Qui a commandité « l’exécution » de Cherubin Okende?

Le grand banditisme est-il en passe de s’implanter au Congo-Kinshasa? Le corps sans vie – criblé des balles – de l’ancien ministre des Transports et voies de communication, Cherubin Okende Senga, 62 ans, a été retrouvé jeudi 13 juillet dans son 4X4 de marque Lexus sur la route de poids lourds. Et ce dans le pur style de la mafia. L’infortuné avait encore sa ceinture de sécurité attachée. Qui a ôté la vie à ce député du parti « Ensemble pour la République » de Moïse Katumbi? Quel en est le mobile? A qui profite le crime? Inutile de dire que des doigts accusateurs sont pointés sur le régime en place. Pas un mot sur le mobile. Des informations parcellaires provenant des proches de « Cherubin » laissent entendre que celui-ci n’était plus en odeur de sainteté dans cette formation politique.

CRIME D’ETAT?

« C’est triste, c’est un assassinat politique »… a déclaré Moïse Katumbi Chapwe sur RFI depuis Abidjan où il participait à la 45ème assemblée générale ordinaire de la CAF (Confédération africaine de football). Le président de TP Mazembe ne s’est pas arrêté là: « Celui qui a fait ça ne restera pas impuni. […] . Où est l’Etat de droit si on doit tuer quelqu’un s’il n’est pas d’accord avec la situation dans laquelle le pays fonctionne ». Katumbi de marteler que « nous allons faire une enquête indépendante pour savoir la vérité. On ne fait plus confiance à nos institutions ».

De la ville de Kindu, au Maniema, où il se trouve, l’ancien Premier ministre, Augustin Matata Ponyo, d’enchainer: « Je dénonce avec la dernière énergie l’assassinat de Cherubin Okende, collaborateur de Moïse Katumbi. Cela est d’autant plus grave qu’il aurait été enlevé dans l’enceinte de la Cour constitutionnelle. Qui l’aurait cru! Nous sommes rentrés dans un régime de terreur et de dictature inqualifiables ». En fait, Okende n’avait pas mis les pieds dans les installations de la Cour constitutionnelle. Il avait chargé son garde du corps d’aller déposer un courrier au secrétaire du juge Sylvain Lumu.

Président de l’ASADHO (Association africaine des droits de l’Homme), Jean-Claude Katende a appelé le gouvernement du « Premier » Sama Lukonde « à utiliser tous les moyens de l’Etat pour qu’on sache la vérité sur l’assassinat de Cherubin Okende. Je condamne cet acte et exige que ses auteurs soient identifiés et traduits en justice ».

FAIRE ECLATER LA VÉRITÉ

A Kinshasa, la Cellule de communication de la Présidence rapporte que le chef de l’Etat a « enjoint les autorités judiciaires à faire toute la lumière sur cette affaire afin de sanctionner les auteurs de cet acte ignoble ».

A tort ou à raison, des voix s’élèvent au niveau des réseaux sociaux accusant le pouvoir politique d’être le « commanditaire » de cet homicide unanimement condamné. Et que d’aucuns qualifient avec une légèreté insoutenable de « crime d’Etat ». L’affirmation n’est pas suivie de démonstration.

Vers la fin de l’après-midi de ce jeudi 13 juillet, le procureur général près la Cour de Cassation, Firmin Mvondé Mambu, a tenu un point de presse. Pour l’essentiel, il a confirmé que Cherubin Okende est mort par balles. Une arme a été retrouvée dans son véhicule. Selon le patron du ministère public en RDC, un premier suspect serait en cours d’interrogatoire. Il s’agit d’un proche du défunt. « Les enquêteurs ont déjà des indices sérieux entre leurs mains », a souligné le PG Mvondé mettant en garde tous les colporteurs de faux bruits au niveau des réseaux sociaux. « Le parquet sera impitoyable ».

Le juge à la Cour constitutionnelle, Sylvain Lumu, avait invité, jeudi 13 juillet, l’ancien ministre Okende à une « séance de travail » autour de sa déclaration de patrimoine. Et ce conformément à l’article 99 de la Constitution. Ce texte stipule notamment: « Avant leur entrée en fonction et à l’expiration de celle-ci, le Président de la République et les membres du gouvernement sont tenus de déposer devant la Cour constitutionnelle la déclaration écrite de leur patrimoine familial, énumérant leurs biens meubles, y compris actions , parts sociales, obligations, autres valeurs, comptes en banque, leurs biens immeubles, y compris terrains non bâtis, forêts, plantations et terres agricoles, mines et tous les autres immeubles avec indication des titres pertinents ».

OKENDE VOULAIT-IL RENCONTRER FATSHI?

Hôpital du Cinquantenaire

Jeudi, la dépouille mortelle du député Okende a été déposée à la Morgue de l’hôpital du Cinquantenaire. Des témoins ont été surpris d’apercevoir plusieurs apparatchiks de la mouvance kabiliste en ce lieu. C’est le cas notamment de: Jaynet Kabila, Francine Muyumba, India Omari et Felix Kabange Numbi. Les intéressés justifient leur présence en signe de « solidarité entre les députés de l’opposition ». Tentative de récupération? L’assassin revient toujours au lieu du crime?

Outre ses activités politiques, Cherubin Okende Senga, était professeur assistant à la faculté de droit à l’Université de Kinshasa. L’homme était à cheval sur les principes. Co-fondateur de l’Alliance pour la majorité présidentielle (AMP) ayant soutenu la candidature de « Joseph Kabila » à l’élection présidentielle de 2006 et 2011, le juriste n’a pas hésité de claquer la porte de la Kabilie suite « à la dérive du leadership » entre 2012 et 2013.

Un enregistrement audio est venu, jeudi 13 juillet, jeter le trouble dans les esprits. De quoi s’agit-il? Il s’agit d’un élément sonore réalisé manifestement par un proche de la famille Okende. On y entend des pleurs, suivis par ces mots& prononcés par une femme: « Papa, tu nous disais que tu n’étais plus en odeur de sainteté dans l’Ensemble pour la République ».

Communicateur de l’Union sacrée de la Nation, l’avocat Joël Kitenge, assure que « Cherubin » tentait depuis un mois d’obtenir une audience auprès du Président Felix Tshisekedi. « Quelqu’un » a-t-il voulu l’empêcher de « parler »? Qui? « La réponse à cette question conduira les enquêteurs sur les traces non seulement du commanditaire du crime mais aussi de l’assassin, assure, la main sur le cœur, un Fatshiste. Okende ne gênait nullement Felix Tshisekedi. Le chef de l’Etat n’avait aucun intérêt à sa disparition ». Affaire à suivre…

Baudouin Amba Wetshi

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