Que reste-t-il du Rapport sur l’assassinat du président LD Kabila?

Luhonge Kabinda Ngoy

Vingt-deux années après la mort de Laurent-Désiré Kabila, le mystère ne cesse de s’épaissir sur les circonstances exactes de la disparition de l’ancien chef de l’Etat congolais. Le premier Président congolais à mourir en plein exercice de ses fonctions. Successeur de Mzee dans des circonstances mystérieuses, « Joseph Kabila » n’a pas tenu sa promesse, faite dans son allocution d’investiture, de « faire la lumière » sur cet homicide. A tort ou à raison, d’aucuns soutiennent que le Mzee Kabila a été victime d’un « coup d’Etat de palais ». Et que les commanditaires seraient parmi les enquêteurs. Des questions restent sans réponses. (Sur la photo: l’ex-PGR Luhonge Kabinda Ngoy)

Commémoration. Ce lundi 16 janvier est un jour férié au Congo-Kinshasa. C’est une journée chômée et payée. Les Congolais commémorent le 22ème anniversaire de la mort du président Laurent-Désiré Kabila. Le 16 janvier 2001, le chef de l’Etat congolais – au pouvoir depuis le 17 mai 1997 – est mort dans son bureau au Palais de marbre. Le lieutenant Annie Kalumbu, chargée de sécurité, assure avoir surpris le directeur de cabinet adjoint Emile Mota en train de ramasser les douilles dans le bureau du défunt président.

Qui a tué Mzee Kabila? Vingt-deux années après, cette question reste sans réponse. Rien n’est venu prouver à ce jour que le garde du corps Rachidi Mwenze – appelé à tort Rachidi Kasereka Mizele – est le véritable assassin. Aucune balle ne manquait dans son arme de service. Abattu par l’aide de camp Eddy Kapend, Rachidi a emporté sa part de vérité.

Laurent-Désiré Kabila, entouré des « prétendus Banyamulenge »: Anselme Masasu, Deogratia Bugera, Bizima Karaha, Moïse Nyarugabo

Quel est le mobile du crime? Vingt-deux années après, les analystes se perdent en conjectures. Dans son ouvrage « La mort de LD Kabila: ne nie pas c’était bien toi », l’ex-garde du corps Georges Mirindi avance une piste assez originale. Le 28 décembre 2000, rapporte-t-il, Mzee avait tenu une « causerie morale » devant les épaules galonnées de l’armée. Après avoir dénoncé les « généraux incompétents » – suite à la prise de Pweto par troupes rwandaises du RCD-G -, le président LD Kabila promit d’épurer l’armée. « Je vais agir! », s’était-il écrié. Question: les « généraux incompétents » se seraient-ils ligués contre le Président? A en croire Mirindi, des armes furent découvertes dans l’avion qui ramenait LD Kabila de Lubumbashi à Kinshasa. C’était le 3 janvier 2001. Le copilote, nommé Mulimbi, était suspecté. L’enquête ordonnée par le chef de l’Etat serait restée sans suite. Pire, le lieutenant Weah Nshombo Bahizire qui avait découvert la valise d’armes fut mis aux arrêts. Sur ordre de qui? Mystère!

A qui profite le crime? Outre la très nébuleuse fratrie « Kabila » composée de Joseph, Jaynet et Zoé, des notables « Balubakat » ont eu leur part du « gâteau » sous forme de postes et autres avantages. On pourrait citer notamment: Luhonge Kabinda Ngoy (ancien Procureur général de la République), Lwamba Bindu (ancien président à la Cour Suprême de Justice), le Grand Chef Kasongo Nyembo et les anciens ministres Aimé Ngoie Mukena et Célestin Mbuyu.

