La démocratie selon « Joseph Kabila »

President Kabila looks on during signature ceremonies.

Dans moins de 72 heures, les députés provinciaux vont procéder à l’élection des gouverneurs et vice-gouverneurs des 21 nouvelles provinces issues du découpage territorial conformément à l’article 2 de la Constitution promulguée le 18 février 2006.

Le mot « élection » vient du vocable latin « eligere » qui signifie: choisir. Pour choisir, l’électeur doit être libre. L’électeur ne doit faire l’objet d’aucune intimidation par une organisation politique, fût-elle de la majorité. De même, l’élection doit être libre et équitable. Une élection libre et équitable suppose une égalité de chance entre les prétendants.

Dans ce Congo démocratique où règne un pouvoir autoritaire et arbitraire, « Joseph Kabila » et ses « petits soldats » conçoivent la démocratie non pas comme l’art d’élargir mais plutôt de restreindre l’arène politique. L’intolérance politique fait rage. Point de salut en dehors de la « mouvance kabiliste ». La ruse, la corruption et l’intimidation sont utilisées comme moyens pour atteindre des objectifs politiques.

L’opinion congolaise a été stupéfaite, lundi 14 mars, d’apprendre que des candidats de la MP ont été élus à la tête de la quasi-totalité des 21 Assemblées provinciales. Alors que lors de la publication, le 28 février, des 76 candidatures déclarées « recevables » par la CENI (Commission électorale nationale indépendante), à peine 20 postulants se réclamaient de la « majorité ». Les « indépendants » étaient au nombre de 46. Inutile de rappeler la démarche peu glorieuse menée par le secrétaire général de la MP, Aubin Minaku, auprès du président de la CENI pour « rééquilibrer » le rapport de force.

« Maintenant que nous venons de gagner la bataille préliminaire en terminant en pool position, nous nous préparons à confirmer ce leadership en raflant la mise des 21 provinces si possible (…) ». L’homme qui entonnait ce cocorico s’appelle André-Alain Atundu Liongo. Le même. « Nous n’avons pas triché, nous n’avons pas fraudé (…) », ajoutait-il sans rire.

En fait, Atundu n’a pas dit la vérité. Pire, il a menti en toute connaissance de cause. La MP a triché et fraudé. Des organisations de défense des droits de l’homme n’ont pas manqué de tirer la sonnette d’alarme pour dénoncer les « pressions » – c’est un euphémisme – exercées sur les députés dans les 21 nouvelles entités administratives. Ces « grands électeurs » ont été sommés de donner leur vote aux candidats de la majorité. Dans le cas contraire, ils s’exposeraient à des « représailles ». Un message clair.

A titre d’exemple, des cadres de la MP (Joseph Kokonyangi, Emmanuel Ramazani Shadari, Adolphe Lumanu, Félix Kabange Numbi etc.) ont sillonné plusieurs Régions. Ils ont ainsi battu campagne bien avant la date légale soit du 22 au 24 mars. L’ancienne province du Katanga et l’ex-Province Orientale semblent être les cibles de choix. L’enjeu économique en vaut la chandelle pour le « raïs » et sa fratrie.

Les partisans de « Joseph Kabila » ont distribué des billets de banque sans omettre de brandir la menace de fermeture des organes délibérants dans les provinces où les candidats du « raïs » ne seraient pas élus gouverneur. C’est ça la démocratie selon « Joseph Kabila ».

A Kalemie, chef-lieu de la province du Tanganyika, des miliciens ont brutalisé des militants des partis de l’opposition. Un candidat a été empêché d’aller et de venir. Des témoins ont vu Jaynet « Kabila » conférer à huis clos avec les députés provinciaux à Kalemie. Mais aussi à Lubumbashi, Kolwezi et Kamina.

A l’Equateur, la MP, qui souffre décidément d’un déficit des cadres autant que d’une panne d’imagination, n’a pas trouvé mieux que de représenter la candidature d’un « revenant » nommé Jean-Claude Baende. Une injure faite à la population de cette contrée quand on sait que Baende a été révoqué au même poste pour « mauvaise gestion ». L’homme clame partout où il passe qu’il est « le candidat du chef de l’Etat ». Un chef de l’Etat que la grande majorité des Congolais considère d’ores et déjà comme un homme du passé à quelques 9 mois de l’expiration de son second et dernier mandat.

Lors de la promulgation de la Constitution le 18 février 2006, nombreux sont les citoyens de ce pays qui espéraient assister à l’avènement d’un nouvel ordre politique fondé sur la démocratique dont la valeur cardinale est et reste la séparation des pouvoirs. Depuis 2007 à ce jour, « Joseph Kabila » a restauré le pouvoir absolu. L’Etat, c’est lui!

Quel est le but poursuivi par « Joseph Kabila »? Celui-ci espère dans un premier temps « rafler » les 21 « gouvernorats ». Dans un second temps, il compte faire dire aux 21 gouverneurs que leurs populations respectives « demandent » l’organisation d’un référendum constitutionnel. L’objectif est de faire sauter les verrous qui l’empêchent de briguer un troisième mandat. Et pourquoi pas d’instaurer une présidence à vie?

Sauf retournement de la situation, le 26 mars prochain, les Congolais vont assister, une fois de plus, à une immense farce électorale. Plus que jamais, la preuve est faite que le Congo-Kinshasa est dirigé par un mauvais Chef. « Le mauvais chef se reconnait à l’espoir que les méchants mettent en lui et à la crainte qu’il inspire aux honnêtes gens… », soutient un dicton persan.

 

Baudouin Amba Wetshi

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