Mouvement citoyen: « LUCHA » souffle ses dix bougies

Le « Café Congo« , situé dans la commune bruxelloise d’Anderlecht, a servi de cadre pour la commémoration, sans faste particulier, du dixième anniversaire du mouvement citoyen « LUCHA » qui a vu le jour en mars 2012 à Goma, chef-lieu de la province du Nord-Kivu. Coïncidence ou pas, en décembre 2011, le diplomate français Stéphane Hessel, venait de rééditer, en décembre 2011, son célébrissime opuscule « Indignez-vous! » Au Nord Kivu, c’est « l’indignation » face à l’injustice sociale qui a servi d’élément déclencheur du mouvement citoyen « Lutte pour le changement«  (LUCHA). La première action de cette association a été une manifestation devant la direction provinciale de la Regideso. Les activistes ne comprenaient que la ville de Goma soit confrontée à une pénurie d’eau alors qu’elle est traversée par le lac Kivu.  

Une partie de l’assistance

Les membres de « LUCHA« , peuvent être considérés comme étant les « premiers indignés congolais« . Et ce pour avoir conjurer le fatalisme en clamant haut et fort leur « révolte pacifique » face notamment au chômage des jeunes. Pour eux, l’heure était venue de parler moins et d’agir plus par des actions sur la voie publique.  C’était au moment où le régime de « Joseph Kabila » répandait la terreur. Bonjour les arrestations!

Créé en 2012, le mouvement citoyen « LUCHA » a été révélé au grand public un certain 15 mars 2015. Réunis ce jour-là dans une salle de la commune kinoise de Masina, des activistes de ce mouvement seront arrêtés par l’Agence nationale de renseignements (ANR). Ils n’étaient pas seuls. Présents sur le lieu, des membres de « FILIMBI » et des leaders du Balai citoyen (Burkina Faso) et « Y en a marre » (Sénégal) subiront le même sort. L’accusation est gravissime.

 Au cours d’un point de presse tenu à Kinshasa, Lambert Mende Omalanga, alors ministre de la Communication et des médias, n’a pas l’heur de peser le poids des mots. Il parle de « tentative de déstabilisation des institutions nationales en vue de perturber le processus électoral« . La suite pour les Congolais, tient en trois mots: arrestation, cachot, torture. Les Ouest-Africains seront relâchés suite à un coup de fil du président sénégalais Macky Sall.

PAYS SANS JUSTICE

Bienvenu Matumo, un des porte-paroles du Mouvement

Dimanche 1er mai 2022, les invités sont accueillis, au « Café Congo« , par un documentaire – réalisé par Marlène Rabaud et Arnaud Zajltman – retraçant le chemin parcouru par le Mouvement. Dans une séquence du film, on assiste à un échange entre l’activiste Rebecca Kabuo et son père. « Nous vivons dans un pays sans justice« , dit le papa.  « Que faire? », rétorque Rebecca. Pour toute réponse le papa lâche: « Il faut prier!« . Sa fille opta pour des actions. Des actions pacifiques.

Dans le même film, on voit Luc Nkulula clamer: « Joseph Kabila est illégitime depuis le mois de décembre 2016« . L’activiste mourra quelques mois plus tard dans sa maison en feu. Les circonstances non jamais été élucidées à ce jour. Le quotidien des militants de LUCHA est rythmé par des arrestations. « Pourquoi arrête-t-on des gens qui réclament l’eau courante, l’emploi et la justice?« , s’interroge l’activiste Bienvenu Matumo.

La projection précitée est suivie par une conférence. Sur la « tribune« , on note la présence du Révérend Eric Nsenga, porte-parole de l’Eglise protestante au Congo (ECC) et de l’Eurodéputée Marie Arena, vice-président de la Commission. Sans omettre « Bienvenu » et Issac « Drop ». Ces derniers ont retracé les premières actions du mouvement.

COMBAT POUR L’EMERGENCE D’UN « CONGO NOUVEAU« 

Interrogé sur la situation sécuritaire au pays après l’investiture de Felix Tshisekedi, « Issac » commence par s’en prendre au patron de l’IGF (Inspection générale de finances). Pour lui, Jules Alingete Key « a outragé la mémoire [des victimes des groupes armés à l’Est] en déclarant qu’il n’y a pas de guerre à l’Est« . Qu’en est-il de l’état de siège proclamé le 6 mai 2021 par le chef de l’Etat? « Le bilan est négatif. Rien n’a changé« , fait-il remarquer. Pour Bienvenu Matumo, le mouvement citoyen LUCHA propose l’organisation d’un « dialogue avec la population, l’armée et la justice« . « LUCHA milite pour l’émergence d’un Congo nouveau« , ajoute-t-il.

« Jean Claude », un sympathisant de la LUCHA

Ouvrons la parenthèse ici. Un sympathisant de LUCHA, prénommé « Jean-Claude » me fait comprendre qu’il avait des choses à dire. Pour lui, ce Mouvement citoyen est un modèle pour le Congo de demain. « La LUCHA et l’UDPS manifestaient la main dans la main sous le régime de Joseph Kabila. Aujourd’hui, notre Mouvement est devenu l’ennemi numéro un de l’UDPS« , résume-t-il. Selon lui, des « gens malintentionnés » tentent de brocarder l’image de cette organisation en prétendant, « sans apporter la moindre preuve« , que le Mouvement est manipulé par certains acteurs politiques. « Ces rumeurs me révoltent d’autant plus que je connais l’intégrité de ces jeunes de LUCHA et leurs méthodes de travail fondées sur l’indépendance et le respect de certaines valeurs« . Pour Jean Claude, durant les « années Kabila » LUCHA et l’UDPS travaillaient la main dans la main « parce qu’ils avaient des intérêts convergents. A l’époque, le Mouvement était-il manipulé de l’UDPS?« . Qu’en est-il aujourd’hui des rapports entre les deux organisations? La réponse tombe: « Hier, les deux structures avaient une convergence d’intérêt. Aujourd’hui cette convergence n’existe plus« . Et de conclure: « Depuis l’avènement de l’UDPS au pouvoir, elle n’a plus rien à voir avec le parti [d’Etienne Tshisekedi] qui se battait pour le bien du peuple« . Fermons la parenthèse.

LA RDC N’A PLUS DES REPÈRES        

Pasteur Eric Nsenga a axé son intervention, comme il fallait s’y attendre, sur le processus électoral au Congo (voir l’interview sur le site). On retiendra ces mots: « Nous devons cesser de considérer les élections comme une finalité. Les élections constituent un moyen« . Selon lui, les responsabilités de la situation socio-politique au Congo sont partagées. Au motif que le pays n’a plus des repères. Et d’expliquer qu’après un voyage aux Etats-Unis, l’Eglise catholique et l’ECC « ont levé l’option de continuer à suivre le processus électoral« . Les deux confessions militent, selon lui, non seulement par un « consensus » mais aussi pour la « décentralisation de la publication des résultats électoraux« . Marie Arena d’abonder dans le même sens: « J’ai l’impression qu’on endort les peuples avec les questions électorales. On oublie tout le reste« . Pour elle, la justice doit être prioritaire. Elle est contre la « justice transactionnelle » qui se limite à l’indemnisation de la victime. « La justice doit aller jusqu’au bout« , estime l’Eurodéputée.  

Dans son intervention, Bienvenu Matumo de lancé ces mots: « On ne peut pas laisser le Congo dans les mains de charlatans« . L’activiste n’exclu que des militants de LUCHA s’engagent dans la politique active.

Baudouin Amba Wetshi

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