RDC/Rwanda: La crise se corse!

Il y a de la rupture dans l’air entre le Congo/Kinshasa et le régime rwandais de Paul Kagame. Un régime réputé belliqueux et fanfaron. La crise entre les deux pays est montée d’un cran suite au soutien avéré de l’armée rwandaise (RDF) aux « terroristes » du M23. En dépit des éléments probants administrés par les autorités militaires du Nord-Kivu, les dirigeants rwandais persistent dans le déni. Pour eux, les RDF n’ont jamais apporté un quelconque appui à ces « combattants ». « Le M23 est un problème interne » au Congo/Kin. C’est la déclaration faite, dimanche 29 mai, à Malabo, par Vincent Biruta, ministre rwandais des Affaires étrangères.

Depuis le lancement du processus démocratique le 24 avril 1990 dans l’ex-Zaïre, on a rarement vu des Congolais, toutes tendances confondues, s’engager dans une cause commune. L’enjeu vaut manifestement la chandelle. Il s’agit de la sécurité des personnes et des biens, de l’intégrité du territoire et de la souveraineté nationale. Et pourquoi pas de la reconquête de la respectabilité de toute une nation après les « années AFDL »?

Plusieurs mouvements citoyens ont manifesté, lundi 30 mai, leur « colère » à la Place de la Gare en plein centre des affaires à Kinshasa. En cause, l’agression du territoire congolais par le Rwanda. Et ce à travers ses supplétifs du M23. Toute la semaine dernière, le pays a été tenu en haleine par les affrontements à l’arme lourde et automatique entre les FARDC et ces prétendus « rebelles ».

Des protestataires ont fait du chahut, le même lundi, devant l’Ambassade du Rwanda. Ils exigent non seulement l’expulsion de l’ambassadeur Vincent Karega mais aussi la rupture des relations diplomatiques entre les deux pays. « Soutien aux FARDC », « Rupture des relations diplomatiques », pouvait-on lire sur des affiches. La balle est dans le camp du président Felix Tshisekedi.

A Malabo, en Guinée Equatoriale, le président sénégalais Macky Sall a exprimé, dimanche 29 mai, sa « grave préoccupation face à la montée de la tension entre le Rwanda et la RDC ». Le Président en exercice de l’Union Africaine a appelé « toutes les parties au calme et à la désescalade » tout en les invitant « à privilégier le dialogue par la résolution pacifique de leur différend avec le soutien des mécanismes régionaux et de l’Union Africaine ». L’UA a chargé l’Angolais Joao Lourenço d’assumer la mission de médiateur entre les présidents Felix Tshisekedi et Paul Kagame.

Le même dimanche, le chef de l’Etat sénégalais semblait optimiste. Après les entretiens préliminaires qu’il a eus au téléphone avec ses homologues congolais et rwandais, il a dit espérer une « solution pacifique ».

KAGAME VEUT FAIRE LA GUERRE

Patatras! Une vidéo a fait le « buzz » tout au long du week-end du 27 mai. De quoi s’agit-il? Dans un « One man show », Kagame s’adresse à un public. Le ton est calme mais martial: « Je ne crois pas aux négociations ». Et d’ajouter: « Le problème du Congo doit être réglé par la guerre. (…). On doit attaquer le feu là où il a été allumé. C’est au Congo où il y a les FDLR [Forces démocratiques pour la libération du Rwanda, Ndlr] ». Ces propos sont interprétés par de nombreux congolais comme une « déclaration de guerre ».

Pour des analystes, la « prospérité rwandaise » ne serait plus ce qu’elle était. « La contrebande des minerais à destination du Rwanda est perturbée par l’état de siège dans le Nord-Kivu et l’Ituri », résume un analyste. Un autre de renchérir: « La stagnation de l’économique rwandaise met les nerfs de Kagame à vif! »

Le général Constant Ndima, gouverneur militaire du Nord-Kivu

A Malabo toujours, le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, a joué à fond la carte du déni. Une spécialité propre aux dirigeants rwandais qui sont passés maîtres dans « l’art de mentir vrai ». Selon le chef de la diplomatie rwandaise et son patron Paul Kagame, le phénomène M23 est un « problème interne congolais qui devrait être résolu dans le cadre du récent sommet de Nairobi ». Et de poursuivre: « Le Rwanda tient à réaffirmer que les FDLR et ses divers groupes dissidents constituent une grave menace pour la sécurité non seulement du Rwanda mais de toute la région ». Et si les Congolais rétorquaient que les FDLR constituent un « problème interne rwandais » à résoudre à Kigali? Paul Kagame serait-il prêt à ouvrir la porte aux exilés Hutus établis au Congo depuis 1994?

ET SI KAGAME S’ÉTAIT TROMPE D’EPOQUE?

Ouvrons une petite parenthèse. Depuis que l’armée patriotique rwandaise (APR) a porté LD Kabila au pouvoir à Kinshasa, un certain 17 mai 1997, les Congolais sont portés en piètre estime par les dirigeants rwandais. Paul Kagame, en tête. Ce mépris s’est aggravé avec le « défilé » de nombreux anciens dignitaires de la IIème République en quête d’adoubement et des postes. Durant les deux décennies de pouvoir de « Joseph Kabila », il était périlleux de dire un mot de trop sur ce dernier et son « parrain » Kagame. Le changement intervenu au sommet de l’Etat congolais, le 24 janvier 2019, a engendré une ambiance libérale indéniable. Fermons la parenthèse.

Les Congolais étaient vent debout, lundi 30 mai 2022, dans ce qui ressemble fort à une « campagne anti Kagame ». A tort ou à raison, une frange de l’opinion congolaise s’est radicalisée au point de reprocher au président Felix Tshisekedi sa « fraternité » proclamé à l’égard du maître de Kigali. Une fraternité interprétée, à tort ou à raison, comme de la « mollesse ».

A Goma, le gouverneur militaire du Nord-Kivu, le général Constant Ndima Kogba, a déclaré dimanche 29, ces mots: « Notre mission est de défendre l’intégrité du territoire. Nous ne laisserons pas l’ennemi s’emparer d’un seul centimètre de notre pays ». Des fantassins de FARDC ont rejoint Goma.

La crise se corse entre Kinshasa et Kigali. L’ambassadeur rwandais pourrait être reçu mardi 31 mai par un membre du gouvernement assurant l’intérim du ministre des Affaires étrangères en mission à New York. Les gouvernants congolais seraient mal inspirés de ne pas rester à l’écoute de la rue. Une « rue congolaise » chauffée à blanc pour croiser le fer avec le satrape rwandais et ses nervis.

Et si Paul Kagame s’était trompé d’époque pour clamer sa volonté de faire la guerre en RDC?


Baudouin Amba Wetshi

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