Vers la fin du cycle des institutions politiques issues des Accords de Sun City : L’heure du bilan en République Démocratique du Congo

Introduction
En avril 2003, la République Démocratique du Congo (RDC) tournait officiellement la page
de la guerre avec la signature des Accords de Sun City. Ces accords, salués à l’époque comme
un compromis historique, mirent fin à l’un des conflits les plus meurtriers depuis la Seconde
Guerre mondiale. En contrepartie de la paix, le pays acceptait la mise en place d’un système
politique transitoire fondé sur le partage du pouvoir entre anciens belligérants.

Vingt ans plus tard, le moment est venu de poser un regard critique sur l’héritage de ces
accords. Si la paix relative obtenue à Sun City a permis d’éviter la dislocation du pays, elle a
aussi posé les fondations d’un système politique dysfonctionnel. Un système qui, au nom de la
stabilité, a engendré une prolifération d’institutions, une culture de rente politique, et une
gouvernance dominée par le clientélisme, la corruption et l’impunité.
Ce texte propose une analyse de fond de ce modèle, de ses conséquences politiques et
sociales, et pose la question essentielle : n’est-il pas temps d’envisager une certaine
évolution de ce cycle politique issu de Sun City et d’engager une refondation
institutionnelle à la hauteur des aspirations intrinsèques du peuple congolais ?
I. Sun City : un compromis pour la paix, un prix pour la gouvernance
En proie à une guerre fratricide depuis 1996, la République Démocratique du Congo s’était
progressivement désintégrée en plusieurs entités politico-militaires, chacune contrôlant une
partie du territoire. À l’ouest et au sud, subsistait le gouvernement central, dirigé
successivement par Laurent-Désiré Kabila et Joseph KABILA. À l’est, le Rassemblement
Congolais pour la Démocratie (RCD-Goma), soutenu logistiquement et militairement par le
Rwanda, étendait son autorité sur une large portion du Kivu et du Maniema. Le nord et le
nord-ouest, notamment dans la province de l’Équateur, était sous le contrôle du Mouvement
de Libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba, adossé à l’armée ougandaise. Chaque
faction imposait sa propre administration, sa fiscalité, son appareil de sécurité, sa justice, et sa
propre vision du pouvoir.

Le pays, morcelé, était devenu ingouvernable. Les lignes de front se stabilisaient sans
qu’aucune force ne puisse l’emporter militairement. Pendant ce temps, la population, livrée à
elle-même, subissait le poids insoutenable des exactions : violences sexuelles massives,
déplacements forcés, pillages, enrôlements d’enfants soldats, insécurité alimentaire chronique
et effondrement des structures sanitaires et éducatives. Le tissu social était en lambeaux, le
désespoir grandissant.

Dans ce contexte d’impasse militaire et de pression diplomatique internationale croissante
notamment de la part de l’ONU, de l’Union africaine et de la SADC, une solution politique
devenait inévitable. Les négociations de Sun City, ouvertes en avril 2002 en Afrique du Sud,
et parrainées notamment par M. Thabo Mbeki, alors Président de la République sud-africaine,
s’inscrivaient dans cette logique. L’enjeu n’était pas tant de désigner un vainqueur que
d’éviter l’implosion définitive de l’État congolais.

Les Accords dits de « Sun City » (2002-2003), bien que controversés, furent donc perçus
comme un mal nécessaire. La paix, ou du moins la cessation des hostilités ouvertes, fut
« achetée » au prix d’un compromis politique majeur : le principe du partage de pouvoir.
Le postulat était simple : intégrer tous les belligérants dans les structures de l’État afin de les
inciter à abandonner les armes. Un gouvernement de transition fut mis sur pied avec un
président, quatre vice-présidents issus des principales factions (le gouvernement, le RCD, le
MLC et l’opposition non armée), et une multitude de ministères, d’institutions et de
commissions. L’armée, la police, les entreprises publiques, la diplomatie et le parlement
furent également soumis à une répartition selon des équilibres politiques fragiles.

