Les engagements économiques du 2ème mandat du président Tshisekedi

Il ne sera pas aisé au gouvernement de trouver les moyens nécessaires pour financer « l’action économique » annoncée par le chef de l’Etat. A ce jour, le budget des voies et moyens de l’Etat dépend de la conjoncture extérieure qui échappe à tout contrôle du gouvernement. Notre principale partenaire à l’exportation à savoir la Chine, connaît déjà quelques difficultés économiques.

Gaston Mutamba Lukusa

Dans son discours d’investiture du 20 janvier 2024, le président Félix Antoine Tshisekedi, a dévoilé son action économique au cours des cinq prochaines années de son mandat. Les six axes stratégiques de son quinquennat sont : la création de l’emploi, la protection du pouvoir d’achat, la sécurité des populations, des biens et du territoire, la diversification de l’économie et le renforcement de l’efficacité des services publics. Dans son allocution, le chef de l’Etat a déclaré notamment que « ces engagements résument ma détermination à offrir des solutions pragmatiques par la force de la volonté et de la mobilisation des énergies de tous pour la création de plus d’emplois pour les jeunes à la sortie de la formation et pour les personnes en sous-emploi, la maîtrise du coût de la vie, et la garantie de la sécurité des citoyens où qu’ils vivent. À ces engagements s’ajoute l’épineuse question du désenclavement de nos territoires… » C’est une belle initiative dont il faudra déterminer les données qualitatives et quantitatives, trouver les financements et enfin établir un calendrier d’exécution et de suivi. Il faudra une grande volonté politique et un engagement de tous les jours du gouvernement pour faire face aux défis qui handicapent le redressement économique du pays, notamment la corruption et le détournement des deniers publics. Suivant la constitution, c’est le gouvernement qui conduit en fait la politique de la nation qui est définie en concertation avec le Président de la République.

Les racines du mal

L’économie congolaise est encore caractérisée par une malformation structurelle caractérisée notamment par l’existence à la fois d’un secteur structuré ou moderne et d’un secteur informel et/ou traditionnel important. Il y a aussi l’extraversion qui rend le pays dépendant de l’extérieur, le manque d’affermissement du secteur agricole, base de l’économie, ainsi que l’absence d’intégration intra et intersectorielle et par conséquent de toute l’économie dans son ensemble. Cette situation de fond envoie à la surface des convulsions conjoncturelles bien connues et désignées sous l’appellation de ruptures des équilibres économiques fondamentaux.

Son processus se déroule en quatre séquences: premièrement l’économie reposant sur l’exportation de quelques produits primaires, principalement miniers, avec comme corollaires la détérioration des termes de l’échange déséquilibre la balance des paiements, entraîne l’insuffisance des devises sur le marché interbancaire des changes ainsi que le développement de la spéculation et l’accélération de l’inflation. Deuxièmement, la trésorerie en devises du pays et les finances publiques étant dépendantes des recettes d’exportation, la dépression des marchés extérieurs engendre le déficit des finances publiques ainsi que la baisse de la contribution des secteurs exportateurs, principalement minier. En troisième lieu,  pour survivre, l’Etat est contraint de recourir au financement monétaire et s’arroge une part importante du crédit à l’économie au détriment des secteurs productifs qui contribuent à la croissance économique. Ce qui entraîne à son tour la dépréciation du taux de change et l’inflation. En quatrième et dernière séquence, les secteurs productifs ne peuvent plus maintenir leur niveau de production à la suite de l’augmentation des charges d’exploitation et face à une demande intérieure insolvable en raison de la réduction du pouvoir d’achat des ménages. Voilà comment survient régulièrement la rupture des équilibres économiques fondamentaux.

Sur le plan social et même politique, les problèmes sont exacerbés par d’autres facteurs comme dans toute l’Afrique subsaharienne: calamités naturelles (sécheresses, épidémies), rébellions, guerres civiles, instabilité politique, accroissement démographique d’une population essentiellement jeune, explosion des villes en raison de l’exode rural, pressions destructrices sur l’environnement, insuffisance des infrastructures sociales (santé, éducation, habitat) et de service : pauvreté, promiscuité, maladies endémiques, chômage et sous-emploi. En réaction, un grand effort d’ajustement doit être entrepris sur le plan économique et social par le gouvernement assisté par les différents concours extérieurs. Toutefois, le succès risque d’être limité si l’effort à fournir ne prend pas la forme d’une stratégie à long terme, cohérente, coordonnée et suivie étape par étape. Il est nécessaire que l’Etat s’assume et joue un rôle central dans ce processus. Le gouvernement doit procéder à la planification du développement ainsi qu’à l’élaboration des politiques appropriées et à leur mise en œuvre.

