Carnage des ex-Faz: J’accuse Kabarebe et « Kabila » 

J’accuse James Kabarebe, alors colonel et commandant opérationnel des troupes rwandaises déployées au Congo-Zaïre, et « Joseph Kabila », son bras droit de l’époque, de « crime contre l’humanité ». Des témoignages laissent apparaitre la responsabilité directe de ces deux hommes dans l’hécatombe de plusieurs milliers des militaires des Forces armées zaïroises dans un camp de concentration à la Base militaire de Kitona. L’heure est venue pour les familles des victimes de conjurer le fatalisme ambiant et surtout la peur en se constituant partie civile. Une plainte bien ficelée devrait être déposée à l’office du Procureur près la Cour pénale internationale à La Haye, au Pays-Bas.

Dans son message de vœux de fin d’année 2022, samedi 31 décembre, le président rwandais Paul Kagame, passé maître en affabulation, s’est livré à son petit jeu favori. Un petit jeu qui consiste à feindre l’amnésie en niant l’évidence. A savoir, l’implication de l’armée de son pays dans la déstabilisation de la partie orientale du Congo-Kinshasa. Et ce depuis le lancement de la guerre de l’AFDL en octobre 1996 à ce jour.

On parle souvent du « Rapport Mapping » rédigé par des experts onusiens. Ce document rapporte les atrocités commises par des troupes rwandaises, entre notamment 1996 et 2003, sur le sol congolais. Prix Nobel de la paix 2018, le docteur Denis Mukwege milite d’ailleurs pour la création d’un Tribunal international pour le Congo. Il plaide pour la justice transactionnelle. Objectif: mettre fin à l’impunité. La communauté dite internationale fait mine d’être malentendant.

Outre le Rapport Mapping, il y a un « crime contre l’humanité » dont on ne parle pas. Un crime odieux apparemment oublié. Il s’agit de l’envoi de 42 à 45.000 soldats, sous-officiers et officiers des Forces armées zaïroises dans un camp de concentration à Kitona, au Kongo Central. Ces fils du pays ont vécu une atroce mort lente.

Le 17 mai 1997, les « Kadogo » font leur « entrée victorieuse » dans la capitale congolaise où le pouvoir a changé de mains. Fatigués du « mobutisme », les militaires des FAZ ont refusé de se battre. Le maréchal Mobutu Sese Seko avait abandonné, un jour plus tôt, son fauteuil à Laurent-Désiré Kabila. Le vieil opposant à Mobutu est en réalité un « général sans troupes ». L’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour libération du Congo), est une trouvaille ougando-rwandaise. LD Kabila « promu », au départ, « porte-parole » n’était en réalité qu’un « masque congolais » derrière lequel se dissimulait Yoweri Museveni et Paul Kagame.

Dès son arrivée à Kinshasa le 20 mai 1997, le nouveau « chef de l’Etat » est assailli de questions par la presse. Des journalistes voulaient des éclaircissements sur le commandement militaire de l’AFDL. « Lumumbiste » dans l’âme, LD Kabila est resté évasif pour ne pas avouer que « son armée » était composée dans sa grande majorité de soldats étrangers. « Nous avons une armée du peuple, une organisation de très haut niveau », disait-il notamment au « Soir » de Bruxelles. Et de murmurer qu’il n’entendait s’étendre sur le sujet « pour ne pas exposer les véritables maîtres de l’armée ». C’est le général Paul Kagame, alors vice-président et ministre de la Défense du Rwanda, qui va vendre la mèche.

Colonel Kadate Lekumu, ex-chef d’état major de la Logistique des FAZ. Un des survivants du « camp de concentration » à Kitona

Dans une interview accordée au très influent « Washington Post », daté du 9 juillet 1997, l’homme fort du Rwanda de déclarer avec sa « modestie légendaire » que c’est un officier rwandais qui a dirigé les opérations au Congo-Zaïre. Nom: James Kabarebe. Grade: colonel. Dès la prise de Kisangani quatre mois auparavant, des médias rapportaient que le « commandant James » avait pour « assistant » un « fils » de LD Kabila prénommé « Joseph ». Les Boyomais, eux, n’ont retenu que le « commandant Hyppo ».

