Kagame et nous: La défiance permanente!

Dans un communiqué daté du 10 juin 2022, les FARDC accusent l’armée rwandaise (RDF) d’avoir tiré une dizaine d’obus, sur le territoire congolais particulièrement sur les localités de Biruma et Kabaya, dans le Groupement de Kisigari, Chefferie Bwisha, dans le Territoire de Rutshuru. Bilan: deux écoliers âgés respectivement de 6 et 7 ans ont été tués. Il s’agit de Jérémie Nziuvira et Ishaka Mapenzi. Un troisième écolier blessé n’a pas encore été identifié.

Le Rwanda de Kagame continue à nier l’évidence du soutien au M23. Sans rire, le M23/RDF a, dans un communiqué, inversé l’histoire en imputant aux FARDC l’attaque précitée. Sans omettre le bilan tragique. De la pure désinformation.

Depuis le mois de juillet 1994, les Congolais connaissent l’acteur et le système. Le même mensonge tissé de fil blanc était débité de 2004 à 2008 à l’époque où le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda faisait le même « job » pour le satrape de Kigali.

Il faut refuser de regarder pour ne pas voir que Kinshasa et Kigali se rapprochent dangereusement de la ligne rouge dont la traversée conduirait vers la « logique de guerre totale ». Qui prendra l’immense responsabilité de dégainer le premier?

Une certitude: la grande majorité de l’opinion congolaise est vent debout. Elle estime que l’heure a sonné pour laver l’affront. Le moment est venu pour redorer l’honneur national ruiné par le régime AFDL et ses « avatars ».

Anciens territoires administrés par le pouvoir colonial belge, le Congo-Kinshasa, le Rwanda (et le Burundi) ont entretenu les relations les plus cordiales de 1960 à 1994. Une seule « tâche noire »: l’affaire des mercenaires de Jean Schramme durant la seconde moitié des années 60.

Pour « renforcer les liens de paix et d’amitié qui unissent traditionnellement les peuples des trois pays », les présidents Juvénal Habyarimana (Rwanda), Michel Micombero (Burundi) et Mobutu Sese Seko (Zaïre) ont signé, le 20 septembre 1976, à Gisenyi (Rwanda), un « Traité d’amitié et de coopération » créant la CEPGL (Communauté économique des pays de grands lacs).

Dans les articles 1er et 6, les trois pays disent fonder cette union « de par leur passé commun » et s’engagent « à régler, par des moyens pacifiques et dans un esprit de fraternité, tout différend de quelque nature que ce soit qui pourrait surgir (…)« . Dans l’article 2, les parties décident « de tout mettre en œuvre pour que la sécurité totale règne à leurs frontières mutuelles ».

Le 9 novembre 1989, la terre entière assiste à la chute du Mur de Berlin. Celle-ci est suivie par l’implosion du Bloc soviétique. C’est la fin de la Guerre froide. Pour l’Occident, il n’y aura plus de salut en dehors des « valeurs cardinales » que sont la démocratie et le respect des droits de l’Homme. La diplomatie belge des années 90 est dirigée par des « analphabètes » des réalités africaines. Cette diplomatie s’est engouffrée sans discernement dans la « brèche démocratique » à la mode. Les conséquences sont terribles tant au Burundi, au Rwanda qu’au Congo-Kin.

Au Zaïre, le pays est plongé dans une crise socio-politique sans précédent. Et ce suite à trois événements. D’abord, le discours présidentiel du 24 avril 1990 annonçant le lancement du processus de démocratisation. Ensuite, le bras de fer Mobutu-Tshisekedi. Enfin, la fameuse affaire dite du « massacre des étudiants du campus de Lubumbashi » en mai 1990. La Garde présidentielle (DSP) est accusée d’avoir tué des étudiants. Un « massacre » qui va se révéler imaginaire.

N’empêche, cette affaire marque le point de départ de la descente aux enfers de l’Etat zaïro-congolais. Un Etat devenu atone suite notamment à la suspension de la coopération occidentale.

Le 1er octobre 1990, le Rwanda de Juvénal Habyarimana est attaqué par des prétendus « déserteurs » de l’armée ougandaise (UPDF). Mobutu se porte au secours du pays voisin en envoyant un bataillon des forces spéciales. Le commandement est confié au général Donatien Mahele Lieko. La suite est connue.

