Questions directes à Béatrice Teixeira

Informaticienne de formation, spécialiste en coaching technique à distance, Béatrice Teixeira est la sœur aînée de Lilia Bemba Teixeira, épouse de l’ancien vice-président de la RD Congo et sénateur Jean-Pierre Bemba Gombo. « Béatrice » réside depuis 1992 à la très touristique ville wallonne de Spa. Son domicile a été perquisitionné, jeudi 4 décembre, par une équipe de quatre agents de la police judiciaire belge. Et ce, suite à une réquisition du juge d’instruction Louvau de l’arrondissement de Bruxelles. Les investigateurs étaient à la recherche des biens appartenant à JP Bemba, détenu depuis bientôt sept mois à la Cour pénale internationale à La Haye. Dans un entretien avec Congoindependant.com, Béatrice Teixeira se dit révoltée par la « politisation » de l’affaire Bemba.

« Pourquoi s’acharne-t-on sur l’accusé Jean-Pierre Bemba alors qu’il continue à jouir de la présomption d’innocence? »

Comment s’est passé cette perquisition?

Il était 7h10, ce jeudi 4 décembre, lorsque j’ai entendu quelqu’un frapper à maintes reprises sur la porte d’entrée de ma maison tout en appuyant sur la sonnette. Ma chambre se trouve au premier étage. J’ai pu apercevoir trois hommes et une femme, tous en tenue civile. « Que voulez-vous? », ai-je demandé. « C’est la police! Descendez, nous sommes là pour effectuer une perquisition », criait l’un d’eux. Compte tenu de l’obscurité, un des policiers a dirigé la lueur de sa torche sur son brassard afin de me faire comprendre qu’il s’agissait bien de la police. Dès que j’ai ouvert la porte, le groupe s’est éparpillé dans mon habitation. Certains membres de l’équipe sont montés aux étages à pas de charge sans me fournir au préalable la moindre explication sur cette « visite ». « Vous ne bougez pas de là où vous êtes », m’a intimé l’un des agents commis manifestement pour me tenir à l’œil pendant que ses collègues accomplissaient le « travail » au salon, dans les chambres ainsi que dans mon bureau.

Ces policiers étaient-ils munis d’un mandat?

J’ai posé plusieurs fois la question sur cette perquisition sans que je reçoive un brin de réponse. Pendant ce temps, des membres de l’équipe s’affairaient dans mon bureau. Pour votre information, mon domicile me sert également de siège de ma société. Je fais du « coaching » technique à distance en matière informatique. J’assiste des techniciens à distance dans le cadre de réparation des ordinateurs. Les policiers se sont mis à scruter le contenu de mes ordinateurs. Je me demandais bien ce qu’ils recherchaient. Ce n’est qu’une vingtaine de minutes plus tard qu’il m’a été donné la possibilité de savoir que la perquisition a été requise par le juge d’instruction Louvau de l’arrondissement de Bruxelles. « Le juge nous a chargé de vérifier l’information selon laquelle vous possédez un bureau privé à cette adresse », me dit un des agents. « Quel est le souci? », ai-je rétorqué.

Que cherchaient-ils finalement?

C’est en jetant un coup d’œil sur le mandat de perquisition posé sur ma table que j’ai pu noter que j’étais renseignée comme étant la belle-sœur de JP Bemba. La police fédérale a obtenu mes coordonnées dans un ordinateur saisi à la résidence Bemba. Selon les policiers, ma sœur Lilia posséderait un bureau dans ma maison. J’ai subi un interrogatoire en règle. Pour l’essentiel, les enquêteurs voulaient savoir si j’ai eu à faire des transactions financières avec mon beau-frère. Ils voulaient savoir également si j’avais reçu des sommes d’argent de sa part ou de ma sœur Lilia. Toutes les questions tournaient autour des biens du couple Bemba. A savoir: les voitures, le yacht, les comptes en banque. Le comble c’est que j’ai été interrogée sur le titre de propriété de ma maison. Depuis quand l’ai-je achetée? A quel prix? Devant quel notaire? Quel est le nom de la banque qui m’avait consenti le prêt hypothécaire …Je leur ai dit de bien se renseigner sur l’identité de la personne chez qui ils devaient perquisitionner. C’est à ces mots qu’un des agents a téléphoné à sa « hiérarchie » pour avoir le cœur net. Réponse de son correspondant: « C’est bien à cette adresse que vous devez faire la perquisition. Il s’agit de la sœur de Mme Bemba ». L’agent de s’adresser à moi: « C’est bien chez vous que nous devons perquisitionner. Il semble que votre sœur possède un bureau privé ici ».

