Procès Chebeya & Bazana: L’étau judiciaire se resserre autour de « Kabila » et Numbi

Ancien responsable de la sécurité au QG de la Police nationale congolaise sous le général John Numbi Banza Tambo, le major Paul Mwilambwe a regagné Kinshasa, après dix années passées en exil – au Sénégal et en Belgique – pour échapper aux nervis du pouvoir kabiliste lancés à ses trousses.  Le 1er juin 2010, cet officier de police a suivi, à partir des écrans de sécurité, le supplice infligé au défenseur des droits humains Floribert Chebeya Bahizire et son bras droit Fidèle Bazana Edadi. Sauf de servir aux Congolais une parodie de procès, mardi 7 décembre 2021, l’étau judiciaire semblait se resserrer autour l’ex-président « Joseph Kabila » et de son ex- « bras armé » John Numbi Banza. Dans un communiqué daté du 8 décembre 2021, la « Voix des Sans Voix pour les Droits de l’Homme » (VSV)  demande la comparution notamment de ces deux « suspects« . Sans omettre l’ex-auditeur général des FARDC le général Joseph Ponde.

Lors de sa toute première comparution, mardi 7 décembre, devant la Haute cour militaire, l’officier de police Paul Mwilambwe a confirmé, de manière formelle, les informations que l’opinion congolaise avait déjà. A savoir que Floribert Chebeya et son bras, Fidèle Bazana, ont été exécutés à cause du rapport rédigé par la « VSV » sur le double massacre (2007-2008) des adeptes du mouvement politico-religieux Bundu dia Kongo (BDK) dans l’actuelle province du Kongo Central. L’opération fut menée par l’unité paramilitaire de la police sous le commandement de John Numbi Banza et de ses supplétifs Christian Ngoy Kenga Kenga et Raüs Chalwe qui dirigeait l’inspection provinciale de la police dans l’ex-Bas Congo.     

Mwilambwe est resté cohérent par rapport à ses déclarations antérieures. Pour étayer ses dires, il a brandi deux documents: « Ça, c’est le rapport de la Voix des Sans Voix de mars 2008 sur le massacre des adeptes de Bundu dia Kongo. Ça, c’est le rapport de la Mission de l’ONU de mars 2008 sur les mêmes faits. Et quand vous lisez ces rapports, le nom de Christian Ngoy est cité. Raison pour laquelle Christian Ngoy m’avait révélé que Chebeya avait déjà fait un rapport contre lui, le Général et le président [Joseph] Kabila concernant le massacre de Bundu dia Kongo« . Pour lui, ces rapports constituent, sans conteste, le mobile de ce double crime.

Mwilambwe, a, par ailleurs, évoqué les péripéties ayant conduit à son départ en exil. Après avoir été soustrait à la justice par sa hiérarchie, il a été détenu et torturé jusqu’à son évasion. L’objectif, selon lui, était de le réduire au silence.

Dans un communiqué daté du mercredi 8 décembre 2021, la « VSV » dit soutenir le collectif des avocats de la défense qui demande à la Haute cour militaire de faire comparaitre toutes les personnes citées tout au long des débats. C’est le cas de l’ex-raïs « Joseph Kabila« , de l’ancien auditeur général des FARDC, le général Joseph Ponde, et de John Numbi Banza. C’est le cas également du bourgmestre de la commune de Limete, Douglas Nkulu Numbi et du consul Numbi (?) de l’ANR.

La « VSV » demande à la communauté internationale de bien vouloir « suivre de près le déroulement de ce procès qui constituera un déclic dans la promotion » des droits et libertés et « la protection des défenseurs des droits humains« , au Congo-Kinshasa.

Les observateurs espèrent que le témoin Mwilambwe aura à coeur d’éclairer la lanterne de la Haute cour militaire sur un détait qui a son importante. Il s’agit des l’information selon laquelle Christian Ngoy et lui-même avaient pris en location des maisons situées à une cinquantaine de mètres de la résidence de la famille Chebeya. Et ce avant de prendre la poudre d’escampette.

Le major Paul Mwilambwe lors de sa comparution le mardi 7 décembre 2021

La comparution de cet officier de police est sans conteste un fait majeur dans ce dossier explosif sur l’assassinat de Floribert Chebeya et de Fidèle Bazana. Dans les semaines et mois à venir, les masques pourraient tomber.

C’est le lieu de rappeler quelques faits « historiques« . 1. Au début de l’année 2010, le regretté directeur de la « VSV » sollicite, par écrit, une entrevue avec le général Numbi. Chebeya voulait profiter de cette occasion pour plaider pour l’humanisation des conditions carcérales dans les cachots de la police. 2. Fin février 2010, le défenseur des droits humains se rend à Genève où se débattait où la Commission des droits de l’Homme débattait sur la désignation d’un « Rapporteur spécial » pour les droits de l’homme au Congo-Kin. Opposé à cette idée, le pouvoir kabiliste eut gain de cause grâce au soutien des « 77 » pays d’Afrique, d’Asie et d’Amérique latine. 3. Début mars de la même année, « Floribert » a atterri à Bruxelles. Il confie à quelques proches – dont l’auteur de ces lignes – la résolution de la VSV à faire engager des poursuites judiciaires contre les généraux Denis Kalume Numbi, John Numbi et le colonel Raüs Chalwe. En cause, le double massacre des adeptes du mouvement politico-religieux « BDK » par des éléments du bataillon Simba. 4. L’option fut levée de saisir la justice belge dans le cadre de la loi de compétence universelle. Problème: il fallait identifier quelques parents des victimes de ces tueries afin qu’ils se constituent parties civiles. Les recherches se sont révélées vaines. Dans un e-mail envoyé à un avocat bruxellois chargé de rédiger l’acte d’accusation, « Floribert » fit savoir que la VSV allait se constituer partie civile. C’était le 31 mai 2010. 5. Sur instruction du général Numbi, alors Inspecteur général de la police congolaise, le colonel Daniel Mukalay wa Mateso, dépêcha le policier Michel Mwila au siège de la VSV. Mission: informer le directeur exécutif de la VSV qu’il était attendu par Numbi le mardi 1er juin 2010 à 17h30. Le mercredi 2 juin, le corps sans vie de Chebeya est retrouvé sur la banquette arrière de sa voiture. Bazana, lui, s’est « évaporé« . Sa dépouille n’a jamais été retrouvée. 6. Dans une mise en scène, le jeudi 3 juin, « Joseph Kabila » convoqua une « réunion extraordinaire » du Conseil supérieur de la défense. Il clama sa volonté de « faite toute la lumière » sur ce double homicide. Pierre Lumbi Okongo, alors conseiller spécial en matière de Sécurité, est envoyée auprès de la veuve Chebeya afin de « l’assurer de la détermination du chef de l’Etat à faire toute la lumière » sur cette affaire.

Il n’y a pas de crime parfait. Il faut refuser de regarder pour ne pas voir que l’étau judiciaire semble resserrer lentement mais sûrement sur l’ex-président « Kabila » et son « sicaire en chef« , le général John Numbi. Le major Christian Ngoy Kenga Kenga a compris qu’il doit persister dans le silence. Ce praticien des arts martiaux constitue le dernier fusible à faire sauter pour atteindre la « très haute hiérarchie » d’alors. Affaire à suivre.

B.A.W.        

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