Ce « deal » permit de maintenir une forme de stabilité minimale et de préparer les premières
élections générales de 2006. Mais en réalité, ce modèle de gouvernance hybride portait en lui
les germes de l’immobilisme et de la dérive institutionnelle. Il consacra l’idée d’un État non
pas au service de la réforme, mais comme un butin à se partager. L’administration publique
fut perçue moins comme un outil de gouvernance que comme un instrument d’enrichissement
personnel et de fidélisation politique.

Loin d’être temporaire, ce système de partage du pouvoir s’est enraciné durablement avec ses
tares dans la culture politique congolaise. D’élections en nominations, de remaniements en
crises politiques, les postes publics sont restés un enjeu de marchandage permanent, souvent
au détriment de la compétence, de la recevabilité et de l’intérêt général. À l’évidence, le
modèle Sun City, bien qu’ayant mis fin à la guerre, a également nourri une gouvernance de
compromission, gangrenée par des logiques clientélistes et des réseaux de corruption.
II. Le monstre institutionnel à tête de Janus : clientélisme, duplications et inefficacité
L’héritage institutionnel des Accords de Sun City ne s’est pas simplement limité à une
architecture de transition. Il a donné naissance à un système de gouvernance profondément
ancré dans la logique du clientélisme politique, de la duplication des fonctions, et de
l’inefficacité gouvernementale. Cette configuration peut être assimilée à un véritable monstre
à tête de Janus : un visage tourné vers la paix apparente, l’autre vers la prédation et la
désacralisation organisées de l’Etat.En effet, au nom de l’équilibre politique et de la cohabitation pacifique des ex-belligérants,
des institutions pléthoriques ont été créées, souvent sans logique fonctionnelle ni souci de
rationalisation. D’un gouvernement à l’autre, la taille de l’exécutif n’a cessé d’enfler : on a vu
se succéder des cabinets comptant jusqu’à 65 ministres et vice-ministres, des dizaines de
secrétaires généraux, des conseillers spéciaux, des ministres d’État, des commissaires et des
ambassadeurs itinérants, tous nommés par des quotas politiques plus que par compétence ou
utilité. Il ne s’agit plus de gouverner, mais de « récompenser », de distribuer des postes pour
contenir les ambitions, éteindre les contestations, ou s’assurer la loyauté des réseaux
politiques et militaires.
À cela s’ajoute la prolifération des structures para-étatiques ou mixtes, sans véritable mission
claire ni cohérence administrative : agences nationales à tout faire, commissions transversales,
cellules de pilotage des réformes, autorités morales ou d’orientation, institutions d’appui à la
démocratie à l’efficacité douteuse… Chacune est dotée d’un budget, de personnel, d’un siège,
d’une flotte de véhicules et d’un protocole, mais très peu sont évaluées sur leurs résultats.
Certaines de ces structures doublonnent les ministères, d’autres fonctionnent comme de
simples réservoirs d’emploi politique.
Cette inflation institutionnelle a un coût : le budget de fonctionnement de l’État représente
chaque année près de 60 % à 70 % des dépenses publiques, laissant très peu de place à
l’investissement social ou à la relance économique. L’éducation publique reste dans un état
critique, les hôpitaux manquent de matériel, les routes sont à l’abandon, et l’accès à l’eau
potable demeure un luxe dans de nombreuses provinces. Le citoyen, quant à lui, voit se
multiplier les sigles institutionnels sans qu’aucun changement tangible n’améliore son
quotidien.
Ce système, en apparence « inclusif », est en réalité excluant. Il concentre les ressources entre
les mains d’un microcosme politique fermé, tourné vers ses propres intérêts. Il favorise la
corruption, car plus l’appareil de l’État est vaste et flou, plus il devient difficile de contrôler
les flux financiers, de demander des comptes, ou d’établir les responsabilités. À défaut d’une
vision d’ensemble ou d’un projet de société, ce système produit de l’immobilisme. Il
entretient un cycle de stagnation politique, où la survie du régime prime sur la transformation
de l’État.
Enfin, la conséquence ultime de cette architecture dévoyée est la perte de confiance dans les
institutions républicaines. L’inefficacité chronique, les scandales à répétition, les promesses
non tenues et l’arrogance des élites finissent par convaincre les citoyens que le politique n’est
qu’un jeu de rente et de privilèges. Or, une démocratie sans légitimité institutionnelle est une
démocratie vidée de son sens.
