Témoignage sur la vérification de la nationalité congolaise en vue de l’enrôlement aux scrutins de 2023

La carte d’électeur délivrée à Mayoyo B. TipoTipo

Au cours de cette année 2023, je compte retourner pour la première fois à Kinshasa après mon départ pour l’Europe en 1991 dans le cadre des études postuniversitaires. Sachant qu’au Congo la carte d’électeur sert de carte d’identité depuis 2006, je me rends dans une ville congolaise frontalière du pays où j’exerce ma profession pour me faire enrôler.

A l’entrée de mon pays, je suis témoin d’une manœuvre qui incite à la réflexion. Deux jeunes hommes aux allures de représentants de futurs candidats aux législatives accueillent ce qui semble être des membres de famille vivant de l’autre côté de la frontière afin de les guider à remplir les formalités d’usage au Bureau de la DGM et les accompagner aux bureaux d’enrôlement.

Parmi eux, plusieurs personnes, surtout des jeunes, ne disposent d’aucune pièce d’identité autre que le Jeton de visite frontalière. Sortie, délivré, sur simple déclaration verbale et moyennant paiement d’une modique somme d’argent, par les services d’immigration du pays voisin. Sur ce Jeton, on peut lire les informations suivantes: Nom et prénoms, Nationalité, Sexe, Destination, Motif. Il y a également un NB: « Valable de 07h00 à 16h00. A retourner après usage ».

Une discussion s’engage entre des agents de la DGM et ces membres de famille. Pour la DGM, l’une des femmes dans le groupe est Congolaise. Mais ce qui semble être ses nombreux jeunes enfants ne le sont pas. Pourquoi? Parce que la femme est mariée à un homme du pays voisin. Pour cette raison, ses « enfants » sont des étrangers portant la nationalité de leur père. Par ailleurs, constate un agent de la DGM, les enfants ne parlent aucune langue congolaise. L’un des deux représentants rétorque que les enfants ont la double nationalité. Un autre agent de la DGM lui répond que le Congo ne reconnaît pas la double nationalité. Le représentant revient à la charge. Les enfants sont majeurs. Ils ont le droit de choisir leur nationalité. Une fois servi, je laisse la discussion se poursuivre et saute sur un wewa pour le bureau d’enrôlement le plus proche.

En vingt minutes, la procédure d’enrôlement est bouclée pour moi. En sortant, je tombe sur le représentant qui a sans doute obtenu gain de cause parce qu’il remplit les formalités pour son petit groupe. Sur la Fiche d’identification de l’électeur/CENI-ONIP, il y a entre autres informations son Origine (Province, Territoire/Ville, Commune/ Secteur/Chefferie, Groupement, Village).

Le problème, c’est que l’agent électoral qui note toutes les données sur la fiche ne dispose d’aucun moyen de les vérifier. Voilà donc la nationalité congolaise pour laquelle politiques et intellectuels donnent de la voix pour la défendre à Kinshasa alors même que l’Etat congolais ne dispose d’aucun outil pour la vérifier et la défendre.

Ici, nous sommes au Nord-Ouest du pays où les enjeux de nationalité sont presque nuls. Qu’en serait-il à l’Est du pays où les enjeux de nationalité déchirent le tissu social depuis un peu plus de deux décennies? Poser cette question revient à attirer l’attention des Congolais sur le travail titanesque qui les attend. Le Congo est un simulacre d’Etat et l’Etat congolais reste à construire.


Mayoyo Bitumba Tipo-Tipo
Écrivain & Fonctionnaire International

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