Dernier scandale de Bukanga Lonzo: bagarre pour le butin?

Dans un récent article, notre compatriote, Jean Marie Lelo Diakiese, a fait part du rebondissement du scandale du projet Bukanga Lonzo. Le partenaire sud-africain du projet réclame en effet le règlement par le gouvernement de la RDC d’une dette de 20 millions de $. Il ajoute que le principal responsable de ce scandale, qui a couté plus de cent millions de $ au contribuable congolais, n’est autre que [Augustin] Matata, l’un de ceux qu’il qualifie de Premiers Médiocres.

L’ampleur du fiasco technique et financier est tel que nous avons demandé à un auditeur- expert-comptable de nous décrypter le rapport d’audit qui a circulé sur le Net l’année passée et de nous faire un compte rendu de son examen.

NB: ce rapport est disponible sur simple demande via Congo Indépendant
_______________________________________________________________
Voici les principaux constats

Généralités sur le déroulement de la mission:

  1. L’audit a été commandité par le ministre des Finances et non par la Primature. Il est donc probable que l’instruction est venue de la Présidence.
  2. Il ne s’agit pas d’un audit classique de certification de comptes. En l’absence d’une comptabilité, un tel audit aurait en effet abouti à un refus de certification.
  3. Toute la comptabilité est tenue en Afrique du Sud par le partenaire Africom Commodities (A.C.).
  4. La Primature et son partenaire A.C. ont systématiquement refusé de communiquer une série d’informations et notamment:
    1. La comptabilité tenue en Afrique du Sud avec l’impossibilité de connaitre les comptes fournisseurs et de vérifier le total des montants reçus;
    2. Les recettes du projet;
    3. Les statuts de la Société d’exploitation du Parc Agro-Industriel de Bukanga Lonzo SA, (SEPAGRI SA) p.7
    4. Les contrats et les pièces justificatives de paiement d’USD 16.993.385 en faveur d’AEE Power et USD 4.161.715 en faveur et MIC Industries.
  5. Impossibilité de vérifier l’exactitude des paiements effectués par le gouvernement la DTO n’ayant pas remis des pièces justificatives.

Il n’y a aucun doute sur la volonté de dissimulation des partenaires et sur leur complicité. La réclamation du paiement de 20 millions de $ est donc probablement une dispute entre truands sur le partage du butin.

Quelques caractéristiques du projet:

  1. Aucune étude de faisabilité ni étude d’impact social et environnemental n’a été faite avant de lancer le projet. Pour tenter une parade, les appels d’offres pour la réalisation de ces études ont été lancées en 2015 alors que le gros des paiements avaient déjà été faits !!!
  2. Le 20 février 2014, un contrat de gestion est signé entre le gouvernement congolais et la société Sud-africaine Africom Commodities (A.C.). La signature d’un tel contrat sans appel d’offres ou mise en concurrence est contraire à toutes les dispositions sur les marchés publics et donc illégal.
  3. L’Etat Congolais a versé USD 101.549.894 (sur un total prévu d’USD 153.400.000). USD 53.414.444 ont été versés directement dans le compte du partenaire et la différence a servi au paiement des fournisseurs.
  4. Il a été impossible de vérifier la nature des paiements pour un total d’USD 10.626.86
  5. Paiements divers non reconnus par A.C.: USD 3.452.613 dont près de USD 1.000.000 de frais de cérémonies de lancement du projet et de lancement de la production. Il s’agit principalement de dépenses en vue d’assurer « l’adhésion » de certaines autorités (Présidence, Ministères, Province et …la Primature).
  6. L’audit estime qu’il y a risque de fraude pour un montant d’USD 30.267.222
  7. Acquisitions et surfacturations:
    1. Les acquisitions faites A.C. n’ont pas fait l’objet d’appels d’offres. Les principaux fournisseurs sont des filiales d’Africom qui ont ainsi encaissé USD 51.600.000 de gré à gré!
    2. L’examen de quelques achats montre des surfacturations qui vont de 100 à 750%.
  8. Les termes de référence de la mission avaient prévu la rédaction d’un « rapport spécial qui listera les cas potentiels de détournement, corruption et fraudes qui auront été notés durant la mission. Ces cas pourront faire l’objet d’une mission d’investigation spécifique plus poussée ». La gravité des constats du premier était telle que le Ministre des Finances a préféré d’en rester là.

Le rapport d’audit montre ainsi comment les finances publiques sont gérées par des individus comme s’il s’agissait de leur caisse privée au mépris de priorités que devraient être l’organisation des élections, la sécurité et la paix sur l’ensemble du territoire. A cet égard les responsables de cette gabegie, ayant contribué à la crise politique, économique et sécuritaire avec ses milliers de morts et millions de déplacés devront tôt ou tard rendre des comptes.

La chute…

Cette affaire de 150 millions de $ est extrêmement grave car il s’agit de montants provenant du budget de l’Etat qui auraient pu servir pour des investissements utiles pour les populations mais il s’agit malgré tout de menue monnaie en comparaison du manque à gagner pour le budget qui résulte des détournements de dizaines de milliards à partir des ressources minières et pétrolières comme l’ont relevé récemment les agences de presse anglo saxonne (Bloomberg, Reuters et AP) ainsi que de nombreuses organisations internationales (ONG) comme Congo research, Resource Matter, Human Right Watch, Gobal Witnes, Centre Carter, Eric Joyce au Parlement Britannique, etc

Il serait bon que JM Lelo Diakese si il est documenté sur ce sujet nous raconte un peu cela…

 

Par Michel Moninga Denge

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %