Présidentielle du 23/12: Le Congo-Kin au bord de la guerre civile…

A quelques cinq mois de la date fixée (23 décembre 2018) pour la tenue des consultations politiques majeures (élection présidentielle, législatives et provinciales), le Congo démocratique se trouve à nouveau dans une zone de turbulence.

ANALYSE

L’ambiance générale est loin d’être celle d’une nation qui se prépare à aller aux urnes pour demander des comptes à la majorité sortante avant de choisir librement ses nouveaux gouvernants. En dépit d’un bilan catastrophique, les « sortants » rechignent « à sortir ». Ils continuent à faire plus la pluie que le beau temps. Jean-Pierre Bemba Gombo (MLC) et Moïse Katumbi Chapwe (Ensemble), candidats à l’élection présidentielle, en savent quelque chose.

Dimanche 5 août, des observateurs de la politique congolaise étaient fort pessimistes et prêts à parier sur la non-tenue des élections du 23 décembre prochain. Ils tiennent, pour preuve, la « semaine tumultueuse » qui vient de s’achever tant dans la capitale qu’à Kasumbalesa (Haut Katanga). D’après eux, « Joseph Kabila » – qui ne croit qu’à la force des armes – a suffisamment démontré qu’à défaut de se représenter pour briguer un nouveau mandat, il ne cédera le pouvoir qu’à un successeur  de son obédience.

Au vu de l’état actuel de rapports de force, ces mêmes observateurs estiment qu’il est impossible que les urnes enfantent l’alternance démocratique attendue par la grande majorité de Congolais. « Seule une guerre civile ou révolution populaire pourrait imposer le changement », soutiennent-ils. Cette dernière idée fait désormais son petit bonhomme de chemin. Ce n’est plus qu’une question de moyens.

Que voit-on?

Les prisonniers politiques sont maintenus en détention en dépit des « mesures de décrispation » contenues dans l’Accord de la Saint Sylvestre. Le ministre de la Justice Alexis Thambwe qui se prend pour un procureur brille par une arrogance de mauvais aloi. Les opposants continuent à faire l’objet des intimidations. L’armée, la police et les services de renseignements se comportent en milice au service de l’oligarchie en place. Il en est de même de l’appareil judiciaire et de la sacro-sainte Cour constitutionnelle placés sous la botte des « hommes du raïs ».

RESTAURATION DU PARTI-ETAT

Jean-Pierre Bemba à la Ceni

Pour boucler la boucle, les gouverneurs de province viennent d’adhérer à la charte de la coalition politique aux allures de parti unique créée par « Joseph Kabila » dite « Front commun pour le Congo » (FCC). Les maires et les bourgmestres sont tous membres du parti présidentiel, le parti du peuple pour la démocratie et la reconstruction (PPRD). On assiste à une restauration camouflée du parti-Etat.

Dimanche 5 août, Jean-Pierre Bemba Gombo a sans doute poussé un « ouf! » de soulagement lorsque son avion a repris les airs à destination de Bruxelles. Arrivé à Kinshasa le mercredi 1er août, le leader du MLC (Mouvement de libération du Congo) a été empêché par le patron de la police kinoise, le « général » Sylvano Kasongo Kitenge, non seulement de « communier » avec la population venue l’accueillir à l’aéroport de Ndjili mais aussi d’habiter dans la résidence de sa famille. Et ce sous prétexte que celle-ci se trouvait dans le « site présidentiel ». Une situation sans précédent.

Lors du dépôt de sa candidature jeudi à la CENI (Commission électorale nationale indépendante), le « chairman » n’a pas manqué d’exprimer au président de la centrale électorale, Corneille Nangaa, les préoccupations de son parti par rapport à la fameuse « machine à voter ». Il en est de même du cas de plusieurs millions d’électeurs enrôlés sans empreintes digitales. « A quoi servirait-il d’organiser des élections qui seront contestées le lendemain? », a dit Bemba à son interlocuteur. A-t-il été entendu? C’est à voir.

C’est un secret de Polichinelle. Certains analystes n’excluent pas que la CENI et la Cour constitutionnelle invalident la candidature du leader du MLC. Au motif qu’il aurait été condamné dans l’affaire « Bemba II » dite « subornation de témoins ». Certains juristes proches de la mouvance kabiliste déploient, depuis quelques jours, des talents d’éloquence pour faire triompher la thèse selon laquelle la subornation est assimilable à la corruption. L’article 10 de la loi électorale frappe d’inéligibilité « les personnes condamnées par un jugement irrévocable » notamment « de corruption ». On peut gager qu’on va assister à la mère de toutes les batailles entre les juristes des deux camps antagonistes.

COMBATTRE LA DICTATURE

Les vendredi 3 et samedi 4 août, les Congolais ont suivi aux quatre coins du pays, un nouveau round du bras de fer entre « Kabila » et l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe. Celui-ci s’est vu refuser l’autorisation à son aéronef d’atterrir à Lubumbashi en provenance d’Afrique du Sud. « Kabila » qui confond ses intérêts particuliers avec ceux de l’Etat a mobilisé la force publique pour régler ses comptes personnels avec l’ancien Gouverneur.

Moïse Katumbi

Candidat déclaré à l’élection présidentielle, Katumbi voulait s’enrôler et aller déposer son dossier de candidature à Kinshasa. Contre toute attente, les autorités zambiennes ont été informées par Kinshasa que « Moïse » n’était pas autorisé à franchir la frontière du pays qui l’a vu naître. Quelle ironie du sort? Et dire que l’homme à l’origine de cette oukase a plusieurs lieux de naissance (Hewa Bora II, Mpiki, Lulenge etc.) et porté d’autres patronymes (Mtwale, Kanambe) avant celui de « Kabila ». Plus grave, cet individu qui demeure un mystère pour ses « compatriotes » a fait son service militaire dans l’armée tanzanienne. Ce qui suppose qu’il était au moins citoyen tanzanien.

Par sa boulimie du pouvoir et des avantages qui y sont attachés, « Joseph Kabila » a réussi à replonger l’ex-Zaïre dans la dérive dictatoriale que redoutaient les législateurs de 2005. L’Etat congolais, en tant que pouvoir politique censé être au service de l’intérêt général, affiche au grand jour sa partialité. Comment pourrait-on, dès lors, espérer une concurrence loyale et pacifique durant la campagne électorale à venir? Comment pourrait-on croire à des élections libres et équitables tant dans la capitale que dans l’arrière-pays? Quelle crédibilité pourrait-on accorder à des élections non-inclusives?

Le Congo-Kinshasa vit plus que jamais la même ambiance délétère que celle qui prévalait en 1998 sous le régime autoritaire de Mzee Laurent-Désiré Kabila. Des mouvements rebelles virent le jour pour combattre la dictature naissante…

 

Baudouin Amba Wetshi

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