Congo-Kin: Qui est qui dans le nouveau Bureau du Sénat?

Alexis Thambwe Mwamba (Président), Samy Badibanga Ntita (1er Vice-Président), John Tibasiima Mbogemu Ateenyi (deuxième Vice-Président), Prince Kaumba Lufunda (Rapporteur), Marie-Josée Kamitatu Sona (Rapporteur adjoint), Eric Rubuye (Questeur), Lelo Nzazi (Questeur adjoint). C’est la nouvelle équipe qui va, de manière collégiale, organiser les travaux et diriger les services de la chambre haute du Parlement congolais durant les quatre années et cinq mois qui restent de la législature en cours. Quel est le parcours de chacune de ces personnalités? C’est l’exercice pour le moins ardu auquel s’est livré notre journal. Rubuye, Kamitatu Sona et Lelo Nzazi semblent être des « illustres inconnus ». Force est de constater que la majorité des « nominés » est composée des « hommes du passé » dont le parcours heurte le « renouveau » pour lequel les Congolais sont allés massivement voter le 30 décembre 2018.

L’alternance n’a pas eu lieu. Tel un serpent qui change de peau tout en restant venimeux, l’ancienne majorité présidentielle (MP) – qui a fait plus la pluie que le beau temps durant les 18 années cauchemardesques de « Joseph Kabila » – s’est métamorphosée en « majorité parlementaire ». Celle-ci a achevé, samedi 27 juillet 2019, la prise de contrôle du Parlement congolais (Assemblée nationale et Sénat). Une véritable O.P.A. aux conséquences imprévisibles. C’est une des conséquences du fameux « deal » passé entre le FCC et la coalition CACH du duo Tshisekedi-Kamerhe.

Kamerhe et Tshisekedi

Les Congolais retiennent leur souffle en attendant de découvrir la composition du gouvernement central. La publication de la nouvelle équipe est annoncée pour le 29 juillet. Le « clan kabiliste » pourrait dire que la « boucle est bouclée ».  

Alexis Thambwe Mwamba est élu président du Sénat avec 65 voix sur 108. Il succède à Léon Kengo wa Dondo. Des observateurs se consolent d’ores et déjà à l’idée que la chambre haute du Parlement est et reste une assemblée. A ce titre, les « décisions » vont découler du vote et non de la volonté d’un seul homme fût-il Président du sénat.

Battu, Modeste Bahati qui ne misait que sur les voix potentielles de 11 sénateurs étiquetés AFDC-A, a obtenu 43 voix. Un score plutôt respectable face au « rouleau compresseur » du FCC mis à la disposition de Thambwe.

RIEN NE SERA PLUS COMME AVANT

La fronde menée par le président de l’AFDC-A, près de trois ans après celle du « G7 », incline à penser que rien ne sera plus comme avant au sein de la mouvance kabiliste, le FCC. Une brèche est ouverte. Il n’est pas exclu que d’autres « frondeurs » s’y engouffrent.

Dans sa toute première déclaration de « candidat déçu », Bahati ne dit pas autre chose. Pour lui, les voix qu’il a pu engranger constituent ni plus ni moins qu’un « message fort » adressé à l’ancien président « Kabila ». A savoir que « c’est un mouvement qui va continuer et va s’agrandir au sein du Sénat et qui aura un message clair, celui du changement ».

Mais qui sont ces Messieurs et dame qui ont désormais la charge d’assurer la direction du Bureau du Sénat?

  • Alexis Thambwe Mwamba (ATM)

Alexis Thambwe est un homme qu’on ne présente plus sur l’échiquier politique congolais. Natif de la province du Maniema, « Alexis », comme l’appellent ses proches, est né le 6 mai 1943 à Longa.

Juriste de formation et avocat de profession, Thambwe Mwamba a commencé sa carrière dans le secteur privé dans le groupe Empain Schneider où il a fini par gravir tous les échelons.

A en croire l’intéressé, « c’est suite à la demande » de Léon Kengo wa Dondo alors Premier commissaire d’Etat qu’il va faire son entrée dans la politique. C’était en 1985.

« ATM » fait partie de ceux qu’on pourrait appeler les « anciens dignitaires » du régime de Mobutu Sese Seko. Plusieurs fois ministre (Travaux publics, Portefeuille, Transports et communications), l’homme a, par ailleurs, été ambassadeur en Italie avant d’être nommé à la direction générale de l’Office de douanes et accises (ex-Ofida). « J’ai modernisé la douane », clame-t-il dans une vidéo de propagande pour la présidence du Sénat.

