, comme un « chef débonnaire, dénué de charisme et d’autonomie » -, se trouve à l’épreuve du pouvoir. L’équipe gouvernementale placée sous sa direction sera jugée par ses réalisations et non par sa « détermination » à faire ceci ou cela…

 

Baudouin Amba Wetshi

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