Des terres du Congo-Kinshasa cédées à des capitaux étrangers

Gaston Mutamba Lukusa

Selon le magazine panafricain « Jeune Afrique », 10,2 millions d’hectares de terre au Congo-Kinshasa appartiennent à des investisseurs étrangers, soit 4,5% de la superficie totale du pays. Sur un classement de 15 pays, la RD Congo vient en seconde position après la Russie (soit le premier en Afrique) parmi les pays qui ont le plus cédé des terres à des investisseurs étrangers. Les autres pays sont l’Ukraine, l’Indonésie, les Philippines, le Soudan, le Brésil, la Papouasie Nouvelle Guinée, le Soudan du Sud, Madagascar, le Mozambique, l’Argentine, le Congo, le Cameroun et la Sierra Leone.

Pour mettre en valeur leur secteur agricole, certains pays africains se sont mis à vendre ou à louer des millions d’hectares de terre arable à des investisseurs étrangers. Le gouvernement de la RD Congo s’est aussi engagé dans cette politique afin d’augmenter la production forestière et agricole, de satisfaire la demande intérieure et de créer une industrie agro-alimentaire. Il ne faut pas seulement veiller à ce que les terres ne soient pas sous-exploitées. Il faut surtout éviter de favoriser les exploitants agricoles étrangers au détriment des populations locales qui sont expropriées. Toute expropriation des paysans locaux doit se faire en contrepartie des compensations ou indemnisations équitables. Toute politique agricole réfléchie doit parvenir à établir un cadre institutionnel non seulement pour la protection des agriculteurs et des grandes exploitations mais aussi du paysannat familial. Dans les zones à forte concentration humaine, les terres deviennent rares et peu fertiles par manque d’engrais. Il arrive, surtout dans l’Est de la RD Congo, des conflits fonciers sanglants entre les cultivateurs et les éleveurs qui ont besoin de beaucoup d’espaces pour nourrir leurs troupeaux. Il existe aussi de nombreux conflits fonciers entre familles, clans et tribus.

Les intérêts étrangers qui contrôlent les terres

Le 18 mars 2021, le magazine Jeune Afrique a publié un article très intéressant intitulé: « Libanais, Américain, Chinois… Qui détient les terres en Afrique? » Selon cet article, 10,2 millions d’hectares de terre en RD Congo appartiennent à des investisseurs étrangers, soit 4,5% de la superficie totale du pays. Sur un classement de 15 pays, la RD Congo vient en seconde position après la Russie (soit le premier en Afrique) parmi les pays qui ont le plus cédé des terres à des investisseurs étrangers. Les autres pays sont l’Ukraine, l’Indonésie, les Philippines, le Soudan, le Brésil, la Papouasie Nouvelle Guinée, le Soudan du Sud, Madagascar, le Mozambique, l’Argentine, le Congo, le Cameroun et la Sierra Leone. C’est l’exploitation forestière qui est le premier pôle d’investissement des étrangers en RD Congo. Les actifs sont détenus par des conglomérats asiatiques, et principalement chinois. Les principaux pays détenant nos terres sont le Liechtenstein, la Chine, les Etats-Unis, le Liban et la Belgique. Pour l’auteur de l’article, Marie Toulemonde, « l’arrivée de ces entreprises asiatiques fait craindre une intensification de la déforestation en Afrique centrale, dans le cas où elles reproduiraient le scénario déjà opéré en Asie du Sud-Est, où les forêts ont été surexploitées, sans respecter les normes légales, puis les espaces dégradés transformés en plantation de palmiers à huile ou d’arbres à croissance rapide ».

Les restrictions des conditions d’accès aux terres agricoles vis-à-vis des étrangers

La loi portant principes fondamentaux relatifs à l’agriculture du 24 décembre 2011 dispose en son article 16 que « Les terres agricoles sont concédées aux exploitants et mises en valeur dans les conditions définies par la loi. Toutefois, le requérant remplit en outre les conditions ci-après: a) être une personne physique de nationalité congolaise ou une personne morale de droit congolais dont les parts sociales ou les actions, selon le cas, sont majoritairement détenues par l’Etat congolais et/ou par les nationaux; b) avoir une résidence, un domicile ou un siège social connu en République Démocratique du Congo; c) présenter la preuve de son inscription au registre de commerce, s’il s’agit d’une personne exerçant le commerce; d) justifier de la capacité financière susceptible de supporter la charge qu’implique la mise en valeur de la concession; e) produire une étude d’impact environnemental et social ». Après la promulgation de la loi le 24 décembre 2011 par le chef de l’Etat, la Fédération des Entreprises du Congo (FEC) avait réagi en affirmant que l’alinéa 2 de la loi qui restreint les concessions de terres agricoles aux seules personnes physiques et morales congolaises, détériorait le climat des affaires et que c’était une discrimination anticonstitutionnelle à l’encontre des étrangers. D’aucuns ont souligné même que c’était une forme de « zaïrianisation » ou nationalisation des exploitations agricoles détenues par des étrangers. Depuis, un lobbying intense est opéré par modifier l’article 16. Il faut cependant noter que la plupart des pays industrialisés protègent leur agriculture. Il existe dans ces pays des conditions de restriction d’accès aux territoires et aux terres agricoles vis-à-vis des étrangers. Personne n’a jamais dit que c’était contraire aux droits humains ou aux constitutions de ces pays. Le gouvernement congolais doit plutôt veiller à renforcer la sécurité alimentaire de la population et aussi ne pas transiger sur l’application stricte de la loi sous peine de voir un jour toutes nos terres aux mains des intérêts étrangers comme ce qui est arrivé aux autres peuples en Afrique du Sud, en Amérique, en Australie, en Nouvelle-Zélande.

 

Gaston Mutamba Lukusa

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