RDC-Banque mondiale: incompréhensions!

La Banque mondiale « regrette » la dissolution du Fonds Social de la RDC – un organisme public qui bénéficie d’importants financements de cette institution – sans qu’il ait eu un échange préalable avant la création d’une nouvelle structure.

Gaston Mutamba Lukusa

Par ordonnance publiée le 4 mai, le président Félix Tshisekedi a dissous le « Fonds social de la République ». Il a créé un nouveau Fonds Social de la République Démocratique du Congo (FSRDC) avec des compétences plus larges. Le nouvel organisme public procède de la fusion avec la cellule d’appui au Programme d’urgence intégré de développement communautaire (CAPUIDC). Il s’agit d’un service spécialisé de la présidence de la République créé par ordonnance n°19/068 du 25 juillet 2019 dont la mission est de coordonner les actions et les initiatives urgentes du chef de l’État visant une amélioration rapide des conditions de vie de la population, notamment à travers la création d’emplois massifs décents et d’opportunités d’insertion socio-professionnelles pour les jeunes. Dans une correspondance datée du 1 mai, adressée au ministre congolais des Finances, le directeur des opérations de la Banque mondiale pour la RDC, Albert Zeufack, note que l’absence d’un échange préalable avant la dissolution du Fonds et la création d’une nouvelle institution pour la remplacer est regrettable. « La décision de la dissolution du Fonds social pour la RDC n’est pas conforme aux accords juridiques concernant les modalités de mise en œuvre des projets… », écrit-il. Et de souligner que « conformément aux dispositions de différents accords juridiques qui nous lient, l’organisation dissout était l’entité chargée de l’exécution de 3 projets d’une enveloppe totale de 1,04 milliard de dollars américains ». Il cite : le projet de prévention et des réponses aux violences basées sur le genre (PRVBG) pour 100 millions de dollars américains, le projet de stabilisation de l’Est de la RDC (STEP) pour la paix pour 695 million de dollars américains et le projet de stabilisation et de relèvement de l’Est (STAR Est) pour 250 millions de dollars américains. Ainsi, la Banque mondiale a suspendu ces projets qui concernent directement 616.380 bénéficiaires. Aussi, près de de 600.000 personnes sont affectées par les conséquences de cette décision. L’institution de Bretton Woods n’a pas fermé complètement la porte. Elle précise qu’« avant de pouvoir continuer à engager les fonds de projet, le gouvernement et la Banque mondiale devraient s’accorder sur les mesures transitoires à mettre en place afin de s’assurer que les fonds sont utilisés aux fins prévues conformément à la politique de financement des projets d’investissement de la Banque mondiale ». Dans la foulée, la Banque mondiale signale que 91 millions de dollars de financement des projets STEP (89 millions) et PRVBG (2 millions) étaient injustifiés à ce jour.

Les objectifs du Fonds social

Le Fonds social de la République démocratique du Congo a été crée en 2002 en s’inspirant au Fonds social pour le développement (FSD) qui existait, avec l’appui de la Banque mondiale, en Egypte et dans certains pays africains et arabes. Le FSD avait pour objectif: la création des emplois, l’élimination des séquelles de la restructuration de l’économie à la suite de la privatisation et la lutte contre la pauvreté. Dans ce cadre, des projets furent financés dans le domaine des travaux publics, du développement communautaire, de la restructuration de l’économie et de la création des PME/PMI (Petites et moyennes entreprises/Petites et moyennes industries). Le Fonds Social de la République de la République démocratique du Congo (FSRDC) fut créé le 5 février 2002 sous la forme d’un établissement public. Il avait pour mission de participer à l’effort de reconstruction de la République démocratique du Congo. Pour ce faire, il devait contribuer à l’amélioration des conditions de vie de la population congolaise et son accès aux services sociaux moyennant la réhabilitation et la reconstruction des infrastructures économiques et sociales communautaires. Il devait aussi participer à la création des revenus et des emplois dans les milieux ruraux et urbains par l’exécution ou l’implantation des micro-projets générateurs des revenus pour alléger la pauvreté et promouvoir le développement économique et social de la République démocratique du Congo. Il a bénéficié des financements de la Banque mondiale. La nouvelle structure a un but presque similaire. A savoir notamment « la création des revenus et des emplois dans les milieux ruraux et urbains par l’exécution ou l’implantation des micro-projets générateurs des revenus pour alléger la pauvreté et promouvoir le développement économique et social de la République démocratique du Congo ».

Des raisons de s’inquiéter

Il aurait été indiqué que le gouvernement consulte, au préalable, Banque mondiale avant de dissoudre le FSDRC qui bénéficiait d’appuis financiers importants. On peut soulever ici la question de la souveraineté nationale. En attendant les négociations et les discussions qui doivent avoir lieu pour décanter la situation, il faut mentionner qu’un problème qui pourra être soulevé est la question du personnel qui sera retenu dans la nouvelle structure. Normalement, le personnel doit être qualifié et maîtriser les procédures de la Banque mondiale. Cependant, il y a lieu de craindre, comme c’est l’habitude, que le personnel de l’ancienne structure, qui dispose de l’expertise, soit tout simplement remercié. Le fait que le FSDRC soit placé sous l’autorité directe du Président de la République risque d’être un autre problème. Il pourra échapper à tout contrôle du gouvernement et même du parlement dont une des missions est le contrôle des entreprises de l’Etat. Le Président n’est pas responsable devant le parlement en cas de mauvaise gestion du FSDRC. Il va aussi échapper à tout contrôle de la Banque mondiale, de l’IGF (Inspection générale des Finances) et de la Cour des comptes. Dans le passé, la Banque mondiale avait pris la décision d’annuler le financement des projets pour ce genre de considérations. Ce fut le cas de l’ADPI (Agence pour la promotion, le développement et la mise en œuvre du projet Grand Inga), un service spécialisé au sein de la Présidence de la République, créé en octobre 2015. Le Congo justifiait sa démarche par le fait que le barrage d’Inga était tellement stratégique que l’ADPI ne pouvait qu’être placé sous l’autorité directe du Président de la République. La Banque mondiale avait alors annulé son aide.


Gaston Mutamba Lukusa

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