On peut gager que cette intervention de l’armée zaïroise n’a jamais été digérée tant par l’Ougandais Yoweri Museveni que son « filleul » Paul Kagame. Pour eux, le Zaïre constitue une menace.

Le 6 avril 1994, l’aéronef transportant le président Juvénal Habyarimana et son homologue burundais Cyprien Ntaryamira est détruit en vol par un missile. Aucun survivant. Tous les doigts accusateurs sont pointés vers le FPR. Le Rwanda est mis à feu et à sang. C’est au mois de juillet 1994 que le Front Patriotique Rwandais finit par s’emparer du pouvoir au bout de trois mois.

L’avènement des ex-rebelles du FPR au pouvoir a pourri le climat de bon voisinage qui a prévalu durant trois décennies entre les pays membres de la CEPGL. Les peuples congolais, burundais et rwandais se regardent désormais en chiens de faïence. Quel gâchis!

En Mai 1995, des religieux allemands organisent, à Bad Kreuznach, une rencontre tripartite Mobutu-Museveni-Kagame. Et ce suite, aux rumeurs de déstabilisation dans la région des Grands lacs. Un absent: Paul Kagame.

Le nouveau maître de Kigali inaugure à l’égard du Zaïre une politique de « défiance permanente » qui a connu son « couronnement » le 7 avril 1996 avec l’arraisonnement d’un aéronef de la compagnie aérienne « Air Zaïre ». C’était à Cyangungu. L’avion est suspecté de transporter des armes et des munitions pour les ex-Forces armées du Rwanda.

Fin octobre de cette même année, l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) voit le jour. Le vétéran Laurent-Désiré Kabila y joue le rôle de « caution » pour ne pas dire marionnette. La suite est connue avec la rupture entre Mzee et ses ex-parrains. Le 16 janvier 2001, ce dernier meurt dans des conditions non-élucidées à ce jour.

Contrairement à Museveni qui rêvait de promouvoir les échanges économiques entre l’Ouganda et l’ex-Province Orientale, Kagame, lui, entendait transformer l’ex-Zaïre en une « sous-colonie ». Un Etat vassal dirigé par des prétendus « Tutsis congolais » dits « Banyamulenge ». C’est la mission qui fut confiée à l’ « OVNI politique » nommé « Joseph Kabila ». Un imposteur dont le rôle consistait à maintenir le Congo-Kinshasa à genoux.

Le CNDP et le M23 furent créés respectivement en 2004 et 2012 par l’autocrate de Kigali. Objectif: infiltrer des agents rwandais dans les grands corps de l’Etat congolais.

« Kabila » n’a jamais gagné une élection présidentielle. En 2006 et 2011, les observateurs électoraux tant nationaux qu’étrangers jurent la main sur le cœur que le Président sortant fut battu respectivement par Jean-Pierre Bemba Gombo et Etienne Tshisekedi wa Mulumba. L’homme a déployé des artifices (Concertations nationales, dialogue politique) pour pérenniser son pouvoir avec la complicité de quelques politiciens « ripoux ».

Aux termes d’élections chaotiques du 30 décembre 2018, Felix Tshisekedi Tshilombo est investi à la tête de l’Etat. C’était le 24 janvier 2019. Kagame – qui utilise les ex-FAR et les FDLR comme un fonds de commerce pour perpétuer le pillage des ressources du Congo – entendait, sans doute, se servir de « Fatshi » comme « continuateur » de la mission confiée jadis à « Joseph Kabila ». Le président Paul Kagame risque de se tromper d’époque.

Contrairement au Rwanda où le chef de l’Etat concentre tous les pouvoirs entre ses mains et peut clamer « l’Etat, c’est moi », ce n’est nullement le cas au Congo-Kinshasa. Ce pays a une Histoire. Cette Histoire est jalonnée des luttes pour la liberté d’expression, la démocratie et le respect des droits de l’Homme. Bien que balbutiante, la démocratie congolaise est une réalité. Une réalité renforcée chaque jour par une société civile dynamique ainsi qu’une opinion publique plus que jamais décidée à croiser le fer avec cette « défiance permanente » en provenance de Kigali. A bon entendeur!


Baudouin Amba Wetshi

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