Les relations entre le FMI et la RD Congo ont souvent été difficiles

Mauvais climat des affaires, dérapages budgétaires, manque de transparence dans la gestion des ressources nationales, non respect des critères de performances, cessation des remboursements dus au FMI en sont (notamment) les causes.

Gaston Mutamba Lukusa

Les programmes d’ajustement du FMI (Fonds monétaire international) ont eu le mérite de conduire le pays vers l’effacement d’une grande partie de la dette extérieure avec l’atteinte du point d’achèvement de l’Initiative PPTE (Pays pauvre très endetté). Si les programmes ont réussi, dans certains cas, à stabiliser le cadre macroéconomique, ils ne sont pas pour autant parvenus à créer des emplois et à améliorer les conditions de vie de la population. Mais cela ne fut le cas à cause de la mauvaise gouvernance et du climat malsain des affaires. Pour que ces programmes connaissent un succès durable, il est nécessaire que le FMI s’implique aussi davantage dans l’amélioration de la gouvernance. Ce qui va au-delà de ses missions. L’économie du pays a régressé depuis les années 1960 non pas parce que les programmes du FMI sont mauvais. C’est plutôt parce que les réformes préconisées n’ont jamais été appliquées intégralement.

Le premier accord fut signé au lendemain de l’indépendance du Congo

Le Congo a signé son premier accord avec le FMI en novembre 1963. Le pays était alors confronté à des crises politiques et à des troubles. Le franc congolais connut une dévaluation. Des mesures de stabilisation furent mises en place. Le but était de transférer les ressources nationales des circuits spéculatifs à l’Etat (par l’impôt) et aux secteurs productifs (par le mouvement des prix). Elle avait également visé le rétablissement de l’équilibre entre les différents prix et revenus. Le 24 juin 1967, sous le régime du président Mobutu, est créé le zaïre-monnaie en remplacement du franc congolais. Cette réforme s’inscrivit dans un vaste plan de stabilisation. La réforme de 1967 s’est donnée comme mission principale de corriger le financement monétaire des dépenses publiques, la régression de la production et des revenus, la hausse des prix et le déséquilibre de la balance des paiements. Le taux officiel du zaïre par rapport au dollar américain fut de 1 zaïre pour 2 dollars américains. Après la zaïrianisation de 1973 et la guerre du Kippour qui se traduit par le quadruplement des prix du pétrole, le pays connaît une crise. Le 22 mars 1976, un accord de confirmation est signé avec le FMI pour une durée d’une année. Le montant des crédits alloués par le FMI est de 40,96 millions de DTS (droits de tirage spéciaux). Le programme avait pour objectifs de corriger les déséquilibres de la balance des paiements, de réduire les arriérés de paiements extérieurs et de stabiliser les prix intérieurs. Les autorités monétaires décident, le 12 mars 1976, de rattacher le zaïre-monnaie au DTS en vue de réduire l’ampleur des fluctuations du taux de change effectif de la monnaie. Il est en outre décidé une dévaluation de 42,1%. Ce programme qui devait s’étendre jusque mars 1979 a été suspendu dès la première année de son exécution à la suite du non-respect des critères de performances.

Le 25 avril 1977, un nouvel accord de confirmation est signé pour un montant de 45 millions de DTS. Le programme de 1977 visait à la fois à contenir le déficit prévisionnel de la balance des paiements et à réduire le taux d’inflation en assurant la reprise de l’activité économique et un approvisionnement suffisant en biens importés. Le programme fut interrompu peu après pour non-respect des critères de performances. La crise économique persistant, le 27 août 1979 un autre accord de confirmation de 118 millions de DTS fut signé pour une durée allant jusqu’au 26 février 1981. Le 22 juin 1981, le pays accède au Mécanisme élargi du FMI. Ce programme qui va jusqu’au 21 juin 1983 est doté de 912 millions de DTS. Mais le programme est arrêté trois mois après par suite de l’échec de l’opération « démonétisation » des coupures de 5 et 10 zaïres et du dérapage des finances publiques. En juin 1980 il y a négociation d’un nouveau programme de stabilisation. Il sera conclu à partir de juillet et puis suspendu une année après avec la chute brusque des cours de cuivre, entraînant le non-respect des critères de performances. En septembre 1983 intervient une vaste réforme conduite par le Premier ministre Léon Kengo wa Dondo. La monnaie connut une dévaluation de 77,50%. Mais le programme fut arrêté en octobre 1986 sur décision du président Mobutu à cause de son austérité.

