Gouvernement: l’UNC claque la porte. Mais…

Dans une lettre datée du 23 octobre, Vital Kamerhe a notifié au Premier ministre Bruno Tshibala la décision du bureau politique de son parti l’UNC (Union pour la Nation Congolaise) de retirer son délégué du gouvernement. Il s’agit de Pierre Kangudia Mbayi qui est en charge du Budget. Au moment de boucler ce papier, l’intéressé n’avait pas encore transmis sa lettre de démission à « Joseph Kabila ».

Retrait du gouvernement ou manœuvres politiciennes? Deux questions qui taraudaient les esprits, lundi soir. A tort ou à raison, Vital Kamerhe est suspecté de faire le jeu du « clan kabiliste ».

Une certaine opinion congolaise peine à digérer le rôle de premier plan que l’ancien président de l’Assemblée nationale a joué lors du « dialogue » dit de la Cité de l’Union Africaine sous la médiation du Togolais Edem Kodjo.

Mercredi 23 octobre, le bureau politique de l’UNC a créé un petit événement en annonçant le retrait de son ultime délégué à l’exécutif national. Ministre en charge du Budget, Pierre Kangudia Mbayi devrait remettre sa démission à « Joseph Kabila ». Lundi soir, celle-ci n’était pas encore enregistrée au « service courrier » de la primature.

DUPLICITE

Dans sa motivation, le bureau politique de l’UNC – présidée par « VK » – constate « le retard et la certitude de la non-organisation des élections au 31 décembre » prochain. Et de rappeler que « la participation de l’UNC au gouvernement était de contribuer à l’organisation des élections dans le délai de l’Accord de la Saint Sylvestre ». Or, poursuit le texte, « la CENI n’a toujours pas publié le calendrier électoral conforme à l’Accord de la Saint Sylvestre ».

Cette décision politique de l’UNC a été notifiée le même jour au Premier ministre Bruno Tshibala Nzenzhe. Il semble que le ministre Kangudia n’y verrait aucun inconvénient à rendre le tablier. Un juriste met un bémol: « la décision de l’UNC est et reste un acte politique qui ne produira des effets juridiques qu’après la démission formelle de l’intéressé ». En clair, l’actuel ministre du Budget restera au gouvernement aussi longtemps qu’il n’aura pas transmis sa lettre de démission à « Joseph Kabila ».

Un analyste politique kinois joint au téléphone considère la mesure prise par l’UNC comme une « simple posture en prévision des négociations futures ». A en croire notre interlocuteur, « Vital Kamerhe tente par cette annonce d’exercer une pression sur le président Joseph Kabila avec lequel il a fait un long parcours jusqu’à son éviction du perchoir en 2009 ». Selon lui, il y aurait de la duplicité dans l’air.

Le 15 février dernier, Kangudia qui détenait le même portefeuille dans l’équipe de Samy Badibanga avait annoncé urbi et orbi l’impossibilité pour le gouvernement de mobiliser « dans les circonstances actuelles » la somme de 1,8 milliard USD pour permettre à la CENI d’organiser les élections en 2017. Des propos inimaginables dans la bouche d’un ancien opposant.

A l’époque, le bureau politique de l’UNC n’avait pas jugé utile de fouetter un chat. Et ce en dépit du fait que Kangudia avait fait sienne la rhétorique kabiliste selon laquelle « le fait d’affecter 1,8 milliard USD pour financer rien que les consultations politiques pourrait ‘sacrifier’ plusieurs secteurs d’activités ».

ORDONNATEUR DES DEPENSES PUBLIQUES

Selon des sources bien informées, l’actuel ministre du Budget n’a aucun pouvoir dans son secteur d’activité. Ce cas ne serait pas unique en son genre. « Kangudia ne fait que de la figuration, commente un observateur. Tous les dossiers de ce ministère régalien sont gérés par le directeur de cabinet du Président Kabila. C’est à la Présidence de la République que sont décidées toutes les dépenses d’Etat à effectuer ». Une autre source de renchérir: « Le Premier ministre Tshibala vit une situation identique. Il ne détient que l’apparence du pouvoir. Tout se décide à la Présidence. D’ailleurs les membres du gouvernement central accusent deux mois de traitements impayés ».

C’est depuis mai 2009 que « Joseph Kabila » s’est arrogé le rôle d’ordonnateur des dépenses publiques. Il a suffi pour cela, une simple missive que son directeur de cabinet d’alors, Adolphe Lumanu Mulenda, adressa au Premier ministre Adolphe Muzito. Celui-ci a été informé qu’à l’avenir tout ordonnancement des dépenses publiques devra, avant paiement, requérir son autorisation. Soucieux de garder son place, Muzito avait courbé l’échine.

Depuis 2009, « Kabila » pose des actes de gestion alors qu’il est politiquement irresponsable et exonéré, de ce fait, de l’obligation de rendre compte devant la représentation nationale. Heureux d’être (enfin) ministre, l’ancien opposant Pierre Kangudia s’est tu.

Questions: pourquoi Vital Kamerhe feint-il de découvrir en ce mois d’octobre finissant que les élections ne seront pas organisées d’ici au 31 décembre prochain? Que se dissimule-t-il derrière cette posture frisant des manœuvres politiciennes?

Kangudia, lui, doit choisir entre l’observation de la « discipline du parti » et la perte des avantages et privilèges attachés à la fonction ministérielle. Un choix qui parait clair dans ce pays où les politiciens considèrent le pouvoir d’Etat non pas comme une charge mais un simple ascenseur social…

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2017

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