RDC: bataille de titans pour le pétrole à l’est du pays

La présidence congolaise a offert aux Italiens d’ENI d’anciens blocs accordés par Kabila au sulfureux Dan Gertler. Problème: ils sont aussi convoités par Total.

Selon la lettre britannique African Energy, la présidence congolaise aurait proposé au CEO de la multinationale italienne ENI, Claudio Descalzi, qui a rencontré le chef de l’Etat le 14 septembre dernier, de reprendre les blocs pétroliers 1 et 2 du Graben Albertine de la société Oil of Congo de Dan Gertler, actuellement sous sanctions américaines, situés à la frontière avec l’Ouganda.

A l’origine, la société italienne avait exprimé le vœu d’obtenir un ou plusieurs blocs dans le bassin de la Cuvette, suite à la découverte, dans la même région géologique, de l’autre côté du fleuve, au Congo-Brazzaville, par deux autres sociétés d’un gisement dont les réserves, estimées à 360 millions de barils, permettraient de quadrupler pendant un an, la production nationale.

Mais en définitive, Kinshasa a donc fait cette offre des deux blocs de l’Albertine qui intéresse aussi les Italiens. Jusqu’à présent, ils étaient détenus par la société Oil of DRC, filiale du Groupe Fleurette, appartenant au sulfureux homme d’affaires israélien, proche de l’ex-président Joseph Kabila, Dan Gertler. Mais dans la mesure où toutes les sociétés de la galaxie Gertler, sont sous sanctions américaines depuis 2017, en raison de soupçons de contrats miniers et pétroliers opaques et entachés de corruption, le développement des projets était bloqué. D’où la volonté de Kinshasa de trouver un partenaire plus présentable pour exploiter des ressources qui, à en croire, Oil of DRC, s’éleverait à 3 milliards de barils.

L’ironie des faits est toutefois que la multinationale Total, elle-même détentrice avec deux sociétés sud-africaines bien en cours auprès de Joseph Kabila, Dig Oil et Efora Energy, du bloc 3 du Graben Albertine, convoite également les deux blocs offerts à ENI qui doit encore donner son accord définitif.

Mais les activités d’ENI et de Total dans la région, leur valent bien des démêlés. Total est assignée en justice à Paris par les ONG Amis de la Terre et Survie qui lui reprochent d’aller forer, du côté ougandais de la frontière, dans le parc naturel des Murchison Falls, avec ses partenaires chinois CNOOC et irlandais Tullow Oil, et d’endommager ainsi l’habitat de 500 espèces d’animaux dont plusieurs sont menacées (lions, éléphants, hippopotames, girafes, phacochères). De surcroît, selon les ONG, les habitants de la zone subissent des intimidations, sont parfois expulsés ou compensés insuffisamment pour la perte de leur terre. Des enfants abandonnent l’école, leurs parents étant incapables de payer les minervals. Par ailleurs, les ONG redoutent le danger de pollution que représente la perspective de forages dans le lac Albert pour la faune et la flore locales ainsi que celui de ruiner les pêcheurs artisanaux.

ENI trimbale ses propres casseroles. La société italienne a admis fin septembre que son PDG Claudio Descalzi faisait l’objet d’une enquête pour conflits d’intérêts, liée aux opérations d’ENI au Congo Brazzaville. ENI Congo aurait recouru aux services de la société Petroservice, liée à l’épouse de Monsieur Descalzi, l’élégante Marie Magdalena Ingoba, d’origine congolaise. ENI fait aussi l’objet d’une enquête par le procureur de Milan pour des faits de corruption présumée au Congo-Brazzaville entre 2009 et 2015. Et Claudio Descalzi est assigné en justice au Nigeria pour une affaire de corruption présumée, liée à l’acquisition d’un champ pétrolier géant.

Quoi qu’il en soit, en contrepartie, comme au Congo-Brazzaville, en échange de l’accès à la manne pétrolière, ENI qui a construit une centrale au gaz de 300 MW à Pointe-Noire, pourrait investir dans l’électricité en RDC. Des discussions ont été ouvertes avec la société Katanga energy, filiale du groupe ACS, pressenti pour construire Inga 3 en consortium avec la Three Gorges Corporation chinoise et d’autres sociétés. Parmi les autres projets en discussion, il a été question de celui d’une ligne Inga-Cabinda-Pointe Noire, élaboré en commun par la RDC, l’Angola et le Congo-Brazzaville auquel pourrait participer l’ENI, voire d’une participation au projet Inga lui-même.

 

François Misser, in La Libre Afrique, 24.102019

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