Le général Baseleba: Officier ou voyou?

Quelle mouche a pu piquer le général de brigade Jean Baseleba Bin Mateto, un adjoint à l’auditeur général des Forces armées de la RDC, pour se rendre à la Prison militaire de Ndolo en vue de livrer un colis contenant des armes et des munitions à un condamné? Quel était l’objectif final? Ces deux questions ne semblent étonner que ceux qui ne connaissent pas cet officier supérieur à la réputation sulfureuse. L’homme fait partie de ceux qu’on appelait jadis les « séides du raïs ».

Un petit flashback. Le 16 janvier 2001, la terre entière apprenait que le président Laurent-Désiré Kabila a été victime d’un attentat dans son bureau. Cet événement tragique va sortir Jean Baseleba Bin Mateto de l’anonymat. L’homme fera partie des « commissions d’enquêtes » mises sur pied pour faire éclater la vérité sur les circonstances exactes de la mort de Mzee. Plus de vingt années après, la disparition de ce dernier reste une énigme. Son « fils » « Joseph Kabila » n’a pas tenu sa promesse solennelle faite le 26 janvier 2001 de « faire la lumière » sur cette affaire aux allures de « coup d’Etat de palais ».

Georges Mirindi, ex-membre de la garde rapprochée de feu président Laurent-Désiré Kabila

Dans son ouvrage « La mort de Laurent-Désiré Kabila: Ne nie pas c’était bien toi », publié en 2019, aux éditions Vérone, à Paris, George Mirindi cite le patronyme de Basebela notamment sur les pages 168, 263, 302 et 442. L’auteur présente cet officier sous les traits d’un « tortionnaire ». Au motif qu’il faisait partie, selon lui, des « faux enquêteurs qui étaient plus occupés à torturer les suspects qu’à les interroger pour faire éclater la vérité ». « Je le vois encore en action autour de minuit en train de procéder aux interrogatoires sous tortures électriques », résume-t-il.

« TORTIONNAIRES ET BOURREAUX »

Ex-membre de la garde rapprochée du défunt Président LD Kabila, Mirindi fut interné au GLM avant de s’évader miraculeusement. Il croit savoir que Baseleba fait partie du petit cercle des « détenteurs des secrets » non seulement sur l’exécution d’Anselme Masasu Nindaga mais aussi sur l’assassinat de LD Kabila.

Joint au téléphone depuis un pays scandinave où il vit en exil, l’ex-officier de sécurité n’a pas trouvé des mots assez durs pour évoquer les douloureux souvenirs de son « passage » au fameux immeuble « GLM » transformé en un « centre de torture » par les « libérateurs » du 17 mai 1997. « [Jean] Baseleba fait partie de nos tortionnaires et bourreaux au GLM », assure Mirindi.

D’après lui, « Bin Mateto » n’était pas seul. Il cite également John Kabila (l’ancien officier d’ordonnance de « Joseph Kabila ») et un certain Bashonga. « Ils faisaient partie de ces tueurs à gage que le régime de Joseph Kabila a promu et qui ont fait une carrière d’assassins-metteur en scène pour brouiller les pistes conduisant aux les crimes de sang de Joseph Kabila », précise-t-il.

Revenons à la journée du 1er août 2022. Pour une raison connue de lui seul, le général Baseleba s’est rendu, ce jour là, à la Prison militaire de Ndolo où sont incarcérés des condamnés. C’est le cas notamment de l’ex-major Ngoy Kenga Kenga, ancien commandant du tristement célèbre « Bataillon Simba ». Tireur d’élite Ngoy y purge la « peine capitale ». Et ce pour avoir torturé à mort le défenseur des droits de l’Homme Floribert Chebeya Bahizire et son compagnon d’infortune Fidèle Bazana Edadi. Inutile d’ajouter que « Kenga Kenga » est un des fidèles parmi les fidèles du général fugitif John Numbi Banza.

Baseleba Bin Mateto était porteur d’un colis destiné comme, par hasard, à Christian Ngoy qui a pour dada les arts martiaux. La démarche de cet officier supérieur est inhabituelle. Officier du ministère public, son rôle le place du côté de l’accusation. Cette initiative intempestive éveilla l’attention du colonel Flory Manga Bakafwa, le directeur de cet établissement carcéral. Le contenu du colis provoqua la stupeur: Une arme AK 47 munie de 14 cartouches, un revolver de type GP Gerico avec un chargeur contenant 14 cartouches. Sans omettre une matraque électrique. Un équipement digne de « Rambo ».

Le président Felix Tshisekedi Tshilombo

En droit pénal, les actes commis par ce Général constituent ce que les pénalistes appellent la « tentative punissable ». Le délinquant avait pris la résolution de commettre le crime ou délit. Ce crime ou délit a été mis en échec par des circonstances indépendantes de la volonté du suspect.

QUID DU MOBILE?

Le général Baseleba a comparu le 17 août devant la Haute Cour militaire. Une question taraude les esprits: quel était le mobile de ce haut magistrat en apportant des armes à un dangereux prisonnier? Malin comme un vieux singe, l’accusé Baseleba de s’exclamer: « Je voudrais parler au le chef de l’Etat ». Il ajoute: « Je ne voudrais pas que ce qui est arrivé à Mzee Laurent-Désiré Kabila arrive à l’actuel Président ». Georges Mirindi a failli s’étrangler en entendant ces mots: « J’ai juste rigolé en pleurant de le voir affirmer vouloir éviter un sort tragique à Fatshi ».

Jean-Baseleba Bin Mateto sait apparemment de quoi il parle. D’après Georges Mirindi, l’homme avait pour rôle d’effacer les indices et de « biaiser les enquêtes » tout en feignant de « rechercher les coupables à faire condamner à des peines imaginaires ».

Dans un communiqué daté du 10 août 2022, l’ACAJ (Association congolaise pour l’accès à la justice) exhorte la justice d’agir « avec rigueur ». L’histoire ne dit pas si le président Felix Tshisekedi serait disposé à recevoir Jean Baseleba Bin Mateto, un officier au comportement digne de voyou. Qui se dissimule derrière lui? Affaire à suivre.


Baudouin Amba Wetshi

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