III. Un système politique miné par le manque d’ethique et la personnalisation du
pouvoir

Si les Accords de Sun City ont permis de mettre fin à la guerre, ils ont aussi, en posant les
bases d’un système politique de cooptation sans exigence idéologique ni moralité publique,
semé les germes d’un désordre politique durable. En l’absence de mécanismes solides de
redevabilité démocratique, la scène politique congolaise s’est transformée en un théâtre de
partis politiques-fantômes, souvent dénués de programme cohérent, fondés non pour servir
l’intérêt général, mais pour propulser et protéger des ambitions personnelles ou claniques.
Ces partis-écuries, selon l’expression consacrée, ne disposent généralement ni d’une base
militante active, ni d’un véritable ancrage populaire, moins encore d’une culture démocratique
interne. Ils fonctionnent autour d’une figure centrale : l’« autorité morale » qui y règne en
monarque absolu. Les postes attribués au sein du parti sont d’abord réservés aux membres de
sa famille (enfants, conjoint(e), beau-frère, belle-sœur, cousins…), tandis que les quelques
fonctions restantes sont distribuées aux fidèles les plus dévoués, choisis non pour leurs
compétences, mais pour leur loyauté et voire leur obséquiosité face au chef.
Les partis existent essentiellement comme des instruments de négociation de postes ou de
gestion clientéliste du pouvoir. Les alliances politiques se nouent et se dénouent au gré des
intérêts individuels, dans une logique de marchandage permanent. Ce phénomène a
profondément affaibli l’Etat et miné la légitimité du système représentatif.
Il est désormais courant de voir un politicien changer de camp plusieurs fois en une
législature, en fonction de celui qui tient les cordons de la bourse publique ou garantit un
accès aux ressources de l’État.
Dans ce contexte, la corruption n’est pas un dysfonctionnement du système : elle en est le
carburant. L’accès au pouvoir devient synonyme d’accès aux ressources. Les fonctions
politiques sont vues comme des rentes à exploiter, et non comme des charges au service de la
Nation. Le détournement des deniers publics est rarement sanctionné ; au contraire, il est
souvent toléré, voire récompensé, pourvu qu’il s’inscrive dans la logique du partage entre
alliés politiques. Des centaines de millions de dollars s’évaporent chaque année des caisses de
l’État, pendant que les hôpitaux manquent de médicaments, que les enseignants attendent
leurs salaires et que les jeunes peinent à trouver un emploi digne.
Parallèlement, la justice pourtant pilier fondamental de tout État de droit reste profondément
inféodée au pouvoir politique. Elle est non seulement instrumentalisée selon des logiques
claniques, mais également dominée, dans sa haute hiérarchie, par des personnalités issues
majoritairement de la tribu du chef de l’État. Ce biais d’appartenance compromet gravement
son indépendance et sa capacité à incarner l’impartialité nécessaire à la garantie des droits et
libertés des citoyens. Les procès pour corruption sont rares et sélectifs. La magistrature est
perçue comme un instrument de règlement de comptes politiques plus qu’un levier de
moralisation de la vie publique. Cette déliquescence de l’appareil judiciaire consacre
l’impunité comme norme. Les scandales de gestion passent sans conséquence, les rapports des
cours des comptes sont ignorés, les recommandations des organes de contrôle ne donnent lieu
à aucune réforme concrète.
L’Assemblée nationale, censée incarner la souveraineté populaire, est réduite à un théâtre
d’acquiescement ou de marchandage. Le phénomène des « motions monnayées », des « lois sur
commande », et des « groupes parlementaires à géométrie variable » a renforcé l’idée d’une
démocratie de façade, où les institutions législatives sont largement instrumentalisées au
profit des calculs politiciens du moment. Les débats publics sont appauvris, les initiatives
législatives indépendantes sont marginalisées, et les citoyens assistent impuissants à un ballet
d’acteurs politiques dont les intérêts personnels l’emportent systématiquement sur ceux de la
Nation.
