Les Allemands de retour au pays de Fatshi

Le représentant personnel pour l’Afrique de la Chancelière allemande. Angela Merkel, M. Günter Nooke, est arrivé à Kinshasa le mercredi 12 août 2020 pour un séjour de travail de 5 jours. Selon les sources au ministère de la Coopération et intégration régionale, l’agenda de l’homme d’Etat allemand intègre des discussions sur la réalisation du Projet Inga 3 (« The Congo Green H2 Projet » et le gigantesque projet « chemin de fer du Congo ». Initiative de la firme Congo Railway Development Ag, qui a conçu un système de transport multimodal consistant à la réhabilitation, à la construction et à l’exploitation d’un réseau ferroviaire national, circulaire et intégrateur de plus de 10.000 Km connecté aux ports, aéroports et routes.

Partenariat traditionnel

Le séjour congolais de M. Günter Nooke s’articulera essentiellement autour de ces deux gigantesques projets vitaux pour le pays et le continent. Il rappelle également la disponibilité de l’Allemagne à travailler aux côtés et avec les Congolais. Pour mémoire, à la suite du voyage de feu le président Mobutu, en 1968, Bonn avait souscrit à une coopération fructueuse entre la République Fédérale d’Allemagne d’alors et la République Démocratique du Congo. A la faveur de cet accord, les firmes allemandes – Deutz, Möeller, Siemens… – avaient littéralement dominé la zone industrielle de Limete, allant de la 1ère Rue à la 17ème Rue à Kinshasa.

A l’actif de cet investissement massif, s’inscrit la croissance économique de l’économie pendant toute cette période. Limete était grouillante avec plusieurs unités de production qui permettaient le décongestionnement de la commune de la Gombe, devenue aujourd’hui le pourvoyeur principal d’emplois dans la capitale.

Par naïveté ou par cécité, cependant, ce précieux acquis sera soldé sur l’autel de la mesure coupe-gorge dite « zaïrianisation » de l’économie du pays. Pour avoir dépossédé ceux qui avaient le sens des affaires et de l’investissement, cette erreur politique va inscrire l’économie du pays dans une spirale descendante. En dépit de la mesure corrective de « rétrocession » très peu d’opérateurs spoliés avaient souscrit à récupérer leurs unités de production déjà littéralement saignées par une gestion prédatrice.

Deux décennies perdues

Mais le coup fatal sera administré par la population elle-même, sur fond d’intrigues politiques, avec les pillages successifs de 1991 et janvier 1993. Tout le tissu économique fut dessouché par des pillages d’une agressivité rare sur la planète. Le changement de régime intervenu en mai 1997 va susciter un regain d’espoir dans le chef d’une population durement éprouvée par les affres d’une destruction aveugle.

Hélas, l’attentisme des investisseurs occidentaux s’étirera sur plus de deux décennies. A la base, la gestion clientéliste de l’appareil de l’Etat. On le sait, les Allemands, les Flamands, les investisseurs de style anglo-saxon…répugnent à des combines mesquines dans la gestion des affaires. Or, Kinshasa s’est illustré pendant toute cette période – 1997 à 2019 – dans les combines de commissions, corruption, tracasseries administratives et policières, etc. Respectueux de la législation, les Allemands ne sauraient retrouver le chemin de la RDC, tant que persistaient ces pratiques éhontées.

Thérapie à la Fatshi

De 1997 à 2019, il y a eu ainsi foisonnement de petites industries et usines montées par des Chinois et Indo-pakistanais très habiles dans des deals avec et sous le couvert des autorités politiques, militaires et policières. Peut-on espérer booster l’économie du pays avec un tel tissu? Non! Félix Antoine Tshisekedi le sait. Comme beaucoup d’autres experts congolais. Dès son investiture, en janvier 2019, le chef de l’Etat s’est jeté dans l’avion, en tête de pont d’une diplomatie de charme articulée autour de la reconquête de la paix et du retour d’investisseurs sérieux sur le sol congolais. Essuyant invectives, insultes, calomnie… Fatshi a débarqué sur le sol allemand en novembre 2019. Sur la table, les raisons pour les Allemands de faire come back à Kinshasa, mieux en République Démocratique du Congo.

Séduite par la nouvelle vision du président congolais, Angela Merkel n’a pas hésité à engager son pays dans un nouveau deal avec Kinshasa. Le protocole d’accord y afférent (MoU) a été signé à Berlin par le ministère congolais de la Coopération internationale, intégration régionale et Francophonie et l’entreprise Siemens AG.

Climat des affaires

Il faut reconnaître que le retour des Allemands en RDC est en soi une opération de marketing qui ne dit pas son nom. L’Allemagne dans un territoire est un gage automatique de la réunion des conditions propices au développement des affaires. Comme souligné plus haut, la culture germanique a horreur de la tricherie, des combines diverses; elle s’accommode plutôt du respect de la législation par les parties – pouvoirs publics et opérateurs économiques.

On le sait, le climat des affaires en République Démocratique du Congo était entaché, entre autres, par une justice corrompue et inféodée aux forces politiques. Le déroulement du procès des 100 jours, sans la moindre interférence du chef de l’Etat, a donné le gage de regain d’une justice indépendante et rassurante. D’où, vraisemblablement, la volonté de retrouver le territoire congolais qu’assume la visite de travail de M. Günter Nooke. Et par effet de contagion, d’autres nations économiques vont faire le déplacement de Kinshasa. Pour la même cause.

Le piège

Après la victoire pour une justice émancipée, à la base de l’embellie actuelle, Félix Antoine Tshisekedi ne devrait pas poser la tête sur l’oreiller. Comme disait Franco Lwambo Makiadi « les sorciers n’ont pas encore désarmé ». La deuxième cible, tout aussi importante, reste le fonctionnaire. Très ancré dans la corruption, il multiplie les tracasseries administratives et diverses qu’il s’érige, lui aussi, en obstacle pour l’investissement. Heureusement la création de l’institution en charge de la lutte contre la corruption est déjà opérationnelle. Pourvu, certes, qu’elle soit efficace pour ne pas décevoir, et le géniteur et les potentiels investisseurs.

Pour tout dire, sans tambour ni trompette, le président de la République, Félix Antoine Tshisekedi, réalise des enjambées sur le chemin du progrès.

A l’occasion de cette visite, nous disons BIENVENUE AUX ALLEMANDS!

« HERZLICH WILLKOMMEN! SCHÖN WIEDER DEUTSCHE GÄSTE BEI UNS BERGRÜBEN ZU DÜRFEN! » (= Bienvenue de tout cœur! C’est beau de pouvoir à nouveau saluer des visiteurs allemands!)

 

Bondo Nsama – Journaliste

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