Affaire Salebongo: Et voici la Cour de Cassation!

L’affaire qui oppose Parfait Salebongo Ebwadu, médecin interniste, à son ancien employeur les Hôpitaux Iris-Sud (HIS) n’est plus à présenter. Si on devait caricaturer, c’est un peu l’histoire à rebondissements où le « chasseur » est transformé en « gibier ». Jeudi 25 janvier, la Chambre des saisies du tribunal de première instance de Bruxelles a décidé de renvoyer cet épineux dossier devant la Cour de Cassation. Et ce suite à la procédure en « suspicion légitime » que le médecin a introduite contre les arrondissements judiciaires de Bruxelles et de Liège. Ceux-ci sont suspectés de partialité. L’enjeu: la vente publique entachée d’illégalité de la maison du Belgo-Congolais par un notaire bruxellois. Un bien immobilier qui appartient encore à la banque prêteuse.

L’appareil judiciaire belge serait-il infiltré par un réseau maffieux regroupant des magistrats, des notaires et des auxiliaires de justice (huissiers, greffiers et avocats)? C’est la question qui tourmentent les esprits dans certains milieux congolais de Belgique.

Les Zaïro-Congolais sont venus nombreux, jeudi à 8h30, afin d’assister à l’audience de la Chambre des saisies de la juridiction précitée. Les attentats terroristes qui menacent encore l’Europe occidentale en général et la Belgique en particulier ont transformé le Palais de justice de Bruxelles et ses annexes en forteresse. Avant de passer sous le portique de sécurité, chaque usager doit montrer « patte blanche » en déposant tous les objets métalliques y compris la ceinture dans un panier devant subir l’épreuve du scanner. Fort heureusement, il n’est pas demandé aux visiteurs de se déchausser comme à l’ambassade américaine…

Commencée aux environs de 9h12, l’audience relative au dossier Salebongo a duré moins d’une dizaine de minutes. L’affaire a été aussitôt renvoyée devant la Cour de Cassation de Belgique. En cause, le justiciable Salebongo Ebwadu suspecte les magistrats des juridictions de premier et du second degré ayant connu jusqu’ici cette cause de partialité.

« JUGE ET PARTIE »

Le porte-parole d’AMVi lisant une déclaration

Porte-parole de l’AMVi (Association mondiale des victimes de l’injustice), une jeune organisation du monde associatif qui entend vulgariser des cas d’injustice afin d’interpeller notamment les décideurs politiques, Jean-Jacques Beyne a lu une déclaration. Celui-ci a commencé par faire remarquer que ce groupement « considère que la justice bruxelloise est devenue juge et partie ce qui ne lui permet plus de rendre une justice impartiale ».

Selon lui, l’AMVi « apprécie à juste titre la procédure en dessaisissement pour cause de suspicion légitime que le docteur Salebongo vient de soumettre à la Cour de cassation de Belgique ». L’objectif, a-t-il précisé est de dessaisir les magistrats des Cours et tribunaux des arrondissements de Bruxelles et de Liège « qui traitent actuellement ou qui traiteraient à l’avenir cette cause ».

Plusieurs Congolais d’origine étaient venus soutenir « Parfait » dans son combat contre cet adversaire redoutable aux ramifications dignes d’une « association de malfaiteurs ». Certains d’entre eux voient, à travers l’affaire Salebongo, la célèbre histoire de la maison du voisin qui brûle. Nombreux sont des Belgo-Congolais qui ont acquis des biens immobiliers grâce à des crédits hypothécaires. Ce qui est une preuve majeure d’intégration.

Activiste de la société civile, Bibiane Mokeni Sanato témoigne qu’elle a été victime d’une situation analogue. « J’ai suivi avec beaucoup d’attention le cas de docteur Salebongo, lance-t-elle. Cette situation n’est malheureusement pas la première ». Citant l’avocat belge Roger Luyckx, la Belgo-Congolais de glisser: « la justice n’est plus la solution mais une partie du problème ». Pour elle, il y a urgence que le ministre belge de la Justice se penche sur les dysfonctionnements qui affectent l’appareil judiciaire. « L’objectif est de protéger les citoyens et la démocratie ».