Quant au processus électoral, il reste l’une des expressions les plus perverties de cette
déliquescence. Les élections, au lieu d’être des moments de légitimation démocratique, sont
devenues des rituels d’exclusion, souvent entachés de fraudes massives, d’irrégularités
procédurales et de violences. La Commission électorale nationale indépendante (CENI) est
régulièrement soupçonnée de partialité. L’enrôlement des électeurs, le traitement des résultats,
l’annonce des vainqueurs sont entourés d’opacité, ce qui alimente la méfiance des citoyens et
affaiblit davantage le lien entre gouvernés et gouvernants.
Ainsi, le système né des Accords de Sun City, censé pacifier, a paradoxalement
institutionnalisé une culture politique marquée par l’immoralité, la personnalisation du
pouvoir, et l’accaparement des biens publics. Cette culture fait obstacle à toute tentative de
réforme de l’Etat. Elle bloque les dynamiques de renouvellement politique, dissuade les
talents de s’investir dans le service public, et enferme le pays dans un cycle infernal de crise
de gouvernance.
IV. Trois cycles électoraux, une paix stagnante : et maintenant ?
Depuis 2006, la République Démocratique du Congo a organisé trois cycles électoraux censés
marquer l’ancrage progressif du pays dans une culture démocratique post-conflit. Certes, l’on
peut reconnaître l’existence formelle d’une alternance au sommet de l’État, notamment avec
le départ de Joseph Kabila en 2019 après 18 ans de règne. Toutefois, cette alternance est
restée largement symbolique, tant les mécanismes du pouvoir n’ont pas été transformés en
profondeur.
Ces processus électoraux, loin de représenter des moments de renouveau démocratique, ont
systématiquement été entachés de fraudes massives, d’opacité dans la gestion des listes
électorales, d’irrégularités dans le dépouillement, et de manipulation des institutions censées
garantir l’intégrité du scrutin, notamment la Commission Électorale Nationale Indépendante
(CENI) et la Cour Constitutionnelle. L’achat de consciences, le clientélisme ethnorégionaliste et l’usage abusif des ressources publiques pour financer les campagnes électorales
sont devenus des pratiques courantes.
Vingt ans après les Accords de Sun City, la RDC semble figée dans un cycle de gouvernance
de crise permanente, marqué par l’urgence, l’improvisation et l’absence de vision stratégique.
Les mêmes figures politiques continuent de monopoliser les postes de pouvoir, en changeant
de coalitions mais non de pratiques. L’alternance, lorsqu’elle survient, ne débouche ni sur une
refondation des institutions ni sur une amélioration tangible des conditions de vie des
citoyens.
Les grandes réformes attendues : réforme de la justice, restructuration de l’armée,
modernisation du système fiscal, relance du tissu économique local, restent perpétuellement
repoussées ou vidées de leur contenu dès qu’elles menacent des intérêts établis. La paix
acquise à Sun City, au lieu de servir de tremplin pour un nouveau contrat social entre l’État et
ses citoyens, a été détournée en un mécanisme de reproduction des élites politiques, au
détriment des aspirations populaires.
Le pacte social n’a jamais été reconfiguré pour répondre aux besoins fondamentaux du
peuple: emploi, éducation, santé, sécurité, justice. En son lieu, c’est une paix de façade,
administrative et institutionnelle, qui prévaut, alimentée par une classe dirigeante plus
préoccupée par sa propre survie que par la transformation du pays.
La question demeure alors : après trois cycles électoraux faiblement démocratiques et une
paix stagnante, le pays peut-il encore se contenter de ce modèle hérité de Sun City ? N’est-il
pas temps d’envisager une nouvelle architecture politique fondée sur la compétence, la
redevabilité, et le mérite, plutôt que sur les compromis partisans et les quotas éthnopolitiques?
V. Vers une Refondation Etatique
Deux décennies après les Accords de Sun City, la République Démocratique du Congo ne
peut plus se contenter d’un système politique bâti sur des compromis de guerre, des alliances
de circonstance et des logiques de cooptation. Si cet accord a, à son époque, permis d’arrêter
le fracas des armes, il a également figé la gouvernance dans un modèle fondé sur la suspicion
mutuelle, l’opacité institutionnelle et l’inefficacité systémique.
Ce modèle est désormais à bout de souffle. Il est urgent d’ouvrir un nouveau cycle
historique, basé non plus sur le rachat de la paix, mais sur la construction d’un État moderne,
équitable et réactif basé sur un modèle authentique au peuple Congolais.
