Et si on communiquait autrement?

Le président Felix Tshisekedi et son épouse Denise Nyakeru ont regagné Kinshasa jeudi 17 mars en provenance de Bruxelles. Une semaine auparavant, soit du 8 au 16 mars, l’état de santé du chef de l’Etat congolais avait polarisé l’actualité politique. On a assisté à une vive polémique où les spéculations les plus fantaisistes étaient élevées au rang de « faits ».

Tout est parti d’un article pour le moins racoleur publié par un quotidien bruxellois. Inutile d’y revenir. Sauf pour relever, une certaine « joie morbide » exprimée ici et là sur les réseaux sociaux. Quel gain pourrait-on tirer de la mort d’un être humain, fût-il un adversaire ou un ennemi?

Que dire de la communication officielle faite autour de ce voyage présidentiel? Osons y répondre tout de suite: comme à l’accoutumée au Congo-Zaïre, la communication fut lamentable. A qui la faute? Osons y répondre également: la faute n’incombe ni au ministère de la Communication et des médias, encore moins au porte-porte à la Présidence de la République. Est-ce faire l’avocat du diable? Assurément pas!

Ouvrons la parenthèse. Pas plus tard que lundi 14 mars, Felix Tshisekedi Tshilombo s’est rendu à l’ambassade congolaise à Bruxelles où il a tenu une réunion avec le personnel diplomatique. La nouvelle n’a été connue que mardi 15 dans la soirée. Une dépêche ACP sera diffusée mercredi 16 mars. Fermons la parenthèse.

En réalité, les porte-paroles n’en savaient pas plus. « Le chef de l’Etat n’a subi aucune opération chirurgicale. Il séjourne en visite strictement privée à Bruxelles. Et on ne commente pas les visites privées du chef de l’Etat », écrivait Tharcisse Kasongo Mwema, jeudi 10 mars, sur son compte Twitter.

Première institution de l’Etat, le Président de la République n’est pas un robot. C’est un être humain fait de chair et de sang. Il éprouve les mêmes joies et peines comme tous les individus. Humain parmi les humains, il peut avoir des « soucis » au niveau de la santé physique. Et pourquoi pas psychique? « Il représente la Nation (…)« , stipule le premier alinéa de l’article 69 de la Constitution. Qu’on l’aime ou qu’on ne l’aime pas, l’actuel chef de l’Etat est le garant de la paix et de la stabilité.

L’éthique journalistique pose plusieurs principes dont celui qui oblige le journaliste « à respecter la vie privée des personnes ». C’est quoi donc la vie privée? Incarnation de la nation, le premier magistrat du pays est-il en droit de revendiquer une vie privée?

De manière schématique, la vie privée concerne tout ce qui relève de la vie intime et familiale d’une personne. La vie privée commence dès que l’on franchi la porte d’entrée d’un logis. La tentation est forte d’affirmer qu’un homme public, à fortiori un chef d’Etat, n’a pas de vie privée. Comment pourrait-on tracer la ligne de démarcation? En toute circonstance, on attend de lui l’exemplarité et l’intégrité.

Les esprits étant maintenant apaisés avec le retour de « Fatshi », c’est le lieu de tirer quelques enseignements. Comme indiqué dans les lignes qui précèdent, la communication fut lamentable du fait de l’incohérence entre le communiqué publié, vendredi 11 mars, par l’ambassade de la RDC à Bruxelles et le Tweet de Kasongo.

Contrairement au porte-parole qui semble dire « no comments », la représentation diplomatique congolaise en Belgique parle, elle, d’une « intervention » subie par Felix Tshisekedi qui « souffrait d’une hernie discale. (…). Il portera une minerve durant quelques jours. Il se porte bien », conclut l’ambassade. Qui dit vrai? Qui tente d’arranger la vérité? Pourquoi les deux intervenants ne disposaient pas des mêmes éléments factuels?

Les dirigeants congolais apprennent à leur dépens que la chose publique ne s’accommode plus du secret. La transparence est devenue la règle en ce XXIème siècle. Le secret est assimilé à la volonté de dissimuler la vérité.

L’opinion congolaise a encore frais en mémoire, la communication chaotique du ministère congolais des Affaires étrangères au lendemain du meurtre survenu, le 22 février 2021, à Goma, de l’ambassadeur d’Italie Luca Attanasio.

Et si on communiquait autrement?

Communiquer autrement revient à jouer, en toutes circonstances, la carte de la transparence et l’anticipation en informant le porte-parole (au sens large) de manière pleine et systématique.

Communiquer autrement revient surtout à appliquer la règle d’or en matière de « communication de crise ». Une règle qui tient en quatre mots: dire toute la vérité.


Baudouin Amba Wetshi

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