Léonie Kandolo: « Les Africains doivent respecter les principes »

Léonie KandoloLéonie Kandolo

Licenciée en gestion, consultante, militante des droits de la Femme, Léonie Kandolo est ce qu’on pourrait appeler une « femme de convictions ». Elle a fait partie des acteurs de la société civile ayant participé, du 15 au 17 août, à Chantilly, en France, à la rédaction du « Manifeste du Citoyen Congolais, Esili ». C’était à l’invitation de l’IDGPA (Institut pour la Démocratie, la Gouvernance, la Paix et le Développement en Afrique). La signature officielle dudit manifeste a eu lieu le vendredi 18 août au siège de la FIDH à Paris. L’activiste répond à quelques questions de Congo Indépendant.

Comment pourrait-on vous présenter?

Je suis une activiste des droits de la Femme. La gouvernance constitue mon domaine de prédilection. Je suis un expert en matière des ressources naturelles. Je travaille comme consultante pour diverses organisations. C’est le cas notamment de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international. Je suis mère de famille. J’ai des grands enfants

Comment devient-on militante des droits de la Femme?

J’ai grandi en Europe dans l’ambiance du Mouvement de Libération de la Femme. J’étais encore une petite fille en 1968. Dès mon retour en Afrique, je n’ai cessé de me sentir concernée par cette question dans la mesure où les coutumes sont très pesantes sur les femmes congolaises. Celles-ci semblent obnubilées par le mariage. C’est à croire que la femme africaine ne peut rien entreprendre par elle-même. Mon père avait l’habitude de me dire: « Je n’élève pas des filles à marier. J’élève des filles qui doivent se battre dans la vie; le mariage étant un plus… » Que voit-on? Des femmes diplômées, dotées d’une réelle expertise mais qui n’arrivent pas à s’épanouir parce qu’elles sont « prisonnières » des coutumes et des traditions. La parité reste un vain mot en dépit du fait que le Congo a été un des premiers Etats africains à l’inscrire dans la Constitution. Je constate, par ailleurs, que lorsqu’on parle de violation de la Loi fondamentale dans notre pays, on se limite à évoquer la non-tenue des élections. On perd souvent de vue les droits fondamentaux tels que la représentativité paritaire de la femme. Je crois qu’il y a un manque de volonté politique d’impliquer les femmes dans la conduite des affaires publiques.

Vous venez de participer aux travaux de rédaction du « Manifeste du Citoyen Congolais, Esili ». Quelles sont les leçons que vous avez tirées de cette rencontre?

J’ai tiré une leçon fondamentale. A savoir que les textes ne sont pas respectés au plus haut niveau de la RDC. J’estime qu’il y a comme une connivence entre la majorité et l’opposition pour se maintenir aux affaires. Tout le monde y tire des dividendes. Le peuple congolais, lui, est complètement oublié. J’estime qu’il est temps qu’on tire la sonnette d’alarme. Les lois doivent être respectées. Si nous avions observé la loi, nous ne serions pas dans le cas de figure que nous évoquons. Tout le monde sait que l’article 70 de la Constitution stipule dans son premier alinéa que le Président de la République est élu pour un mandat de cinq ans renouvelable une seule fois. Point barre! Le plus grave dans cette histoire est que Joseph Kabila viole non pas la Constitution qu’il a héritée mais bien celle qu’il avait lui-même promulguée le 18 février 2006. Il viole la Charte fondamentale pour s’accrocher au pouvoir. Il est appuyé par des hommes de loi. C’est le cas des juges de la Cour constitutionnelle et des membres du Parlement. Je trouve cela bien triste dans la mesure où le peuple congolais vit dans une telle misère qu’il n’a plus la capacité de revendiquer ses droits. Le peuple ne peut pas non plus compter sur ses représentants au Parlement.

Que répondez-vous aux Congolais de deux sexes qui fredonnent le fameux « Wumela » [Expression intraduisible qui veut dire « restez à votre poste », Ndlr] en dépit du sombre tableau que vous venez de peindre?

Vous savez, j’habite à Kinshasa. Quand je me réveille le matin, il n’y a pas d’eau courante. Pas d’électricité. Pas de transport. Les gens n’ont rien à mettre sous la dent. « Il » doit rester au pouvoir pourquoi? La loi, c’est la loi! Le président Barack Obama a accompli ses deux mandats à la tête des Etats-Unis. Il est parti alors qu’il présente un bon bilan. Il faut que les Africains arrivent à respecter les principes dans les grandes comme dans les petites choses. Vous constaterez que ceux qui scandent le fameux « wumela! » ont des intérêts particuliers et égoïstes à préserver. Qu’en est-il de ces milliers d’enfants qui ne peuvent aller à l’école? Que dire de tous ces agents de l’Etat qui attendent un salaire hypothétique? A-t-on pensé à tous nos militaires dont les vies sont broyées à l’Est où se déroule une « guerre » pour le minerai?

Que faire concrètement pour que les dirigeants à venir puissent avoir « l’Esprit des lois » que sublimait Montesquieu?

L’Etat doit investir dans l’éducation. C’est la condition fondamentale. Si la population congolaise avait connaissance de ses droits, je peux vous assurer que tout le monde serait déjà dans la rue depuis longtemps. On ne peut pas vivre en mangeant un jour sur deux. On ne peut pas vivre en étant incapable d’envoyer ses enfants à l’école. Pensez-vous qu’il y a des parents qui sont comblés de garder leurs enfants à la maison? Et pourtant, la Constitution proclame la gratuité de l’enseignement primaire à l’alinéa 5 de son article 43. L’homme congolais a été tellement tiré vers le bas qu’il n’a plus la capacité de se défendre. Lorsqu’on parle de « ville morte », c’est bien pour exercer des pressions sur le pouvoir. A-t-on pensé à ceux de nos concitoyens qui vivent au jour le jour? Je crois pouvoir dire que les Congolais n’attendent plus rien des pouvoirs publics. La population est déçue tant par la majorité que par l’opposition. Celle-ci n’avait-elle pas promis le changement pour le 19 décembre 2016? En dernière minute, les politiciens n’ont-ils pas fini par trouver un compromis entre eux?

Le gouvernement de Bruno Tshibala vient de franchir la borne symbolique de 100 premiers jours. Selon vous, y a-t-il eu un quelconque changement?

Rien! Sauf que le quotidien du nouveau Premier ministre s’est amélioré. Il achète des maisons, des appartements et des voitures. Bref, il a désormais une belle vie

Tshibala a acheté des maisons?

Bien sûr! C’est de notoriété publique. Il l’a dit lui-même.

Que devait-il faire en 100 jours?

Je peux vous dire qu’en l’espace de 100 jours, on ne peut rien attendre d’un gouvernement au vu de la situation actuelle de notre pays. Il y a une dévaluation de la monnaie nationale. Le dollar grimpe d’une manière vertigineuse. Quand j’ai quitté Kinshasa le 14 août, le billet vert s’échangeait contre 1.600 FC. D’autre part, la réserve de change à la Banque centrale est quasiment inexistante. Que peut-on espérer?

Il faut aller aux élections…

Même si on allait aux élections aujourd’hui, les mêmes individus qui ont pillé l’Etat vont tenter de reconquérir le pouvoir pour maintenir la population dans un état de « captif ».

Que faire?

La population doit adopter une attitude citoyenne

C’est-à-dire?

La Constitution congolaise confère aux Citoyens le droit de s’élever contre un régime d’oppression

 

Propos recueillis à Chantilly par Baudouin Amba Wetshi

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