La RDC a besoin d’un nouveau pacte politique, non fondé sur la méfiance entre anciens
ennemis, mais sur une vision claire et partagée de l’intérêt général. Ce pacte doit reposer sur
quatre piliers structurants :

  1. Rationalisation des institutions
    Il faut rompre avec l’obsession de la représentation symbolique au détriment de la
    fonctionnalité. Le pays croule sous une architecture institutionnelle hypertrophiée, inefficace
    et budgétivore. Une réforme structurelle doit viser :
     La suppression des doublons administratifs et des institutions redondantes créées sans
    objectifs clairs.
     L’allègement des structures gouvernementales avec des ministères recentrés sur leurs
    missions essentielles.
     La limitation des postes politiques pléthoriques (ministres délégués, conseillers
    spéciaux, coordonnateurs d’agences éphémères, etc.) dont l’efficacité pose question.
     La révision à la baisse du train de vie des institutions.
  2. Réforme profonde du système électoral
    Sans élections libres, transparentes et crédibles, aucune démocratie ne peut s’enraciner. Le
    processus électoral congolais doit être entièrement revu :
     Mise en place d’une Commission électorale véritablement indépendante, issue d’un
    processus participatif et transparente dans sa gouvernance.
     Révision de la loi électorale pour renforcer les mécanismes de contrôle, limiter la
    fraude et garantir une représentativité équitable.
     Introduction de procédures de contentieux électoral réellement efficaces et impartiales,
    avec des délais contraignants et une pleine autonomie de la justice.
     Création d’un système électoral typiquement congolais, adapté aux mœurs et à la
    culture Congolaise.
  3. Réforme des partis politiques
    Les partis politiques congolais doivent cesser d’être des instruments patrimoniaux entre les
    mains d’individus ou de clans familiaux. Leur multiplication anarchique, souvent sans base
    idéologique, sans programme structuré ni démocratie interne, a contribué à la décomposition
    du jeu politique et à l’effondrement de la légitimité institutionnelle. Une réforme radicale du
    paysage partisan est aujourd’hui une priorité démocratique.
    Pour cela, il faut instaurer un nouveau cadre juridique, avec des mesures claires et
    contraignantes :
     Encadrement strict du financement politique, pour prévenir l’influence de l’argent
    sale, des réseaux affairistes ou d’intérêts étrangers sur la vie publique.
     Démocratie interne obligatoire : tenue régulière de congrès, élections libres des
    dirigeants, publication transparente des finances et des comptes.
     Reconnaissance légale réservée aux partis disposant d’un enracinement populaire
    réel, démontré par une implantation territoriale significative, une base militante active
    et une participation régulière à la vie démocratique du pays.
    Dans cette perspective, il serait peut-être pertinent de s’inspirer du modèle annoncé par
    le Maréchal Mobutu dans son discours du 24 avril 1990, lorsqu’il prônait l’instauration
    d’un multipartisme limité à trois grandes familles politiques :
  4. une tendance de gauche,
  5. une tendance centriste ou libérale,
  6. une tendance de droite conservatrice.
    Ce modèle, s’il avait été véritablement appliqué avec rigueur et transparence, aurait pu
    permettre un encadrement rationnel du pluralisme, tout en évitant la fragmentation et la
    volatilité qui minent aujourd’hui le système congolais. Revenir à une forme de multipartisme
    structuré autour de trois grands pôles idéologiques, tout en respectant les principes
    démocratiques et pluralistes, pourrait :
     renforcer la lisibilité de l’offre politique ;
     responsabiliser les partis autour de projets de société clairs ;
     favoriser une alternance fondée sur des programmes, et non sur des coalitions
    d’intérêts opportunistes.
    Il ne s’agit pas ici de revenir à une logique autoritaire ou monolithique, mais de créer les
    conditions d’un pluralisme responsable, encadré par la loi et orienté vers le bien commun.