Après l’entrée à Kinshasa des « libérateurs » de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), Thambwe prend le chemin de l’exil. C’était en mai 1997. Au lendemain de la rupture entre LD Kabila et ses anciens parrains ougandais et rwandais, L’homme rejoint, fin 1998, la nouvelle « rébellion congolaise » montée de toutes pièces à partir de Kigali, au Rwanda. C’est la naissance du « Rassemblement congolais pour la démocratie » (RCD). Plusieurs anciens « mandarins » de la IIème République finiront par mordre à l’hameçon. C’est le cas notamment de l’ancien « Premier » Vincent Lunda Bululu.

Sous le régime de Transition « 1+4 », ATM est nommé ministre du Plan avec l’étiquette MLC (Mouvement de libération du Congo) de Jean-Pierre Bemba. Après la présidentielle de 2006, l’ancien président de l’UDI (Union des démocrates indépendants) rejoint la toute nouvelle « Alliance de la majorité présidente » de « Joseph Kabila » sous la bannière de « personnalité indépendante ».

AUCUN SOUVENIR IMPÉRISSABLE

Outre le Plan, Thambwe a eu à diriger deux ministères régaliens. A savoir les Affaires étrangères et la Justice. « Réputé arrogant et fier de l’être », disent ses détracteurs, ce proche du « raïs » n’a laissé aucun souvenir impérissable en termes de réformes dans ces deux départements.

« Alexis » qui s’insère dans le groupe des « nationalistes-souverainistes » autoproclamés qui gravitent autour de « Kabila » n’a pas hésité, alors qu’il dirigeait la diplomatie congolaise, de demander à son homologue belge d’alors Karel De Gucht de lui accorder une « aide » d’un million d’euros. Motif invoqué: assurer le rapatriement des diplomates congolais en poste notamment à Bruxelles. Une démarche inédite. C’était en juin 2010.

Les anciens diplomates congolais en poste à La Haye ont encore frais en mémoire ce message d’une légèreté affligeante envoyé par le ministre Thambwe en plein milieu de l’année scolaire. Celui-ci invitait le personnel à s’apprêter à rejoindre Bruxelles où un avion affrété allait assurer leur retour au pays. Quand? Par quels moyens? Pas un mot. Pas un mot non plus sur les modalités pratiques impliquant la scolarité des enfants, les salaires des agents et le transport des effets personnels. L’aéronef dont question est toujours attendu à ce jour.

Au ministère de la Justice, ATM a brillé par ses violations répétées du prince de séparation des pouvoirs. Dans plusieurs dossiers, l’homme s’est comporté en une sorte de « super procureur ».

LA JUSTICE INSTRUMENTALISÉE

On l’a vu instrumentaliser la justice en montant en première ligne dans au moins trois dossiers: l’attaque présumée de la prison de Makala. Ce ministre qui aime parader avait attribué cet acte, tour à tour, aux prétendus miliciens « Kamuina Nsapu » ainsi qu’aux « Makesa » de l’ex-Bundu dia Kongo.

On pourrait épingler dans le même ordre d’idée le cas du colonel « dissident » John Tshibangu qui a été transféré à Kinshasa en février après son arrestation en janvier 2018 en Tanzanie. « Le colonel John Tshibangu sera jugé dans quelques semaines pour rébellion », claironnait le ministre Thambwe en lieu et place du procureur.

Que dire de l’injonction donnée au procureur général de la République Flory Kabange Numbi d’ouvrir une « information judiciaire » sur des allégations de « recrutement des mercenaires » imputé à Moïse Katumbi Chapwe, alors gouverneur du Katanga. Sans rire, Thambwe lança dans un premier temps le chiffre de 600 « affreux ». Le nombre finit par être revu à la baisse jusqu’à atteindre le chiffre 11. Personne n’a jamais vu un seul mercenaire.

Dans ces deux ministères régaliens, Thambwe s’est révélé un piètre réformateur  mais un « zélé serviteur » des intérêts politiques de « Joseph Kabila ». Et ce, au détriment de l’intérêt général. « Qui a bu boira », dit l’adage populaire.

  • Samy Badibanga Ntita

    Samy Badibanga Ntita

Né le 12 septembre 1962 à Kinshasa, le nouveau 1er vice-président du Sénat a évolué dans le secteur privé avant d’apparaître dans le proche entourage du président Etienne Tshisekedi wa Mulumba.

Elu député national en novembre 2011, Badibanga prend ses distances par rapport à l’UDPS après son refus d’obtempérer à l’oukase de « Tshitshi » demandant aux élus de son parti de ne pas siéger à l’Assemblée nationale. En dépit de ce différend, « Samy » serait resté en bons termes avec Felix Tshisekedi Tshilombo.

Le 17 novembre 2016, Badibanga est nommé Premier ministre à l’issue du « dialogue politique » piloté par le Togolais Edem Kodjo. Les pronostiqueurs, eux, pariaient sur Vital Kamerhe. En avril 2017, « Samy » est éjecté. Il est remplacé par Bruno Tshibala, alors secrétaire général adjoint de l’UDPS. C’était en marge des concertations politiques arbitrées par la Conférence des évêques catholiques au centre interdiocésain.

