Lokondo Wina: « Voici pourquoi j’ai décidé de quitter le MLC! »

Membre du Mouvement de Libération du Congo (MLC) depuis une quinzaine d’années, Socrates Wina Lokondo vient d’adresser au président de ce parti, Jean-Pierre Bemba Gombo, sa lettre de démission. Il invoque des « divergences » au sujet de l’actuel gouverneur de la province de l’Equateur. Selon lui, Dieudonné Boloko Bolumbu – qui brille par son autoritarisme – bénéficie du « soutien » du MLC en dépit de ses inepties. INTERVIEW.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter le MLC après tant d’années de militantisme?

Je vous rassure tout de suite: je n’ai pas agi sur un coup de tête. Depuis plusieurs mois, j’ai adressé des notes – restées sans suite – à la direction du parti pour faire part de mes appréhensions au sujet de « l’alliance » existant entre le MLC et l’actuel gouverneur de l’Equateur qui brille par son impopularité. Quatre années après son accession à la tête de cette province, ce dernier n’a accompli aucune réalisation. Aucune. Il brille au contraire par son autoritarisme: fermeture des radios, arrestation des journalistes et des députés provinciaux.

Votre lettre adressée au Président du MLC s’est retrouvée, le même jour, sur les réseaux sociaux. Ne valait-il pas mieux de réserver la primeur à son destinataire?

Je ne suis pas un fonctionnaire. C’est moi-même qui ai diffusé cette lettre. La démission du membre d’un parti politique est un acte banal. Je devais des explications à l’opinion en général et à ma base en particulier. Sans omettre, mes camarades du parti au niveau tant national que provincial.

Pourquoi avez-vous décidé de quitter un parti dans lequel vous avez milité durant quinze ans et à quelques vingt mois des élections générales?

J’ai adhéré au MLC en 2007 au moment où il n’était plus au pouvoir. A l’époque, je n’avais jamais rencontré Jean-Pierre Bemba. J’avais fait publier plusieurs tribunes pour fustiger la détention du Président du MLC. Mon apport – en termes d’actions sur le terrain – est connu de tous notamment à Mbandaka. Plus d’une fois, j’ai eu à inhaler le gaz lacrymogène de la police congolaise. Mes poignets ont connu les menottes. J’ai été mis au cachot pour avoir dénoncé, comme aujourd’hui, les dérives autoritaires du chef de l’exécutif provincial. Je me suis retrouvé devant un choix. Les intérêts de la province sont au-dessus des miens. J’ai la chance d’avoir une autre conception de la politique. Pour votre information, la direction du parti m’avait promis récemment une nomination.

A propos justement de nomination, que répondez-vous à ceux qui pourraient vous suspecter d’exprimer une frustration personnelle à travers cette démission?

Les plus hauts dirigeants du parti m’avaient donné des assurances pour ma nomination. C’est le cas notamment de Maman Eve Bazaïba…

Une question directe: auriez-vous entrepris la même démarche si vous occupiez un poste?

Bien-sûr! Une petite anecdote. Il y a douze ans, j’assumais les fonctions de conseiller principal au cabinet de Jean-Claude Baende, alors gouverneur de l’Equateur grâce au PPRD. Baende, qui était mon ami, me dit: « Mon cher, tu dois te déterminer ». Ma réponse a été tout aussi simple: « Je reste membre du MLC ». Nos chemins se sont séparés aussitôt.

Dans un récent reportage réalisé notamment à Mbandaka, Israël Mutombo de « Bosolo na Politik » croit savoir que l’actuel gouverneur de l’Equateur bénéficierait du « soutien » du ministre de l’Intérieur, l’UDPS Aselo Okito. Qu’en dites-vous?

Certaines informations semblent aller dans le même sens. A titre d’exemple, une motion a été votée (14 voix pour, 10 contre) contre l’actuel gouverneur. Le lendemain, le ministre de l’Intérieur s’est empressé de faire annuler le vote de l’Assemblée provinciale. J’ai été reçu par le vice-ministre de l’Intérieur afin d’y voir plus clair. Après un échange sur le sujet, j’ai acquis le sentiment qu’il y existerait une certaine connivence.

L’actuel gouverneur de l’Equateur n’est-il pas membre de la « mouvance kabiliste »?

Au départ, il était étiqueté Fcc/PPRD. Il a fini par adhérer à la « nouvelle blanchisserie » qu’est devenue l’Union sacrée de la Nation (USN). En tant que démocrate, je peux vous assurer que ce n’est pas l’appartenance politique de ce gouverneur que je fustige. C’est plutôt sa gestion en tant que serviteur de l’Etat. C’est à croire que dans notre pays, on préfère confier des responsabilités à des personnes qui ne portent pas ombrage.

Socrates Lokondo a donc quitté le MLC. Et maintenant?

Je vais voir comment faire mon chemin avec des gens avec qui je partage les mêmes valeurs.

Que répondez-vous à ceux qui disent que trois années après son investiture à la tête de l’Etat, Felix Tshisekedi « n’a pas encore fait ce qu’il disait » en tant qu’opposant?

Tout laisse apparaitre que le président Felix Tshisekedi n’a pas encore traduit en acte ce qu’il proclamait pendant qu’il militait dans les rangs de l’opposition. Le grand combat dans notre pays tourne autour de la gestion des affaires publiques. D’un côté, on parle de la lutte contre la corruption, de l’autre, on libère des gens qui ont été condamnés au second degré à des peines lourdes pour corruption et détournement des deniers publics. Que dire des incompétences que l’opinion ne cesse de dénoncer tant l’entourage présidentiel qu’au sein du gouvernement du Premier ministre Sama Lukonde?

Vous faites sans doute allusion à quelque noms dont le tout Kinshasa parle: Eteni Longondo, Willy Bakonga, Modeste Makabuza…

Sans omettre le plus célèbre d’entre eux… Vital Kamerhe. Comment peut-on expliquer qu’il ait reçu l’autorisation de voyager à l’étranger alors qu’il était condamné à 10 ans d’emprisonnement au second degré? Qu’en est-il des autres prisonniers? Pourront-ils bénéficier des mêmes « faveurs »? J’ose espérer que le chef de l’Etat mettra un point d’honneur à rectifier son action au cours des quelques vingt mois qui restent. Je vous signale que je connais Felix Tshisekedi personnellement. Il connait non seulement mon nom mais aussi mon prénom.

Puisque vous connaissez Felix Tshisekedi personnellement, faisons de la politique fiction. S’il était là en face de vous! Que lui diriez-vous?

Sur le plan provincial, je lui dirai de faire arrêter le soutien apporté à l’actuel gouverneur de l’Equateur. Le Président de la République devrait peser de tout son poids en sa qualité de garant du bon fonctionnement des institutions. L’objectif est de permettre aux députés provinciaux d’assurer pleinement leurs prérogatives comme ce fut dans le cas du gouverneur Jean Maweja Muteba au Kasaï Central. Au plan national, je lui demanderai de donner un coup de balai dans son entourage et de prendre autorité sur ses anciens amis devenus ses collaborateurs. Aux dernières nouvelles, le tout Kinshasa raconte que deux membres du cabinet présidentiel en seraient venus aux mains. Si cette information était confirmée, il serait plus temps que le chef de l’Etat impose son autorité.

Que répondez-vous aux « communicateurs » du « clan Kabila » qui clament depuis quelques mois que le Congo-Kinshasa « se portait mieux » à l’époque de l’ex-président « Joseph Kabila »?

Je ne tiendrai jamais ce genre de discours. Personnellement, j’ai encore frais en mémoire les « dérapages » du régime Kabila. Les partisans de l’ancien chef de l’Etat se sont livrés à une comparaison hâtive…


Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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