  7. Refondation de la justice
    Sans une justice forte, autonome et impartiale, aucune société ne peut espérer ni la paix
    sociale, ni la prospérité durable. En République Démocratique du Congo, le système judiciaire
    reste l’un des secteurs les plus sinistrés de l’État. Sa dépendance chronique vis-à-vis du
    pouvoir exécutif, ses pratiques clientélistes, l’absence de reddition de comptes, et son
    instrumentalisation politique ont profondément sapé la confiance des citoyens dans l’État de
    droit.
    La réforme de la justice ne peut plus être un simple slogan électoral. Elle doit devenir une
    priorité nationale, structurée autour de principes clairs et non négociables :
     Nomination des magistrats sur la base de critères de compétence, d’intégrité et
    d’indépendance, et non de proximité ethnique, clanique ou politique.
     Suppression des interférences du pouvoir exécutif dans la gestion des carrières
    judiciaires, notamment à travers une réforme en profondeur du Conseil Supérieur de la
    Magistrature, qui doit devenir une institution indépendante, contrôlée par les pairs et
    ouverte à la société civile.
     Création de juridictions spécialisées pour traiter des crimes économiques, du
    blanchiment d’argent, de la corruption et des détournements de fonds publics – avec
    des magistrats et des greffes formés et protégés.
     Protection effective des juges et procureurs, notamment ceux qui luttent contre les
    mafias politico-financières ou les intérêts liés aux multinationales prédatrices.
    Mais au-delà de ces réformes techniques, il faut revisiter le fondement même de notre
    système judiciaire. Le modèle hérité de la colonisation belge – rigide, centralisé, formel s’est
    montré inadapté aux réalités sociales, culturelles et territoriales congolaises.
    Une véritable refondation de la justice exige une réconciliation avec les traditions
    congolaises de régulation des conflits, fondées sur la médiation, la réparation, la recherche
    de consensus et le respect de la dignité humaine comme cela est cours dans de nombreux pays
    africains. En effet, dans certains Etats à tradition anglo-saxonne (comme le Ghana, le Kenya,
    l’Afrique du Sud ou le Botswana), les systèmes judiciaires ont su articuler modernité
    institutionnelle et enracinement culturel, en valorisant les mécanismes locaux de justice
    communautaire, tout en garantissant l’État de droit.
    La RDC gagnerait à :
     reconnaître et encadrer légalement les mécanismes de justice traditionnelle, là où
    ils existent encore, afin d’en faire des auxiliaires crédibles de la justice nationale,
    surtout dans les zones rurales ou reculées ;
     s’inspirer de la souplesse et de l’accessibilité du droit anglo-saxon, notamment
    dans la simplification des procédures, la transparence des décisions et la proximité
    entre les justiciables et les institutions ;
     former une nouvelle génération de magistrats enracinés dans les réalités
    congolaises, conscients de leur rôle de gardiens du pacte républicain et non
    d’exécutants d’agendas politiques ou financiers.
    La refondation de la justice est donc à la fois une réforme institutionnelle, culturelle et
    morale. Elle doit redonner au peuple congolais la conviction que le droit n’est plus un
    instrument de domination, mais un outil de justice, d’équité et de pacification.
    Ce chantier de refondation ne pourra aboutir sans volonté politique ferme, guidée non par
    des calculs électoralistes, mais par le sens de la responsabilité historique. Il nécessitera aussi
    une mobilisation citoyenne consciente, informée et exigeante, capable d’imposer un
    nouveau rapport de force dans l’espace public. C’est par cette double dynamique, celle d’un
    leadership visionnaire et celle d’un peuple éveillé, que la RDC pourra enfin tourner la page
    des accords de paix devenus des carcans, pour entrer dans une ère de reconstruction
    républicaine.

Conclusion : Rompre le cycle et bâtir un nouveau pacte républicain
Le cycle politique issu des Accords de Sun City touche à sa fin. Pensé comme une solution
transitoire pour sortir d’une guerre fratricide, ce modèle de « gouvernance par cooptation »
a permis d’éviter l’effondrement total de l’État congolais au début des années 2000.
Néanmoins, plus de deux décennies plus tard, il apparaît pour ce qu’il est : un dispositif
d’urgence devenu un carcan, un système figé dans la rente politique, l’inflation
institutionnelle et la déconnexion totale d’avec les besoins du peuple.
Il est temps de le reconnaître lucidement : la paix ainsi obtenue ne peut plus servir de
prétexte à la perpétuation d’un système déliquescent, où l’inertie est devenue doctrine, et
la stagnation politique d’État.
La RDC n’est pas à court de ressources, ce qui lui fait défaut, c’est un cadre institutionnel
assaini, une éthique publique réhabilitée, et un cap politique clair, débarrassé des démons
du passé. La génération actuelle porte une responsabilité historique : rompre avec l’héritage
de Sun City, non par rejet de la paix, mais par exigence de justice, d’efficacité et de dignité.
Mais cette refondation ne pourra pas se faire sur les seuls décombres du modèle hérité. Elle
doit reposer sur un pacte républicain authentiquement congolais, enraciné dans nos
réalités sociales, culturelles et historiques. L’État moderne congolais ne peut plus se
construire uniquement sur les bases d’un centralisme hérité de la colonisation et d’un
mimétisme institutionnel occidental.
Nous devons restituer une part légitime du pouvoir aux véritables détenteurs historiques
de l’autorité : les communautés locales, les chefferies coutumières, les territoires et les
ethnies, longtemps marginalisés dans la prise de décision nationale. Cela ne signifie pas un
retour au tribalisme, mais la reconnaissance de la diversité culturelle comme fondement de
l’unité nationale.
Il est désormais impératif de reconnaître que le modèle institutionnel unitaire imposé
depuis plus de six décennies a échoué. Hérité de la colonisation et reproduit sans adaptation,
il s’est révélé incapable d’assurer l’équilibre entre la diversité du pays et l’efficacité de l’État. Il
a marginalisé les territoires, concentré les pouvoirs à Kinshasa, et alimenté un centralisme
bureaucratique stérile et corrompu.
Face à cette faillite, la RDC doit se doter d’un nouveau pacte républicain fondé sur le
fédéralisme. Un fédéralisme conçu non comme une menace à l’unité nationale, mais comme
une reconnaissance politique et institutionnelle de sa diversité géographique, culturelle
et historique. Il s’agit de construire un État fort de ses composantes, et non contre elles.
Ce pacte républicain fédéral devra intégrer :
 L’option claire pour un fédéralisme constitutionnel, permettant à chaque province
ou entité fédérée de disposer de pouvoirs législatifs, budgétaires et administratifs
étendus, adaptés à ses réalités locales.
 Un partage équitable des ressources naturelles et fiscales, fondé sur la redevabilité,
la transparence et la solidarité nationale.
 La valorisation des pouvoirs locaux et coutumiers, dans le respect des droits
humains, de l’égalité entre citoyens et de l’État de droit.
 La redéfinition des compétences de l’État central, limitées aux fonctions
régaliennes (défense, diplomatie, monnaie, justice constitutionnelle) et au rôle de
garant de l’unité nationale.
Le fédéralisme apparaît ici non comme un luxe ou une concession, mais comme le seul
modèle viable pour sortir de la logique d’un État hypercentralisé, prédateur, inefficace
et source de frustrations permanentes. Il permettra de rapprocher la gestion publique des
citoyens, de stimuler les initiatives locales, et de responsabiliser les élites régionales,
aujourd’hui souvent déconnectées des réalités de leur base.
Ce changement de cap ne pourra réussir que s’il s’accompagne d’une mobilisation citoyenne
exigeante, d’une refondation morale de la vie publique, et d’une volonté politique sincère
de tourner la page du modèle hérité de la transition armée. Il ne s’agit pas de nier les
acquis de Sun City, mais de passer de la paix par la répartition de postes à la paix par la
construction d’un État juste, responsable et enraciné sur des valeurs locales.
L’histoire de la RDC ne doit plus s’écrire dans l’attente ou la survie, mais dans
l’ambition et la reconstruction. L’heure est venue pour notre génération d’assumer
pleinement cette responsabilité : transformer la fin du cycle de Sun City en acte fondateur
d’une nouvelle République fédérale, démocratique et souveraine : LA REPUBLIQUE
FEDERALE DU CONGO-ZAÏRE, tel que projeté par la Conférence nationale souveraine.

Plate forme des acteurs Politiques Indépendants de l’étranger,
Maître Toussaint Mundelengolo
Avocat

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