SOULAGEMENT

Membre du conseil communal de Jette, Jacob Kamuanga est également membre de l’AMVi. Il est venu soutenir « Parfait ». « J’ai parcouru tous les éléments de ce dossier, dit-il. J’ai relevé beaucoup irrégularités qui ont été commises. Voilà pourquoi, je suis venu soutenir docteur Salebongo qui est également membre de notre association pour que justice soit faite ». Emboîtant le pas au porte-parole de cette association, Kamuanga de souligner qu’il y a effectivement un « conflit d’intérêt ». Pour lui, il est tout à fait juste que la Cour de cassation se saisisse de ce dossier afin qu’elle désigne une autre juridiction à même d’examiner ce dossier « de manière objective ». « En tant qu’élu, je tiens à ce que le droit soit dit de manière juste. Jusqu’ici cela n’a pas été le cas ».

Fille d’un ancien diplomate, Régine Modabi a pris une demi-journée de congé pour être présente à l’audience du tribunal des saisies. « Je suis venue apporter mon soutien à un compatriote, dit-elle. Certes, nous vivons en Belgique depuis plusieurs années et avons acquis la nationalité belge. J’ai été particulièrement sensible après lecture des informations parues sur cette affaire. A ma connaissance, ce n’est pas le premier cas. Il me semble que nous devons faire du bruit. On entend dire qu’il y a énormément des situations de ce genre ». Pour « Régine », les victimes de ce genre de traitement devraient accepter de se battre jusqu’au bout en épuisant toutes les voies de droit. « Je suis ravie d’apprendre l’existence de l’AMVi », conclut-elle.

Le dernier mot revient au premier concerné en l’occurrence Parfait Salebongo. Le médecin avait des raisons d’éprouver une certaine satisfaction. Un soulagement. Bien que ne détenant aucun droit de créance sur lui, la partie adverse espérait une décision en sa faveur pour le faire déguerpir le « toubib » de cet immeuble qui sert d’habitation familiale et de cabinet médical.

UNE CORPORATION QUASI-MAFIEUSE

Dr Salebongo au tribunal

L’absence de la banque prêteuse du crédit hypothécaire ou son avocat a été fortement remarquée. Il en est de même de celle du notaire chargé de procéder à la « vente publique forcée ». « Ni la banque ni le notaire n’étaient présents à l’audience », s’étonne Salebongo. Et d’ajouter aussitôt: « Je n’ai pas d’explication alors qu’ils ont été convoqués en bonne et due forme depuis plus d’un mois ».

Le médecin se dit serein. Au motif que « le dossier est non seulement vide mais surtout met à nu la justice injuste de la Belgique ». Il espère que le public sera présent lors de l’audience devant cette juridiction suprême afin de constater la partialité de la justice en Belgique. Ce dossier judiciaire déteindrait-il sur ses activités professionnelles? « Absolument! Il faut être fort moralement et financièrement. C’est très dur de tenir le coup étant donné que mon assureur rechigne à prendre en charge mes frais judiciaires alors que je suis en règle ». « Parfait » se dit décidé, en cas de nécessité, de saisir les instances judiciaires européennes. Pour lui, son cas n’est pas unique en son genre. « Je demande aux personnes confrontées à des problèmes de spoliation de s’exprimer afin qu’on mette fin à ces pratiques mafieuses », conclut-il.

On rappelle que l’affaire Salebongo a pour point départ la rupture abusive du contrat de collaboration qui le liait avec les Hôpitaux Iris Sud (HIS). Après avoir constaté des irrégularités, il avait décidé de saisir le tribunal de première instance de Bruxelles. C’était en 2012. Du « chasseur », le demandeur s’est mué en « gibier ». Un gibier pourchassé une corporation quasi-mafieuse réunissant des magistrats et des auxiliaires de justice…

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018


> La déclaration du porte-parole d'AMVi

> Interview du Docteur Salebongo

Happy
Happy
0 %
Sad
Sad
0 %
Excited
Excited
0 %
Sleepy
Sleepy
0 %
Angry
Angry
0 %
Surprise
Surprise
0 %