Commission d’enquête. Le mercredi 23 janvier 2001, le procureur général de la République Luhonge Kabinda Ngoy a présenté le Rapport des investigations menées par la commission d’enquête qu’il a présidée. Celle-ci comptait 9 Congolais, 4 Namibiens, 4 Zimbabwéens, et 4 Angolais. Contre toute attente, ledit Rapport fut transmis non pas au ministère public mais au nouveau président de la République « Joseph Kabila ». Et pourtant, ce dernier devait figurer parmi les « suspects » dans la mesure où le présumé assassin était issu de la Force terrestre. Vingt-deux ans après, le gouvernement congolais ne doit-il pas rendre public l’intégralité de ce document au nom du droit souverain du peuple congolais de savoir?

Procès. Le « méga-procès » des présumés sur l’assassinat du président LD Kabila fut un immense cirque. Il a laissé un arrière goût de travail inachevé. Plusieurs accusés furent jugés à huis clos. Pourquoi? C’est le cas notamment du colonel Eddy Kapend et de Georges Leta Mangasa, administrateur général de l’Agence nationale de renseignements (ANR). C’est le cas également de Constantin Nono Lutula, conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de sécurité. Sans rire, le juge-président, le général Nawele Mukongo a « distribué », le 8 janvier 2003, des peines de mort et autres peines lourdes alors que les débats n’ont pas fait éclater la vérité. Cette vérité nécessaire pour déterminer les responsabilités. A preuve, d’autres suspects étaient, selon le juge-président, encore en cavale.

Plus grave, le procès avait éludé deux faits majeurs. Primo: des tirs ont été entendus ce 16 janvier 2001 au Palais de marbre avant l’annonce de « l’attentat » contre le chef de l’Etat. Qui tirait sur qui? Mystère! Secundo: le corps de LD Kabila tel que reçu aux Urgences de la clinique de Ngaliema présentait certes des impacts de balles. Etrangement, le défunt ne baignait pas dans son sang. Et ce en dépit du fait que l’aorte avait été sectionnée. Scientifiquement, la mort était antérieure aux impacts de balles.

Secret d’Etat. La mort mystérieuse du président Laurent-Désiré Kabila est devenue, à la longue, le secret le mieux gardé durant les dix-huit années du régime de « Joseph Kabila ». A l’occasion du 10ème anniversaire de cet événement, le Cardinal Laurent Monsengwo avait demandé l’ouverture d’un nouveau procès. Le prélat fut « lynché » littéralement par la presse « pro-kabiliste » de l’époque. C’est à croire que la disparition de Mzee est élevée au rang de secret d’Etat.

Le faux-témoin oculaire Emile Mota

Témoins disparus. Vingt et une année après la mort de Mzee Kabila, les « gens qui savent » disparaissent un à un: Emile Mota (dir-caba du président LD Kabila), Dr Léonard Mashako Mamba (ancien ministre de la Santé), Lwamba Bindu (président à la Cour suprême), Augustin Katumba Mwanke (ancien gouverneur du Katanga et bras droit de « Joseph Kabila »), Gaétan Kakudji (ministre des Affaires intérieures), Jeannot Mwenze Kongolo (ministre de la Justice), Abdoulaye Yerodia Ndombasi (ancien ministre et Vice-président de la République), Nawele Mukongo (président de la Cour d’ordre militaire), Charles Alamba Mongako (ancien procureur à la COM), général Yav Nawej (ancien commandant militaire de Kinshasa), Pierre-Victor Mpoyo (ministre du Pétrole), Dominique Sakombi-Inongo (ministre de la Communication). La liste n’est pas exhaustive.

Depuis bientôt trois décennies, la partie orientale de notre pays est livrée à des hordes de pistoleros. Cette situation coïncide avec l’avènement de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo). Après la mort de Mzee, on a vu les prétendus leaders « banyamulenge » qui avaient fui à Kigali faire un retour en force dans les institutions tant nationales que provinciales.

On ne pourrait qu’encourager le gouvernement du Premier ministre Jean-Michel Sama Lukonde d’approcher l’ex-président « Kabila » afin qu’il explique la destination donnée à cet important Rapport. La ministre de la Justice Rose Mutombo devrait questionner à ce sujet l’ancien PGR Luhonge Kabinda Ngoy. Les Congolais ont le droit de savoir.


Baudouin Amba Wetshi

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %