Vous avez dit « Affaire Gisèle Mpela »?

Le Congo-Kinshasa serait-il devenu une « machine infernale » qui tire tout le monde vers le bas? La réponse est donnée tant par la piètre qualité de certains débats que des sujets qui battent le record en nombre de « vues » au niveau des réseaux sociaux. « Eyindi! », « Urgent! », « Pasteur X apupoli Y », « X crache des vérités sur Y » etc. Ce sont là les quelques « annonces » qui précèdent généralement les écrits et autres éléments audio-visuels postés dans les réseaux sociaux. Le plus consternant est le niveau d’éducation généralement élevé de ceux qui « partagent » ces documents décriés.

Ce pays vient de vivre une sorte de « semaine infernale » avec ce que d’aucuns appellent désormais « l’affaire Gisèle Mpela ». De quoi s’agit-il? On n’en sait pas grand-chose. Au commencement était une séquence vidéo commentée par une voix féminine. On entend notamment ce qui suit: « Nous sommes dans une situation catastrophique. Il y a Madame Denise Nyakeru, la première dame de la RDC, qui vient d’envoyer, par le canal de François Beya, conseiller principal (sic!) en matière de sécurité avec la complicité de M. Roland Kashwantale [DG de la direction générale de Migration, Ndlr]. Ils sont en train de mettre la vie de Gisèle Mpela en danger avec les enfants de Felix Tshisekedi ». (…), ils ont envoyé des gens maintenant pour matraquer les enfants de Felix Tshisekedi. (…), voilà les enfants de Felix Tshisekedi sont en danger. (…), aujourd’hui, il y aura des morts. Les enfants vont mourir aujourd’hui. C’est ce Denise Nyakeru a toujours cherché. Voilà, on verra bien ce qui va se passer aujourd’hui ».

Les juristes aiment dire aux « profanes » qu’il ne suffit pas d’être titulaire d’un droit. Faudrait-il encore le prouver. S’il est vrai que la vidéo précitée montre bien des policiers à l’entrée d’une habitation, la dame qui se dissimule derrière la « voix off » n’apporte aucun début de preuve de ses allégations. La vie de la dame Gisèle Mpela n’a jamais été en danger. La vie des « enfants de Felix », mêmement. Les enfants n’ont subi aucune violence. Les accusations articulées tant à l’encontre de la Première dame que de certains responsables ne sont nullement étayées. Il n’y a pas eu de morts. Une chose paraît sûre: cette vidéo a ému certains « faibles d’esprit ». Les manipulateurs ont sauté sur l’occasion. Ne faudrait-il pas décourager ce genre d’initiative en poursuivant la dame qui parle en « voix off » pour « propagation de fausses rumeurs »?

Au moment où, ces lignes sont écrites, une vidéo publiée lundi 27 septembre dans l’émission « Masolo na député » montre Gisèle Mpela et ses enfants sur le point de prendre un vol à l’aéroport de Ndjili. En toute dignité.

Comme il fallait s’y attendre, cette « affaire » a apporté du grain à moudre aux contempteurs de Felix Tshisekedi. C’est de bonne guerre! Ceux-ci accusent le chef de l’Etat « d’être incapable de gérer sa vie privée ». « Comment pourra-t-il, dès lors, administrer le pays? », fulminait un activiste politique. Un autre de renchérir: « Je demande à Felix Tshisekedi de démissionner ». Une juriste, démissionnaire de l’Union sacrée, n’a pas manqué de surprendre en affirmant, dans un bel exemple de mauvaise foi, que « le Président de la République n’a pas de vie privée ». Intervenant lundi 27 septembre sur le média « Halte à la Balkanisation », le PPRD Papy Tamba a eu ces mots: « Pour nous, on nous donne de la matière ».

Dans le traitement de cette pseudo-affaire, les médias congolais, dans leur grande majorité, ont failli. La recherche de la vérité – qui est la première règle en matière de déontologie – a été foulée aux pieds. Le sensationnalisme et le populisme ont été privilégiés. Dans son ouvrage « Ethique de l’information », publié aux éditions « PUF » en 1997, Daniel Cornu écrit: « Pour qu’elle soit bonne, la presse doit en outre faire place à l’exigence de vérité, des informations exactes, vérifiées, présentées de façon équitable, des opinions exposées avec honnêteté et sans préjugés, des récits journalistiques véridiques et soucieux d’authenticité ».

Il est symptomatique de constater que la grande majorité des médias congolais s’est attardée sur un prétendu mauvais traitement infligé à une mère et ses enfants. Et ce, sans apporter le moindre début de preuve. Personne ne s’est soucié de poser la question fondamentale: comment en est-on arrivé là? En français facile, on dira: quels sont les faits reprochés à Gisèle Mpela? Nous n’allons pas relayer les rumeurs. Encore moins les supputations et autres spéculations.

Autre question fondamentale: le chef de l’Etat congolais a-t-il droit à une vie privée? L’article 31 de la Constitution congolaise répond par l’affirmative: « Toute personne a droit au respect de sa vie privée » (…). C’est quoi donc la vie privée? Elle n’est rien d’autre que ce qui touche à l’intimité de la personne. Les Congolais ont parfaitement le droit d’exiger du premier magistrat de leur pays de prêcher par l’exemplarité. N’est-il pas considéré comme le garant de l’ordre moral?

Force est de relever que la vie privée de « Felix » n’a jamais été mise en cause hormis l’exposition de « Gisèle » sous les projecteurs kinois. Il faut néanmoins refuser de regarder pour ne pas voir qu’un certain « entourage présidentiel » est en passe de devenir « toxique ». Cet entourage ne cesse de multiplier des maladresses. Des maladresses qui ont fini par redonner de l’oxygène aux « kabilistes » qui rasaient encore les murs récemment. Questions finales: le chef de la Maison civile du chef de l’Etat devait-il franchement se fendre d’un communiqué insipide qui a élevé un fait divers au rang d’affaire politique? Devait-on recourir à la force publique pour résoudre un différend privé?

 

Baudouin Amba Wetshi

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