Des informations contradictoires ont « pollué les esprits » au cours de cette journée de mercredi 25 mai. En cause, les combats qui opposent depuis plusieurs jours l’armée nationale congolaise (FARDC) aux pseudo-rebelles du M23 – soutenus désormais ouvertement par l’armée rwandaise de Paul Kagame – dans la province du Nord-Kivu. On apprenait mardi 24 que les forces loyalistes avaient les assaillants mis en débandade. Le lendemain, diverses sources annonçaient le contraire. A savoir notamment les belligérants s’affrontaient aux portes de Goma. On regrettera le long silence observé par le gouvernement. On a entendu dire que « Le Premier ministre Sama Lukonde devait présider une réunion de crise. L’armée fera par la suite un communiqué ».
« Nous sommes en guerre! » Il n’était pas rare d’entendre ce genre de réflexion dans la soirée de mercredi 25 mai, auprès de certaines personnalités civiles et militaires que l’auteur de ces lignes a pu joindre au téléphone à Kinshasa. En guerre contre qui? La réponse quasiment en chœur n’a pas tardée: « Contre qui d’autre sinon le pays voisin qui soutient le M23? » Vous avez compris. Il s’agit du Rwanda de Paul Kagame qui se comporte plus que jamais en « Etat voyou » de la région des Grands Lacs.
Dans la soirée de ce même mercredi, le ministre de la Défense nationale et anciens combattants, Gilbert Kabanda, était l’invité de l’émission « Redevabilité des ministres » à la RTNC. Ce médecin-général en retraite, n’a pas hésité longtemps à désigner le Rwanda de Kagamé comme étant le « soutien » des guérilleros du M23. Tard dans la soirée, des informations fragmentaires laissaient entendre que des éléments de la « RDF » (Rwadan Defence Force) se trouveraient dans la « proche banlieue » du chef-lieu du Nord-Kivu.
Les propos du ministre Kabanda ont mis un peu de baume au cœur. Des observateurs ont suivi, mercredi, avec un étonnement, le communiqué, un peu timoré, lu par le porte-parole du gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général de brigade Ekenge Bomusa. C’est à croire que cet officier avait reçu l’ordre d’éviter soigneusement toute allusion à l’ennemi: « Dans sa débandade, l’ennemi a abandonné des armes et des effets militaires récupérés par les FARDC. Il s’agit notamment d’un mortier 60 mm, d’une arme AK81, de 8 roquettes antitank, d’une chaine de munitions de PKM, d’une paire de tenue militaire, d’un casque et de deux gourdes militaires non utilisés ni par les FARDC, ni par les terroristes du M23 ». Le regretté chanteur Luambo Makiadi Franco aurait dit: « Soki omoni ndoki belela! » Traduction littérale: « Ameutez la foule dès que vous faites face à un occultiste ou un sorcier ». Les Congolais, dans leur grande majorité, portent le Rwanda de Kagame en piètre estime. « C’est le voisin le moins fiable sur les neuf qui entourent le Congo-Kin », clame-t-on!
LE CONGO-KIN, UN « BUTIN DE GUERRE »?
Présent à Malabo, en Guinée Equatoriale, dans le cadre du Conseil exécutif de Union Africaine, le ministre des Affaires étrangères Christophe Lutundula Pen’Apala a parlé vrai. Il a condamné la duplicité du « voisin rwandais ». Il a appelé le chat par son nom en fustigeant le « soutien » que ce pays voisin accorde au M23 dans les attaques des positions des FARDC.
De manière globale, les Congolais font preuve de patriotisme. Ils semblent être de cœur avec les forces armées de leur pays. Exception faite des Congolais ou opposants qui semblent confondre le Congo-Kinshasa avec son dirigeant du moment en l’occurrence Felix Tshisekedi. La réaction de la Coalition Lamuka est à insérer dans ce registre. Sur son compte Twitter @coalitionlamuka, on peut lire ces mots: « Notre peuple subit les conséquences d’un complot international appuyé par une complicité interne qui remonte jusqu’au plus niveau de responsabilité ».
La Coalition Lamuka feint d’ignorer que les phénomènes CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda et le M23 dirigé successivement par Jean-Marie Runiga et Sultani Makenga sont des avatars de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre). Ce mouvement qui porta Laurent-Désiré Kabila au pouvoir un certain 17 mai 1997. La Coalition Lamuka feint également d’ignorer que l’AFDL est une trouvaille de l’actuel chef de l’Etat ougandais Yoweri Kaguta Museveni et de son « filleul » le général Paul Kagame, alors ministre de la Défense et vice-président du Rwanda. La Coalition Lamuka feint enfin d’ignorer que les FARDC sont minées de l’intérieur. Et suite à l’intégration notamment des combattants du CNDP et du M23 dans les FARDC. Depuis 2008, le Congo-Kinshasa n’a plus d’armée. Celle-ci est infiltrée par des étrangers venus du Rwanda. Ici la loyauté est flottante.
Depuis 1997, le Congo-Kinshasa est considéré par le nouveau maître de Kigali comme un « butin de guerre ». C’est la cause principale de la rupture entre LD Kabila et ses ex-parrains.
M23-CNDP: KAGAME AUX COMMANDES?
Le 16 janvier 2001, le président LD Kabila meurt dans des conditions mystérieuses. « Joseph Kabila » – qui se trouvait en résidence surveillée à Lubumbashi – a été propulsé au sommet de l’Etat dans des conditions toutes aussi mystérieuses. Dans son allocution d’investiture, le 26 janvier de cette année, le nouveau chef de l’Etat et « fils putatif » avait pris l’engagement de « faire toute la lumière sur les circonstances de l’assassinat de l’illustre disparu ». Dix-huit années après, la promesse n’a jamais été tenue. « Joseph » et sa fratrie sont devenus immensément riche. A qui profite le crime?
Revenons au M23. Dans une interview accordée au quotidien bruxellois « Le Soir » daté du 6 novembre 2013, l’ex-patron des services de renseignements rwandais Patrick Karegeya y avait fait un « témoignage accablant » sur Paul Kagame en rapport avec l’insécurité récurrente à l’Est du Congo-Kinshasa. Pour Karegeya qui sera assassiné en janvier 2014, la prétendue rébellion du RCD lancée par Kigali en août 1998 « n’était pas nécessaire ». D’après lui, « ce fut une grave erreur, on a sacrifié des vies pour rien et nous en payons toujours le prix… La base politique de Kagame, c’est la violence, qu’il exporte dans la région… Le CNDP de Laurent Nkunda comme le M23, c’est lui qui les soutient. Il tient les commande ».
A l’issue de la « réunion de crise » présidée par le Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde, mercredi soir, le ministre de la Communication et médias, Patrick Muyaya, a déclaré à la presse que les autorités congolaises ont « reçu du terrain » des éléments qui confirment les soupçons d’un soutien qu’aurait reçu le M23 de la part du Rwanda.
Et maintenant! La RDC doit se doter d’une armée dissuasive. Une escadrille de chasse est un must. « Il faut que nos voisins nous craignent », a pu dire le ministre de la Défense, Gilbert Kabanda, lors de l’émission précitée.
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Baudouin Amba Wetshi