Après des négociations menées à Washington DC, un nouveau programme fut signé en mai 1987 sous la supervision du Premier ministre Evariste Mabi Mulumba. Le nouvel accord tient compte des faiblesses décelées dans l’exécution des précédents programmes. Mais il fut interrompu en février 1988 à cause d’importants dérapages budgétaires. Un nouveau programme est signé en avril 1989 après le retour à la primature de Léon Kengo wa Dondo. Il comprend un volet pour les secteurs sociaux, à savoir l’éducation et la santé. Ce programme est suivi conjointement par le FMI dans la partie stabilisation et financement ainsi que par la Banque mondiale dans le volet financement des secteurs sociaux. Le programme prend fin en décembre 1989 à la suite du non-respect des critères de performances. Il y a aussi un début d’accumulation des arriérés au titre des obligations financières vis-à-vis du FMI. Après l’arrivée de Lunda Bululu à la primature en mai 1990, il y a arrêt de la coopération structurelle avec le FMI à la suite de la cessation des remboursements dus au FMI. Le pays écope de la première sanction relative à l’irrecevabilité aux ressources générales du FMI. En décembre 1992, il y a une deuxième sanction infligée au pays, à savoir la Déclaration de non-coopération avec le FMI. En juin 1994, une troisième sanction est infligée au Zaïre à la suite de l’accumulation persistante des arriérés vis-à-vis du FMI. Il s’agit de la suspension des droits de vote et connexes.

Le président Joseph Kabila s’engage à libéraliser l’économie

Le président Mobutu est chassé du pouvoir en mai 1997 et remplacé par Laurent Désiré Kabila. Celui-ci ne veut rien entendre du FMI et des politiques économiques libérales. Il mourut en janvier 2001 et remplacé par son fils Joseph Kabila. Pour enrayer la dégradation économique, celui-ci mit en place, en accord avec le FMI et la Banque mondiale, le Programme intérimaire puis le Programme intérimaire renforcé (PIR) qui s’acheva avec succès en mars 2002. Le PIR est alors relayé par le Programme économique du gouvernement (PEG). Les politiques poursuivies eurent le mérite de stabiliser le taux de change et de réduire l’inflation.

Le PIR qui s’achève en mars 2002 est relayé, à partir du 1er avril 2002, par le Programme économique du gouvernement (PEG). Dans ce cadre, le FMI approuve, le 12 juin 2002, un prêt de 580 millions de DTS (soit 848,6 millions de dollars américains) au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC) sur une période allant du 12 juin 2002 au 11 juin 2005. Ce programme sert de référence au FMI et à la Banque mondiale pour les opérations de prêts concessionnels et pour l’allègement de la dette dans le cadre de l’Initiative PPTE.  Les quatre premières revues trimestrielles sont jugées concluantes par le FMI. Elles se traduisent par un total de déboursements de 527 millions de DTS (708 millions de dollars). Mais dès septembre 2004, la situation économique se caractérise par une forte dépréciation du franc congolais et par la reprise de l’inflation. Le gouvernement demande alors au FMI, qui accepte, de prolonger jusqu’en octobre 2005, la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FRPC). Le FMI décide alors de l’étendre jusqu’au 31 octobre 2005 au regard de mauvaises performances économiques. La prolongation de la durée de la FRPC devait être mise à profit pour conclure la cinquième revue du programme économique du gouvernement. Le 31 mars 2006, le FMI suspend la FRPC et le décaissement de la dernière tranche de crédit de 26,7 millions de DTS (38,9 millions de dollars) prévu après la sixième n’a pas été autorisé. Pour rentrer dans les bonnes grâces du FMI, la RD Congo devait, sur une période d’au moins six mois, exécuter un programme autonome et intérimaire destiné à prouver sa capacité à mettre en œuvre des réformes. C’est après évaluation des progrès accomplis qu’il pouvait être possible au pays de prétendre bénéficier des financements du FMI. Un Programme Relais de Consolidation qui couvre la période allant du 1er avril au 31 décembre 2006 non appuyé par les ressources du FMI fut conclu. Sa bonne exécution devait permettre de bénéficier de l’effacement de la dette dans le cadre de l’Initiative renforcée pour les pays pauvres très endettés (PPTE) et de l’Initiative d’allègement de la dette multilatérale (IADM) au cours du second semestre de 2007. Le gouvernement s’était engagé à améliorer la gestion des ressources publiques et à accroître la qualité ainsi que la composition des dépenses, à maîtriser la gestion de la masse salariale des fonctionnaires, à renforcer la transparence de ses opérations et à mettre en place des mesures visant à restructurer et à réformer les opérations de la Banque centrale.

Concernant les objectifs macro-économiques poursuivis, il a été retenu que le PIB réel pourrait s’accroître de 6,5% en 2006 avec un taux d’inflation de 10%. L’objectif des réserves internationales à atteindre en fin d’année fut fixé à 4 semaines d’importation des biens et services hors aides extérieures. Malheureusement, le programme se solda à nouveau par un échec. Peu après le Programme suivi par les services du FMI (PSSF) fut mis en place. Il avait pour objectif de rétablir la stabilité macroéconomique dans le cadre d’une croissance forte et durable. A partir de décembre 2007, sous le Premier ministre Antoine Gizenga, des discussions furent engagées avec les experts du FMI en vue d’un accord triennal au titre de la Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance (FPRC). Il était convenu à l’issue de ces discussions que le dossier de la RD Congo allait être présenté, en mars 2008, au Conseil d’administration du FMI. La reprise des relations avec le FMI devait se traduire, six mois après, par l’annulation de près de 90% de la dette extérieure de la RD Congo qui se chiffrait à environ 12 milliards de dollars américains. Mais en janvier 2008, le taux de change de la monnaie nationale face aux devises étrangères enregistra une dépréciation de plus de 10%. Par suite de ces dérapages, les experts du FMI en sont arrivés à la conclusion de différer jusqu’au mois de juin 2008 la présentation du dossier de la RD Congo au conseil d’administration du FMI. Des discussions sur un nouveau programme se poursuivirent en avril 2008 à Washington DC.

