Quand « Roland » trahit les idéaux de Patrice E. Lumumba

Dans un communiqué publié le jeudi 25 octobre à Kinshasa, Roland Lumumba Okito, un des descendants du regretté Premier ministre Patrice-Emery Lumumba, s’est cru en droit de « désacraliser » ce patronyme en annonçant son ralliement au « Front commun pour le Congo » initié par « Joseph Kabila ». L’homme a décidé « en âme et conscience » de soutenir Emmanuel Ramazani Shadary, le « dauphin » désigné du Président hors mandat à l’élection présidentielle du 23 décembre prochain.

A l’appui de sa thèse, « Roland » semble s’embrouiller dans une dialectique d’un autre âge.

D’après lui, la nation congolaise ferait face au « danger de disparition ». Cette situation survient, selon lui, chaque fois que les « lumumbistes » sont aux affaires et « tentent de faire définitivement échec » non seulement au « néocolonialisme » mais surtout « à ses suppôts » qui se recrutent « au sein de la droite réactionnaire ». Ouf!

A en croire Roland Lumumba, le Congo-Kinshasa « traverse une crise d’autodétermination ». Chaque citoyen congolais devrait, de ce fait, « prendre ouvertement position face aux enjeux de l’heure ». L’objectif est « de sauver la nation du péril qui le guette ».

Aussi lance-t-il un « vibrant appel » aux « forces de gauche » à suivre son exemple en ralliant le « vaillant camarade, Joseph Kabila, qui n’a eu de cesse de lutter contre les forces du mal coalisées contre la nation ».

Cette sortie médiatique malhabile de ce fils Lumumba appelle quelques observations en dix points.

De un. A l’instar de tous les citoyens congolais, Roland jouit du droit à la liberté de pensée. Sauf que le patronyme qu’il porte devrait l’inciter à plus de retenue et de sens aigu de responsabilité. « Seul le silence est grand, tout le reste est faiblesse », a pu dire Alfred de Vigny.

De deux. C’est une véritable mystification de prétendre que le Congo-Kinshasa fait face à une « crise d’autodétermination ». Le pays traverse, en revanche, une « crise politique » qui s’illustre par la contestation du régime incarné par « Joseph Kabila ». Un régime tyrannique qui a confisqué la « souveraineté nationale ». C’est en septembre 2016 que les citoyens devaient se rendre aux urnes pour choisir leur nouveau Président. La passation du pouvoir devait intervenir le 19 décembre de cette même année…

De trois. Comment reconnait-on un « lumumbiste » et un « homme de gauche » dans ce Congo-Zaïre? Une idéologie ne se reconnait-elle pas par les valeurs qui lui servent de boussole? De janvier 2007 à avril 2012, le gouvernement congolais a été chapeauté successivement par des personnalités qui continuent à se réclamer non seulement du « lumumbisme » mais aussi du « nationalisme de gauche ». Le pays avait-il connu de l’embellie? Le bien commun, la justice, l’humanisme, la liberté, l’égalité, la solidarité et le progrès ne sont-ils pas des valeurs de gauche? Pourquoi le « lumumbisme » et le « nationalisme de gauche » tant claironnés peinent à se transformer en « idéologie de gouvernement »?

De quatre. Patrice Lumumba – qui n’a gouverné le tout premier gouvernement du jeune Etat indépendant que durant trois mois – était profondément attaché à l’unité nationale et à l’intégrité du territoire. Peut-on dire autant de « Joseph Kabila »?

De cinq. Le « Premier » Lumumba était nationaliste. Il ne s’agit pas de ce nationalisme qui rejette les autres peuples. Bien au contraire. L’homme était jaloux de l’indépendance nationale et refusait que le Congo puisse vivre dans la soumission par rapport à d’autres nations. Quid de « Joseph Kabila »?

De six. Patrice Lumumba se serait-il acoquiné de Mzee ou de « Joseph Kabila », deux purs produits de l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo), une trouvaille des chefs d’Etat de l’Ouganda et du Rwanda? Lumumba aurait-il accepté que le Congo soit réduit au rang de « wagon » tracté par une « locomotive » rwando-ougandaise?

De sept. On espère que Roland sait que les dix-huit années de « Kabila » à la tête du pays ont fragilisé l’unité nationale. L’intégrité du territoire, mêmement. Inutile de parler de la voix du « Grand Congo » qui n’est plus audible.

De huit. On espère également que « Roland » n’ignore pas que « Kabila » a été porté à bout de bras par le monde occidental, autrement dit les « néocolonialistes », lors de l’élection présidentielle de 2006.

De neuf. On espère enfin que « Roland » est à l’écoute de la « vox populi » qui considère que « Kabila » et Shadary, c’est du blanc bonnet, bonnet blanc. L’élection présidentielle du 23 décembre doit être l’occasion de tourner le chapitre.

De dix. Par ce choix opportuniste, Roland Lumumba Okito a pris la responsabilité de jeter l’opprobre sur sa famille. L’Histoire retiendra qu’il est le fils Lumumba qui aura trahi les idéaux chers à son illustre père…

 

Baudouin Amba Wetshi

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