L’IGF fait la chasse aux exonérations et compensations frauduleuses

Au cours d’une conférence de presse qu’il a tenue jeudi 13 août, à Kinshasa, l’inspecteur général des finances, chef de service, Jules Alingete Key a rendu compte du rapport préliminaire des enquêtes menées depuis mi-juillet par des enquêteurs de l’IGF (Inspection générale des finances) notamment au ministère de la Santé, à la DGDA (Direction générale des douanes et accises) ainsi qu’à la Banque Centrale du Congo (BCC). Outre l’identification de 1.300 cas d’exonérations frauduleuses, plusieurs actes de « mauvaise gestion » ont été décelés. Selon lui, des dossiers ont été transmis au ministère public. C’est à ce dernier niveau que se décide la fameuse « opportunité des poursuites ».

De gauche à droite, Zoé « Kabila » et « Joseph Kabila »

« Nous ne sommes pas prêts à céder le pouvoir à n’importe qui ». En articulant ce bout de phrase dans un entretien avec l’hebdomadaire « Jeune Afrique », en septembre 2016, Zoé « Kabila » avait, pour une fois, vu « juste » en  redoutant que « n’importe qui » qui succéderait à son frère aîné soit tenté de fouiller les placards où sont entassés des « cadavres » accumulés au cours de deux dernières décennies. C’est connu que la fratrie « Kabila » considère l’Etat congolais comme un « bien personnel » voire une « prise de guerre ».

On peut comprendre l’agitation – la panique? –  qui règne ces jours-ci au sein de la nomenklatura kabiliste. Les « apparatchiks » du Fcc/Pprd paraissent « perturbés » par les investigations menées par l’IGF et des inspecteurs de la police judiciaire au niveau des régies financières. Et ce à l’initiative de l’actuel chef de l’Etat, Felix Tshisekedi Tshilombo. L’objectif serait de permettre au gouvernement de disposer des « moyens de sa politique ». Certains habitués de la « ferme de Kingakati » confient que « Joseph Kabila » serait « dans tous ses états ».  Il ne cesserait de répéter à quelques proches ces mots: « Je me suis trompé dans le choix de mon successeur ».

Jeudi 13 août, Jules Alingete Key, chef de service à l’IGF, s’est adressé à quelques représentants de la presse. Sur le plan de la forme, l’orateur a gardé un ton modéré et posé. Ceux qui attendaient « Zorro le vengeur » ont sans doute été désappointés.

Conscient du rôle de son institution qui se limite à identifier les infractions, à en rassembler les preuves et à rechercher l’auteur, le patron de l’IGF s’est gardé de fanfaronner ou de proférer des menaces. Il s’est limité de donner des bribes d’information. Il laisse la suite aux autorités judiciaires.

EXONÉRATIONS ET COMPENSATIONS FRAUDULEUSES

S’agissant du fond, Alingete a confirmé ce que l’opinion savait déjà. A savoir que les enquêteurs ont identifié pas moins de 1.300 « exonérations » frauduleuses. Mêmement, pour les « compensations interdites ». « Cette situation entraîne, chaque année, un manque à gagner de cinq milliards de dollars pour le Trésor public », a-t-il déclaré en soulignant que « les exonérations et les compensations sont devenues les modes savamment conçus pour détourner les deniers publics ».

Pour ne pas provoquer une panique inutile au sein de l’opinion, l’orateur a rappelé le « professionnalisme » qui caractérise le travail des inspecteurs généraux des finances. Il a précisé que la mission de l’IGF « consiste à identifier les exonérations injustifiées » en vue de proposer aux gouvernants non seulement leur annulation mais aussi des pénalités à imposer aux « bénéficiaires indus ».

A propos des compensations, Alingete a relevé que certaines d’entre elles sont parfaitement « justifiables ». C’est le cas de celles accordées aux sociétés pétrolières et minières dont le montant est estimé à 600 millions de dollars. « Il y a d’autres compensations qui se chiffrent à 900 millions de dollars découlant des jugements et des créances sur l’Etat ».

DGDA: 30 MANDATS DE COMPARUTION

Comme pour les exonérations, a-t-il dit, les enquêteurs sont occupés à « fouiner » les compensations afin de séparer le bon grain de l’ivraie. « Tout doit être fait en sorte que les vrais compensations soient maintenus et que les fausses soient annulés ».

On apprenait qu’en exécution des enquêtes de l’IGF, la police judiciaire a lancé trente mandats de comparution à la DGDA. Pour la petite histoire, la direction générale des douanes et accises a été dirigée de 2005 à 2020 par un « manager » étiqueté RCD-Goma et proche de « Kabila ». L’homme est décédé dernièrement. Paix à son âme!

Le patron de l’IGF a créé un « petit événement » en indiquant que « des actes de mauvaise gestion » ont été identifiés lors des contrôles menés tant à la Banque Centrale du Congo (BCC) qu’au ministère de la Santé.

Albert Yuma Mulimbi

A propos de la BCC, les investigateurs cherchent à déceler la destination donnée à un montant de 100 millions de dollars que la société Mutanda Mining avait versé en 2015 pour le compte du Trésor.

L’OPPORTUNITÉ DES POURSUITES

Dans une lettre anonyme datée du 31 janvier 2019, un « lanceur d’alerte » avait appelé l’attention du président Tshisekedi Tshilombo au sujet des fonds que la Gécamines loge à la BCC. Selon lui, ces fonds seraient retirés en espèces par Albert Yuma Mulimbi, le président du conseil d’administration de cette entreprise publique. Cet argent était, d’après lui, « acheminé » à la Présidence de la République sous « Kabila ». « Des transferts de fonds ont été également opérés à partir de la Banque centrale au crédit de la société Egal dont le compte est logé à la BGFI », peut-on lire.

Le « lanceur d’alerte » de poursuivre: « Le mal qui ronge le Congo est très profond. Il ne se limite pas à la Présidence de la République, à la Banque centrale et à la Gécamines. Des audits financiers doivent être réalisés dans les secteurs stratégiques du pays, y compris au niveau de certaines provinces car les responsables ont dilapidé sans aucune retenue les ressources du pays pour s’enrichir sur le dos du peuple congolais ».

L’IGF et la Police judiciaire pourraient-elles démanteler ce qui ressemble bien à une « mafia »? L’avenir le dira. Des informations parcellaires laissent déjà entendre que les enquêteurs de l’IGF et de la police judiciaire seraient l’objet de pressions et menaces filandreuses.

En attendant, tous les yeux sont tournés vers le ministère public. C’est le procureur qui appréciera l’opportunité des poursuites…

 

Baudouin Amba Wetshi

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