Il est clair que Mzee Kabila n’avait, au cours de premiers mois, aucune voix au chapitre dans les questions militaires. c’est le duo Kabarebe-« Kabila » qui était chargé de planter les piliers du « nouveau régime ». L’extermination des ex-Faz constituait l’acte fondamental pour mettre le pays à genoux, privé de ses moyens autonomes de défense.

Dès le mois de juillet 1997, des informations ont commencé à circuler dans la capitale. De quoi s’agit-il? « Des milliers des ex-FAZ ont été envoyés en ‘rééducation’ à la Base de Kitona ». Ancien chef d’état-major de la Logistique des FAZ, le colonel Kadate Lekumu est un évadé de Kitona.

Dans une interview accordée à Congo Indépendant, en date du 6 août 2015, Kadate n’a survécu qu’en s’évadant du « camp de la mort » où les ex-FAZ ont été regroupés dans des « conditions d’hygiènes exécrables ». Selon lui, « chaque jour, il y avait quinze à vingt personnes décédées à inhumer ». La diarrhée fut diagnostiquée comme cause principale de décès. « Je ne me suis jamais expliqué cette situation », souligne Kadate.

Qui avait ordonné le transfert des ex-FAZ dans ce camp de la mort »? Le président Laurent-Désiré Kabila »? Cette thèse est loin d’être étayée par un élément matériel (un ordre). Tous les yeux sont, par conséquent, braqués sur le colonel Kabarebe qui détenait le véritable pouvoir en sa qualité de chef d’état-major général de la « nouvelle armée congolaise ». Sans oublier son bras droit « Joseph Kabila ».

Dans un entretien à Congo Indépendant en date du 8 août 2012, le général Paul Mukobo, ancien chef d’état-major général adjoint des FAZ, ne trouve aucune circonstance atténuante en faveur de Mzee Kabila: « C’est le président Laurent-Désiré Kabila qui est condamnable et non Kabarebe ». Pour lui, LD Kabila « savait qu’il y avait des officiers bien formés dans les FAZ. Il n’a pas voulu les utiliser ». Mukobo n’avait pas des mots assez durs à l’encontre du Maréchal. D’après lui, « le tribalisme a joué un rôle primordial dans la destruction de notre armée ».

Médecin-colonel en retraite Luc Mayolo, ancien chef adjoint du service médical de l’armée congolais

Médecin-colonel en retraite, Luc Mayolo travaillait aux côtés de « Joseph Kabila », alors chef d’état-major général adjoint de l’armée congolaise. Il en qualité de numéro 2 du service médical de l’armée. Selon lui, LD Kabila ignorait le « traitement inhumain » infligé aux ex-FAZ. Le Mzee l’enverra sur le terrain pour l’éclairer sur la situation. « C’était horrible! », s’écria Mayolo dans un entretien, en date du 16 janvier 2017, à Congo Indépendant. Et de renchérir: « C’était un carnage »». Le médecin-colonel en retraite d’égrener « le mauvais traitement, les brimades, la torture physique, la malnutrition et les maladies faisaient partie du quotidien ». Rentré à Kinshasa, Mayolo tentera, en vain, d’être reçu par le Président de la République pour lui rendre compte de sa mission…

Depuis le 13 juin 2022, les miliciens du M23 – qui servent de supplétifs à l’armée rwandaise (RDF) – occupent une importante partie du Territoire de Rutshuru au Nord-Kivu. Des combats à l’arme lourde et automatique ont opposé, au cours du dernier week-end du mois de décembre, les FARDC aux assaillants rwandais. On le voit, le Rwanda de Paul Kagame n’a pas abandonné son ambition suicidaire d’asservir le « Grand Congo ».

En attendant que la nébuleuse « communauté internationale » fasse droit au combat de Denis Mukwege en vue de la mise sur pied d’un Tribunal international sur la RDC, il appartient aux parents des militaires exterminés à Kitona de se libérer de la peur pour se constituer partie civile. James Kabarebe, « Joseph Kabila » et leur mentor doivent s’expliquer devant la justice internationale.


Baudouin Amba Wetshi

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