A quelques quatre mois de la tenue des élections dont la présidentielle, le paysage politique congolais ressemble de plus en plus à un immense cirque animés par des « clowns » déguisés en hommes d’Etat. L’invalidation, lundi 3 septembre, de la candidature de Jean-Pierre Bemba Gombo à la présidentielle n’a guère surpris. Le réquisitoire « récité » par le procureur général lors de l’audience de la Cour constitutionnelle du vendredi 31 août avait planté le décor. Aucun observateur sérieux n’imaginait que les « juges » allaient prendre le contre-pied du ministère public. « Joseph Kabila » et ses nervis ont gagné une « bataille ». Il reste la « guerre ».
Après la Commission électorale nationale – dont l’épithète « indépendante » devient plus que jamais discutable -, la Cour constitutionnelle a, à son tour, invalidé, lundi 3 septembre, la candidature de Jean-Pierre Bemba Gombo à l’élection présidentielle. Et ce pour le même motif. A savoir: « condamnation » à la CPI pour subornation de témoins.
Lors de la première audience de vendredi, l’équipe de défense du candidat Bemba s’est époumonée pour démontrer aux juges non seulement que la loi électorale épingle la « corruption » parmi les conditions d’inéligibilité et non la « subornation de témoins » mais aussi que le droit pénal est un « droit de la peine » qui s’interprète de manière restrictive. L’assistance avait remarqué l’impassibilité du représentant du ministère public. Comme pour dire « cause toujours… »
Condamné à une année de prison en octobre 2016 dans l’affaire dite « Bemba II », la défense avait aussitôt interjeté appel. Le jugement doit être rendu le 17 septembre prochain. Le dossier de candidature du président du MLC ne comportait aucun arrêt de la Cour pénale internationale le condamnant de manière « irrévocable » sur ce dossier. Qu’importe pour les juges de cette haute cour manifestement chargée d’une « mission ». La candidature d’Adolphe Muzito a subi le même sort que celle de Bemba.
Lors d’un point de presse qu’il avait animé, samedi 1er septembre, à Bruxelles, l’ancien Premier ministre avait rappelé que la « Ceni est à la botte de Joseph Kabila » et que l’objectif du pouvoir « est d’écarter les candidatures les plus sérieuses » pour affaiblir l’opposition.
Dans un communiqué publié le weekend dernier à Kinshasa, le MLC avait exhorté les juges de la Cour constitutionnelle « à protéger le fondement de notre système pénal qui fonctionne sur base de la légalité et de stricte interprétation en évitant des analogies, des confusions malveillantes et des raccordements frauduleux entre infractions ».
Intervenant sur radio Okapi, Freddy Matungulu, candidat « admis » à la présidentielle, n’a pas dit autre chose en demandant à la Cour constitutionnelle « d’écouter la population » et « de faire un travail qui nous permette de revenir comme il se doit sur la voie de l’inclusivité ».
Les décisions de la Cour constitutionnelle étant insusceptibles de recours, Bemba et Muzito vont désormais « rejoindre » l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi Chapwe. Sous divers prétextes, les uns aussi loufoques que les autres, ce dernier n’a même pas été autorisé à rentrer dans le pays qui l’a vu naître pour se faire enrôler et déposer sa candidature.
APRES BEMBA ET MUZITO, A QUI LE TOUR?
Des analystes redoutent que cette haute juridiction use des mêmes méthodes iniques pour exclure Félix Tshisekedi Tshilombo de la compétition bien que sa candidature a été validée.
Sur les réseaux sociaux, on peut lire que la RTNC, média d’Etat, a consacré toute une revue de presse au leader de l’UDPS. Celui-ci est accusé par les organes de presse pro-Kabila d’avoir présenté un « faux diplôme » à la CENI. Quelques titres parus le weekend semblent annoncer le début d’un « lynchage médiatique ». Qui en est le commanditaire? On devine au moins l’ombre du « bénéficiaire ».
Que va faire le président du MLC? La question reste sans réponse pour l’instant. En tous cas, Bemba attend de connaitre « l’oracle » de la CPI annoncé le 17 septembre avant de « fendre l’armure ».
Lors du point de presse qu’il avait animé le 24 juillet dernier à l’ex-hôtel Conrad, « Chairman » avait lâché ces quelques mots: « Aujourd’hui, le combat est démocratique ». Il avait cependant prévenu que le pays courait le risque d’un « désastre » dans le cas où « Kabila » se représentait. Ce dernier ne brigue pas de nouveau mandat. Il reste que son implication par trop voyante dans ce processus électoral – pour faire élire à tout prix son « dauphin » – en fait un des compétiteurs.
Il est clair que les dés sont pipés dans la mesure où les prétendants à l’élection présidentielle ne partent guère avec des chances égales. Le FCC (Front commun pour le Congo) bénéficie des droits qui sont refusés aux forces de l’opposition. C’est le cas notamment du droit de manifester sur la voie publique.
La création de cette coalition politique a replongé le pays dans une ambiance anachronique digne de l’époque du parti-Etat. Il ne se passe pas une semaine sans que les dignitaires de la majorité sortante originaires de tel ou tel autre coin du pays ne clament leur « allégeance » au « dauphin ». On a vu les « mandarins » originaires du « Grand Kasaï » et ceux du « Grand Equateur » recevoir grassement le fameux « dauphin ».
FAIRE ECHEC AU REGIME DE M. « KABILA »
A Kinshasa, le très fanatisé Felix Kabange Numbi, ministre de l’Aménagement du territoire, a organisé, samedi 1er septembre, une rencontre au stade vélodrome de Kintambo avec les présidents des ligues des jeunes de la mouvance kabiliste venus des vingt-six provinces. Un seul message: « s’unir autour du choix porté sur le député national Emmanuel Ramazani Shadary, candidat à l’élection présidentielle ».
Comme à l’époque du MPR parti-Etat, Felix Kabange a exhorté ses interlocuteurs à faire preuve de « vigilance » et… « à éviter de se livrer à la violence pour le bon déroulement du scrutin électoral ». Un mot d’ordre à lire sans doute à l’envers. Personne n’ignore que le FCC concentre entre ses mains le contrôle sur l’armée, la police et les « services ». Sans omettre les fameux « bérets rouges » chers à Henri Mova Sakanyi.
A Bruxelles, Moïse Katumbi Chapwe et Adolphe Muzito, respectivement président de l’ « Ensemble pour le changement » et président de « Nouvel Elan » ont signé, lundi 3 septembre, un communiqué conjoint dans lequel ils condamnent l’instrumentalisation de la Cour constitutionnelle et rappellent « la nécessité de la révision du fichier électoral et de la décrispation politique comme préalable à la tenue des élections (…)« . Ils ont, par ailleurs, pris la résolution de prendre langue avec tous les autres candidats et leaders politiques « en vue de mettre en œuvre un plan d’actions commun pour faire échec au régime de Monsieur Kabila ».
Nombreux sont les analystes qui pensent que « Joseph Kabila » a peur. Il a peur de l’après-présidence avec ce que cela comporte comme perte d’immunités. Des dossiers liés aux crimes économiques et de sang sont en attente…
Sur son compte Twitter, Jean-Jacques Mbungani Mbanda, secrétaire national du MLC aux Relations extérieures, écrit: « La Cour constitutionnelle au service de la Kabilie vient de rendre un arrêt inique en confirmant l’invalidation de la candidature du président JP Bemba. Cette décision démontre à suffisance que cette Cour est inféodée au pouvoir en place ». Et de conclure: « Le peuple aura le dernier mot ».
Baudouin Amba Wetshi