Votre sœur Lilia possèderait effectivement un bureau dans votre domicile?

C’est parfaitement faux!

Les policiers ont-ils emporté certains de vos effets personnels?

Ils ont emporté des documents. C’est le cas notamment de mon titre de propriété. C’est le cas également d’un document en langue portugaise dans lequel sont énumérés les biens de notre père au Portugal. Le plus surprenant c’est que les policiers ont emporté des extraits de compte de ma fille, âgée de 20 ans, qui étudie au Danemark. Portugal, argent, transfert, banque. Ce sont là les « mots clés » qui semblaient intéresser les policiers. Ils ont épluché les documents comptables de ma société ainsi que ceux de mon association qui s’occupe également de l’informatique. Je suis d’autant plus surprise que je n’ai jamais eu à m’occuper des intérêts financiers de Jean-Pierre Bemba. Apparemment, on me suspecte de servir de « prête-nom » à mon beau-frère ainsi qu’à ma sœur.

Quel sentiment éprouvez-vous après cette « intrusion » à votre domicile?

Dans un premier temps, je n’ai pas pu m’empêcher de sourire. Cette perquisition est tout simplement ridicule tant pour la police judiciaire que pour tous ceux qui tirent les ficelles en coulisses dans l’affaire Bemba. Pourquoi assiste-t-on à tant d’acharnement alors que Jean-Pierre Bemba continue juridiquement à bénéficier de la présomption d’innocence pour la simple raison qu’il n’est ni jugé ni condamné?

Qui, selon vous, tirerait les ficelles derrière cette affaire?

Qui d’autre sinon le procureur près la Cour pénale internationale?

Quel sentiment éprouvez-vous face au maintien en détention de Jean-Pierre Bemba pendant que l’ancien président Ange-Felix Patassé – son co-accusé dans la plainte déposée à la CPI par l’Etat centrafricain – et d’autres hommes politiques centrafricains participent actuellement à une conférence nationale à Bangui en vue d’amorcer la réconciliation via une solution politique?

C’est un sentiment d’injustice et de révolte. On se trouve face à une justice internationale à deux vitesses autant qu’à une politisation à outrance de l’affaire Bemba. C’est trop facile d’imputer tous les « péchés » à un seul homme en laissant sous silence les raisons ayant amené le président du Mouvement de libération du Congo a envoyé un contingent de ses troupes en République Centrafricaine. J’ai fait beaucoup de recherche sur ce sujet. Je sais que Jean-Pierre répondait à un appel à l’aide lui envoyé par le président Ange-Félix Patassé qui faisait face à un mouvement insurrectionnel. Je suis surprise de voir la police judiciaire perquisitionner mon domicile sous le fallacieux prétexte que ma sœur y aurait un bureau. Mon habitation se trouve juste en face de la maison communale à Spa. Au lieu de mener une opération policière ridiculement spectaculaire, n’aurait-il pas fallu confier cette mission à la police locale? Peut-on passer inaperçu à Spa?

Quelle conclusion tirez-vous de l’épisode que vous venez de vivre?

J’ai plus que jamais la conviction qu’il y a des enjeux politiques derrière l’arrestation de Jean-Pierre Bemba. A mon humble avis, les autorités de Kinshasa cherchent à « neutraliser » le président du MLC.

Devrait-on conclure que les autorités auxquelles vous faites allusion auraient ainsi des bras tellement longs au point de donner des injonctions à la police fédérale belge?

La police fédérale belge fait son travail de collaboration avec la justice internationale. Elle ne fait que vérifier les informations qui lui sont communiquées par le Bureau du procureur près la CPI.

Avez-vous saisi les autorités compétentes belges pour dire tout le mal que vous pensez de cette visite domiciliaire?

J’ai consulté un avocat qui m’a rassuré sur la légalité de cette opération policière. Je jouis cependant du droit citoyen d’émettre une « protestation écrite ».

 

Propos recueillis par Baudouin Amba Wetshi

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