Le 12 décembre 2009, sous le Premier ministre Adolphe Muzito, la RD Congo finit par conclure avec le FMI un programme formel dénommé « Programme Economique du Gouvernement II » (PEG II) appuyé par la « Facilité Elargie de Crédit ». Mais un problème survint après la signature par le gouvernement des projets dans les domaines des mines et des infrastructures avec un groupement d’entreprises chinoises. Le FMI s’inquiétait de la question de la soutenabilité de la dette extérieure. Plusieurs tractations liées à l’impact sur le niveau de la dette furent menées avec la Banque mondiale et le FMI. Un avenant fut signé réduisant les financements de 9 à 6 milliards de dollars. Après plusieurs tractations, le dossier fut présenté au conseil d’administration du FMI. Fin décembre 2009, le programme triennal appuyé par la Facilité pour la réduction de la dette et la Croissance fut conclu. La République Démocratique du Congo atteindra, le 1er juillet 2010, le Point d’achèvement de l’Initiative PPTE et de l’Initiative d’Allègement de la Dette Multilatérale (IADM). Cela s’est traduit par l’annulation de 10,8 milliards de dollars sur un stock nominal de 13,7 milliards de dollars. Ainsi, après l’allègement, le stock de la dette fut ramené à 2,9 milliards de dollars américains. Lors de la 4ème revue de la FEC en septembre 2011, les discussions ont achoppé sur la transparence dans la gouvernance des ressources nationales. Ce fut le cas de la vente de certains actifs de la Gécamines et de la SODIMICO. Le programme fut suspendu en novembre 2012, soit un mois avant son expiration.

Disposant d’importantes ressources générées par la hausse des cours des matières premières exportées, le gouvernement congolais dirigé par le Premier ministre Matata Ponyo ne s’empressa pas de négocier un nouveau programme. Il trouva là un moyen d’appliquer sa propre politique économique et d’éviter les ukases du FMI qui se contenta d’envoyer des missions d’assistance technique au vu des bonnes performances économiques et de la stabilisation du cadre macroéconomique. Par suite d’une crise économique grave, le gouvernement demanda, en début de 2016, l’aide du FMI. Une mission du FMI arriva à Kinshasa, le 1er juin 2016. La RD Congo attendait de cette mission l’obtention d’une « lettre de confort » pouvant faciliter l’aboutissement de la procédure permettant l’octroi des appuis budgétaires. La Banque mondiale et la BAD qui furent sollicitées refusèrent d’octroyer l’aide demandée. Parmi les raisons invoquées, il y avait la situation politique du moment et le manque de programme formel avec le FMI.

Félix Antoine Tshisekedi reprend langue avec le FMI

Les relatons avec le FMI se sont réchauffées en 2019 après les élections législatives et présidentielle de décembre 2018. A l’arrivée au pouvoir du président Félix-Antoine Tshisekedi, et pour aider le pays à se relever d’une grave crise multiforme, un Programme de référence fut conclu, le 16 décembre 2019, avec une Facilité de crédit rapide de 368 millions USD pour soutenir la balance des paiements. Ensuite en avril 2020 une autre Facilité de crédit rapide de 363 millions USD fut octroyée au titre d’appui budgétaire. Un programme de réforme accompagnait ces financements. Il fallait renforcer la stabilité macroéconomique, les réserves internationales et faire progresser les réformes structurelles clés visant à remédier à la mauvaise gouvernance, à un environnement des affaires difficile et à une pauvreté généralisée. Le FMI exigeait aussi du gouvernement la promulgation d’une nouvelle loi budgétaire plus réaliste, la publication des contrats miniers de la MIBA et de SOKIMO et enfin, la restructuration de la Banque centrale du Congo (BCC), laquelle passait, par la nomination des commissaires aux comptes, le renouvellement du conseil d’administration et la nomination des deux vice-gouverneurs, suivant la nouvelle loi en vigueur.

Le 15 juillet 2021, le conseil d’administration du FMI approuva l’accord triennal au titre de la facilité élargie de crédit (FEC). Elle porte sur un montant total de 1,066 milliards de DTS (Droits de tirage spéciaux), soit environ 1.52 milliard de dollars, dont l’évaluation des réformes et des politiques menées dans le cadre du programme s’effectuera au cours de 6 revues. Les 5 premières revues furent jugées concluantes.

Gaston Mutamba Lukusa

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