L’élection de « Samy » au poste de 1er Vice-Président du Bureau du Sénat est une immense surprise dans la mesure où son « rival malheureux » n’est autre qu’Evariste Boshab, l’ex-secrétaire général du PPRD et ministre de l’Intérieur.

Spécialiste du droit public, Boshab a déployé tout son d’éloquence pour démontrer que « toute constitution est révisable ». L’homme lorgnait sur l’article 220 de la loi fondamentale en vigueur qui limite notamment la durée et le nombre de mandat du Président de la République. Le second et dernier mandat de « Joseph Kabila » a expiré le 19 décembre 2006.

Des analystes n’excluaient pas samedi 27 juillet que la défaite de Boshab ait été « organisée » par des « stratèges » du PPRD pour mieux faire passer, au sein de l’opinion, la pilule de l’arrivée du « très mal aimé » Alexis Thambwe Mwamba à la tête de la chambre haute. 

Notons que Badibanga s’est présenté sous la bannière d’un fantomatique parti dénommé « Les progressistes ». Ceux-ci auraient-ils des accointances avec la mouvance kabiliste? Mystère!

  • John Tibasiima Mbogemu Ateenyi

    John Tibasiima Mbogemu Ateenyi

Natif de la province de l’Ituri, Jean-Baptiste dit « John » Tibasiima Mbongemu Ateenyi est né le 7 septembre 1951 à Nyankunde. Licencié psychologie, Tibasiima est un Hema du Sud.

C’est en 1987, que cet Iturien s’est engagé en politique en tant que commissaire du peuple (député) sous le MPR- parti Etat. Il devient membre du Haut conseil de la République, parlement de transition (HCR-PT). De 1993 à 1996, il est PDG de l’office d’or de Kilo-Moto (Okimo) avant de rejoindre l’AFDL en 1997.

Fin 1998, Tibasiima rejoint le RCD. Après l’éclatement de ce mouvement en plusieurs groupes dissidents, il se rallie au RCD-ML dirigé par Antipas Mbusa Nyamwisi. « John » finit par mettre sur pied son propre mouvement rebelle dénommé « RCD-Bunia ».

En 2003, « John » est promu ministre de l’Urbanisme et de l’habitat sous le régime de transition « 1+4 ». Son nom fut pourtant épinglé dans le rapport rédigé par le panel des experts onusiens sur le pillage des ressources naturelles au Congo. En janvier 2007, il est élu sénateur à Irumu.

  • Prince Kaumba Lufunda Samajiku

    Prince Kaumba Lufunda Samajiku

Natif du « Grand Katanga », âgé de 62 ans, Kaumba qui est docteur en philosophie et licencié en criminologie a été recteur de l’Université de Lubumbashi.

L’homme s’est fait connaitre en 2008 lorsqu’il a été appelé à succéder à Guillaume Samba Kaputo – décédé en 2007 – au poste de conseiller spécial du chef de l’Etat en matière de Sécurité. Il assumera, par la suite, les fonctions de directeur de cabinet au ministère de l’Intérieur.

  • Marie Josée Kamitatu Sona

On sait très peu de chose sur le nouveau Rapporteur adjoint du Bureau du Sénat. Elle est membre de l’ARC (Alliance pour le renouveau du Congo), un parti membre de la plateforme politique « Lamuka« .

  • Eric Rubuye Hakizimwami (Questeur)

Selon des sources, Eric Rubuye serait un Mushi du Sud Kivu. Proche de l’ex-chef d’état-major des forces terres des FARDC Sylvain Buki Lenge – décédé en juin 2006 -, le nouveau questeur serait un « parent par alliance » de « Joseph Kabila« . « Eric » aurait pour seconde épouse, une certaine « Agathe » qui serait une des filles de feu Mzee Kabila. Par la volonté de « autorité morale » du FCC, les finances du Sénat congolais seront « gérées en famille« .

Rubuye est issu du monde des affaires et serait membre de l’ACO (Avenir du Congo).

  • Rolly Lelo Nzazi (Questeur adjoint)

Bahati a été battu par Thambwe. En janvier 2007, Léon Kengo wa Dondo, candidat indépendant à la Présidence du Sénat, créa la surprise en terrassant le PPRD She Léonard Okitundu.

Selon les « mauvaises langues« , convaincu de sa victoire, « She » avait mis quelques bouteilles de champagne au frais pour célébrer sa « victoire« . Il n’avait pas omis d’aligner des groupes folkloriques tetela pour exhiber la danse « Londolo » et « Nyeka Nyeka »….

Baudouin Amba Wetshi

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