Comment se présentent les perspectives pour la RD Congo?

Il ne sera pas aisé au gouvernement de trouver les moyens nécessaires pour financer « l’action économique » annoncée par le chef de l’Etat le 20 janvier. A ce jour le budget des voies et moyens de l’Etat dépend de la conjoncture extérieure qui échappe à tout contrôle du gouvernement. Après trois années de croissance économique soutenue malgré la pandémie de COVID-19 et de la guerre en Ukraine, les prochaines années annoncent un environnement international peu prometteur. Suivant la Banque mondiale, l’an 2024 devra enregistrer la plus faible croissance du PIB sur une demi-décennie depuis 30 ans (Perspectives économiques mondiales) Le ralentissement de la croissance économique mondiale entraînera des répercussions négatives sur les exportations, le tourisme, l’aide publique au développement et les envois de fonds de la diaspora. Les cours de matières premières connaîtront une stagnation. Notre principale partenaire à l’exportation à savoir la Chine, connaît déjà quelques difficultés économiques. Si les cours de cuivre pourront demeurer relativement stables à 8.000 dollars la tonne et progresser à partir de fin 2024, ce n’est pas le cas du cobalt qui se négocie autour de 30.000 dollars la tonne venant de 95.000 dollars. Cette tendance pourrait se maintenir jusqu’en 2027 à cause d’une offre excédentaire. La baisse des cours des matières premières risque d’assombrir les perspectives à court terme. Il faut ajouter la guerre au Moyen-Orient, les inondations des mois de décembre 2023 et janvier 2024 dans certaines parties du pays ainsi que l’insécurité persistante.

Il faut toujours garder espoir

Tout le monde est d’accord que la RD Congo peut vite devenir une puissance économique régionale et un pays émergent si elle engage des réformes politiques et se dote d’un management efficace et efficient. Comme on le sait, c’est la mauvaise gouvernance qui est à la base de toutes les crises que le pays a connue depuis son indépendance en 1960. Elles n’ont pas permis d’améliorer les conditions de vie de la population. Les efforts doivent donc aller dans le renforcement de la gouvernance. Il s’agit de l’accès équitable à la justice, du respect des droits de l’homme et de l’efficacité des institutions. L’attention doit être portée sur un certain nombre de problèmes qui handicapent le développement. Il s’agit en premier lieu des infrastructures de base (électricité, distribution d’eau potable, chemins de fer, routes, ports) qui doivent être réhabilitées.

Concernant le chômage, ce sont avant tout les entreprises privées qui créent des emplois et des richesses. Il existe dans tout pays moderne des droits et des obligations des opérateurs économiques. Le partenariat avec l’Etat est basé sur une interdépendance obligée: les entreprises ont besoin de l’Etat qui tient le levier de tout pour assurer notamment un environnement économique et social stable, durable sécurisant et incitatif. Tandis qu’un Etat sans opérateurs économiques est inconcevable. De même, les opérateurs économiques ne peuvent pas prospérer sans travailleurs ni populations, c’est-à-dire, sans force de travail ni marché. L’Etat doit donc améliorer le climat des affaires pour que les entreprises puissent prospérer et leur permettre d’avoir accès aux crédits bancaires pour financer leurs activités. Cela suppose un système bancaire performant. Ce qui n’est pas encore le cas.

Dans le même ordre d’idée, il est inconcevable que le Guichet unique de création d’entreprise ait fermé ses portes pendant près de trois mois, empêchant tout enregistrement des actes de société à la suite du manque des frais de fonctionnement et de l’incendie de son serveur informatique. La petite et moyenne entreprise revêt aussi une importance primordiale. La PME peut contribuer significativement à la création des richesses, à l’amélioration des recettes fiscales et à la résorption du chômage. Les entrepreneurs ne se décrètent pas. Ils y arrivent à la force du poignet quand les conditions le permettent.

L’agriculture est un autre axe important de développement et de création d’emplois agricoles.  L’agriculture nationale tarde à être aidée et protégée contre les produits subventionnés en provenance des pays industrialisés. Les denrées d’importation contribuent à la désorganisation du secteur agricole. Il en est de même des aides alimentaires!

Gaston Mutamba Lukusa

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
100 %