Congo-Kin/Rwanda: L’impossible coexistence (pacifique) avec Kagame

Selon des sources, les combats auraient repris aux premières heures de ce lundi 20 juin dans le Territoire de Rutshuru, au Nord-Kivu. Les FARDC affrontent la coalition RDF/M23. Depuis la prise du pouvoir à Kigali par le FPR (Front patriotique rwandais), en juillet 1994, les relations – jadis cordiales – entre le Congo-Kinshasa et le Rwanda n’ont cessé de se dégrader. En cause, la volonté hégémonique du nouveau leadership rwandais. Un leadership incarné par le très belliqueux et arrogant Paul Kagame qui continue à « rêver » d’installer un « régime ami » à Kinshasa. C’est-à-dire vassaliser le « Grand Congo » que le maître de Kigali considère comme un « butin de guerre ». Depuis mercredi 25 mai dernier, la RDC et le Rwanda sont sur pied de guerre. La localité de Bunagana est occupée par des combattants du M23 qui servent de supplétifs à l’armée rwandaise (RDF). Les autorités rwandaises, elles, jouent à fond la carte du déni. « Le Rwanda n’a pas attaqué la RDC », a soutenu le ministre rwandais des Affaires étrangères, Vincent Biruta, dans une interview au magazine Jeune Afrique.

« La situation sécuritaire est grave! » Le président Felix Tshisekedi a lâché ces mots au cours de la réunion du Conseil des ministres qu’il a présidée le vendredi 17 juin. La crise s’aggrave donc entre Kinshasa et Kigali.

A tort ou à raison, des observateurs estiment que les gouvernants congolais ont adopté une « posture pleurnicharde ». Et ce pour avoir « demandé » au Rwanda de « retirer ses troupes ». Les propos tenus par le chef de l’Etat selon lesquels cette « agression viole tous les traités » ont été perçus comme un aveu implicite d’impuissance en opposant du « juridisme » à un cas de rapport de force.

Des soldats congolais lors d’un défilé militaire

A la décharge du président Felix Tshisekedi, force est de relever que les « libérateurs » du 17 mai 1997 et leur héritier putatif « Joseph Kabila » avaient une mission. Celle de priver la RDC d’une armée digne de ce nom. L’armée laissée par « Kabila » n’était bonne que pour la parade. Paul Kagame sait parfaitement que la RDC ressemble à un « corps sans défense ». Le pays devrait rester à genoux pour ne pas représenter une menace pour la sécurité du Rwanda de Kagame et l’Ouganda de Yoweri Museveni.

Dans cette crise entre les deux pays, les « rôles » sont évidents. L’agresseur s’appelle le Rwanda. Le chef de l’Etat l’a dit en précisant que le Rwanda agit sous couvert des combattants du M23. Jouant à merveille la carte du déni, les dirigeants rwandais continuent à soutenir l’insoutenable en clamant que « le Rwanda n’a pas attaqué la RDC », dixit Vincent Biruta, ministre rwandais des Affaires étrangères. C’est connu, les dirigeants sont passés maîtres ès la désinformation et la manipulation.

Depuis une semaine, l’intox fait rage sur les réseaux sociaux via des comptes Twitter aux dénominations pittoresques: Maisha RDC @MaishaRDC, VéritéQuiDérange @afrilacs etc. Les tweets postés ne laissent aucun doute non seulement sur la provenance mais surtout « à qui profite le crime ». Il est question ici et là notamment d’une « chasse au faciès » sans omettre de monter en épingle les « contre-performances » supposées des FARDC.

Dans un communiqué publié dans la soirée de dimanche 19 juin, le porte-parole des Forces armées de la RDC dénonce une campagne de désinformation orchestrée par les dirigeants rwandais dans le but d’inverser les rôles. Le général-major Kasonga Cibangu Léon Richard y fait état de « plusieurs mensonges » concoctés par des « officines [à barbouzes, Ndlr] à Kigali ». Des mensonges déversés dans les médias et les réseaux sociaux selon lesquels il y aurait « une chasse à l’homme » et une vague de « xénophobie » anti-tutsi. Pour lui, l’objectif poursuivi « est de tromper » l’opinion.

Le président Félix Tshisekedi lors d’une réunion

Le président Felix Tshisekedi a quitté Kinshasa, dimanche, dans la soirée. Destination: Nairobi. Il assiste, ce lundi 20 juin, au 3ème conclave des chefs d’Etats de la Communauté de l’Afrique de l’Est (EAC). A l’ordre du jour, la crise sécuritaire dans l’Est de la RDC. Les participants dont le Rwandais Paul Kagame et l’Ougandais Yoweri Museveni sont présents. Le processus de paix de Nairobi avec les groupes armés sera évoqué. L’opinion congolaise est loin d’éprouver le même enthousiasme que « Fatshi » par rapport à l’adhésion de la RDC à l’EAC (Communauté des Etats de l’Afrique de l’Est).

QUELLE EST LA SITUATION SUR LE THÉ TRE DES OPÉRATIONS?

La localité de Bunagana est toujours occupée par la coalition RDF/M23. Des sources indiquaient, lundi 20 juin, que Rutshuru serait la prochaine cible des agresseurs. En attendant, les combats ont repris. Les liaisons entre Rutshuru et Bunagana seraient coupées. L’objectif des coalisés serait de mettre la main sur le chef-lieu du Nord-Kivu. Alarmisme? Assurément pas. La population gomatricienne est vent debout pour affronter les assaillants.

Dans le compte-rendu de la réunion précitée du Conseil des ministres, le ministre de la Communication et des médias, Patrick Muyaya, a indiqué que le chef de l’Etat « suit minute par minute » l’évolution de la situation sécuritaire sur le terrain des opérations. Les nouvelles engageantes sont plutôt rares.

QUE VEUT LA COALITION RDF-M23?

Comme indiqué précédemment, le président Paul Kagame n’a jamais abandonné sa folle ambition de mettre le Congo-Kinshasa sous son joug. Comment? Par l’infiltration de citoyens rwandais dans les grands corps de l’Etat (armée, police, services de renseignement, institutions politiques etc.). L’armée et la police congolaises comptent en leur sein plusieurs dizaines d’officiers supérieurs d’origine rwandaise.

A titre indicatif, voici quelques généraux issus de brassages et mixages: Jean Bivegete, Malick Kijege, Obed Rwabasira, Mustapha Mukiza (décédé), Charles Bisengimana, Laurent Nkunda (refugié au Rwanda), Bosco Ntaganda (détenu à la CPI), Eric Rihorimbere, Jonas Padiri. Les colonels: Bonane, Makenga Sultani,Kamanzi François, Françoise Munyarugerero, Bisamaza, Claude Mucho, Elie Gishondo etc.

Dans une lettre, datée du mois de novembre 2019, adressée à l’Auditeur général des FARDC avec pour objet « retrait des mandats d’arrêt contre les ex-combattants du M23 », Claude Ibalanky Ekolomba, coordonnateur du Mécanisme national de suivi de l’Accord-cadre d’Addis Abeba, d’une « feuille de route » élaborée à l’issue d’une rencontre avec les leaders du M23. « Les points essentiels contenus dans cette feuille de route portent sur l’amnistie ainsi que l’intégration militaire et politique des membres de l’ex-mouvement du 23 mars (ex-M23) », écrit-il.

QUELLE EST LA PART DE RESPONSABILITÉ DU PEUPLE CONGOLAIS?

Le 1er octobre 1990, des « déserteurs » de l’armée ougandaise attaquent le Rwanda. En vertu du Traité d’amitié portant création de la CEPGL (Communauté économique des pays de Grands lacs), le maréchal Mobutu dépêcha un bataillon des forces spéciales commandé par le général Donatien Mahele Lieko. Les insurgés sont mis en débandade.

Arrivée de LD Kabila à Kinshasa après la chute de Mobutu

Après des négociations entre le président Juvénal Habyarimana et ses opposants politiques et armés, un accord de paix portant partage du pouvoir avant l’organisation des élections. Le 6 avril 1994, l’avion transportant le Habyarimana et son homologue burundais est abattu. Plusieurs centaines de milliers des Hutus se réfugient dans les deux provinces du Kivu. Au mois de juillet, les troupes du Front patriotique rwandais s’empare de la capitale Kigali.

Dès sa prise de fonction en tant que vice-président et ministre de la Défense, Paul Kagame adopte une attitude de défiance à l’égard du Zaïre considéré comme une menace pour la sécurité nationale tant du « nouveau Rwanda » que de l’Ouganda de Yoweri Museveni. Au motif que les opposants aux deux régimes bénéficiaient de l’hospitalité.

L’attaque des camps de réfugiés établis dans les deux Kivu permit à Kagame et Museveni de jauger la capacité des forces armées zaïroises. Fin octobre 1996, l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo) est mise sur pied. La présence de Laurent-Désiré Kabila, un Congolais, à la tête de ce mouvement monté de toutes pièces par les dirigeants de ces deux dirigeants.

Dans les débats entre Congolais, nombreux sont les intervenants qui évitent soigneusement de poser une question fondamentale: Comment en est-on arrivé là?

Le 17 mai 1997, les Zaïro-Congolais ont applaudi l’entrée victorieuse des « libérateurs » de l’AFDL dans la capitale. LD Kabila, le président de ce mouvement, n’avait pas de troupes. Le gros du travail a été accompli essentiellement par des troupes régulières du Rwanda et de l’Ouganda.

Les prétendus libérateurs se sont empressés d’interner les 40.000 soldats des Forces armées zaïroises dans un camp de concentration à la Base militaire de Kitona. « Nous avons pensé que les nouveaux maîtres du pays avaient décidé notre transfert à Kitona dans le but de recycler l’armée afin de constituer des unités homogènes, confie le colonel logisticien Kadate Lekumu dans une interview accordée à Congo Indépendant. Nous avons fini par réaliser que nous faisions l’objet d’une politique d’exclusion ». Selon lui, chaque jour, il y a quinze à vingt morts à inhumer. La diarrhée était diagnostiquée comme la cause principale de décès.

Paul Kagame, Président du Rwanda

Se sentant corseté, Mzee Kabila décide de fendre l’armure en rompant la « coopération militaire » avec ses ex-parrains ougandais et rwandais. C’était trop tard! Une nouvelle « rébellion congolaise » voit le jour à Kigali en août 1998. Nom: Rassemblement Congolais pour la Démocratie (RCD). D’autres mouvements insurrectionnels verront le jour pour combattre le régime despotique de Mzee. C’est le cas notamment du MLC de Jean-Pierre Bemba, « coaché » par l’Ouganda.

Après la mort mystérieuse de LD-Kabila le 16 janvier 2001, « Joseph Kabila », ancien bras droit du Rwandais James Kabarebe, est catapulté, dix jours plus tard, à la tête du pays dans des conditions énigmatiques. Problème: après la formation du gouvernement de transition, l’objectif est de conduire le pays aux élections présidentielles et législatives de 2006. La « communauté internationale » veille au grain.

Sentant ses intérêts « en ballotage » du fait du résultat médiocre obtenu par son candidat Azarias Ruberwa (1,7%). Aux législatives, c’est la bérézina pour le RCD. C’est ici que le CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda voit le jour. Mission: défendre les membres de la communauté Tutsi. Après des affrontements avec les FARDC, le CNDP obtient l’intégration de ses hommes dans l’armée et la police. C’est la première phase de l’infiltration des agents rwandais dans nos forces de sécurité.

En 2011, deuxième cycle d’élection présidentielle. « Kabila » affronte Etienne Tshisekedi wa Mulumba. Les observateurs électoraux dénoncent des « irrégularités » et de la fraude. En juin 2012, le M23 voit le jour. Dans une interview au quotidien bruxellois « Le Soir », l’ex-patron des « services » rwandais, Patrick Karegeya, était formel en affirmant que le RCD, le CNDP et le M23 ont été créés par le maître de Kigali.

Entre le Congo-Kinshasa et le Rwanda, la coexistence pacifique risque d’être impossible. Et ce aussi longtemps que Paul Kagame sera à la tête de ce pays voisin qui, sous la férule d’un despote, prend chaque jour les allures d’un « Etat voyou ».


Baudouin Amba Wetshi

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