Le « Félix nouveau » est-il arrivé?

Le tout premier « discours sur l’état de la nation » prononcé, vendredi 13 décembre, par le président Felix Tshisekedi Tshilombo est au centre de toutes les conversations. Chacun y va de son commentaire. Rien de plus légitime.

Sur la forme, le successeur de « Joseph Kabila » avait une très bonne élocution. On peut dire autant de son débit. Une prestance indéniable. Hélas, Le locuteur est apparu un brin « verbeux ». L’exercice a duré 2 heures 34 minutes chrono. Sous d’autres cieux, une telle allocution est « expédiée » en une demi-heure.

Structuré dans sa première partie, le texte est devenu, au fil de la lecture, fastidieux au point que les sujets déjà abordés revenaient sans cesse. C’est le cas notamment de la diplomatie ou des projets en cours au niveau des infrastructures. Certains « congressistes » commençaient d’ailleurs à somnoler. Président du Sénat, Alexis Thambwe ne dira pas le contraire.

On espère que les « scribes » de la Présidence auront retenu la leçon. Et qu’à l’avenir, il y aura moins de « bla-bla » dans les speechs du chef de l’Etat.  

S’agissant du fond, « Fatshi » a abordé plusieurs sujets qui intéressent l’opinion congolaise. On peut citer notamment: la sécurité des personnes et des biens, la situation économique et sociale, la diplomatie, l’administration du territoire, la lutte contre la corruption et la fraude fiscale, l’environnement des affaires. Sans omettre, l’intangibilité des articles verrouillés de la Constitution, la double nationalité.

Le chef de l’Etat congolais est apparu moins clivant. Il avait adopté la posture d’un rassembleur décidé à mobiliser les énergies créatrices. Stratégie politique?

Devant les deux chambres du Parlement réunies en Congrès, l’orateur du jour a donné l’impression qu’il n’avait plus rien à voir avec celui qui avait qualifié ses anciens camarades de lutte – devenus ses principaux « contempteurs » – de « Ndoki ». Traduction: sorcier ou envoûteur. « Biso tokanisaki que baza bandeko. Nzokande baza ba ndoki », déclarait-il sans sourciller. C’était le 11 novembre dernier devant des Congolais de la diaspora réunis dans une salle à Paris.

Ces propos avaient fait sourire des « fanatiques » tout en faisant bondir ceux des Congolais qui tiennent à la concorde et à la cohésion nationale.

Un chef de l’Etat ne s’appartient pas. Représentant de la nation toute entière, il ne peut être le chef d’une faction ou l’homme d’un « clan ». On attend du premier magistrat du pays de la « hauteur ». Arbitre suprême, il doit se mettre au-dessus de la mêlée. 

Vendredi 13 décembre, Fatshi a dit: « Je salue mes frères de l’opposition ». Et d’ajouter: « ce n’est pas le moment de montrer nos clivages », « le temps est à la cohésion ». Est-ce l’amorce d’une main tendue en direction des anciens camarades?

D’aucuns pourraient douter de la sincérité. D’autres diront que « Felix » qui aime citer des textes de l’Evangile a dû parcourir Mathieu 5.44 : « Aimez vos ennemis et priez pour ceux qui vous persécutent ».

Plus sérieusement, personne n’ignore les conditions chaotiques dans lesquelles Felix Tshisekedi Tshilombo a accédé à la tête du pays. Candidat malheureux à l’élection présidentielle, Martin Fayulu Madidi continue à clamer qu’il est le « Président élu ». Selon lui, Felix ne serait qu’un « Président de fait ». Cette querelle dure depuis bientôt onze mois au point de fracturer la société congolaise en deux camps antagonistes.   

Chacun a le droit d’aimer ou de ne pas aimer le président Felix Tshisekedi. Une évidence semble s’imposer d’elle-même: il est celui qui exerce l’effectivité du pouvoir – apparent? – dans l’espace territorial appelé Congo-Kinshasa. Jusqu’à preuve du contraire, il est le principal interlocuteur de la « communauté internationale ». 

Après ce constat, il importe de rester lucide pour remarquer que la grande majorité des Congolais ont en abomination  le « deal » passé entre la coalition « Cap pour le Changement » du duo Tshisekedi-Kamerhe et la mouvance kabiliste dite « Front commun pour le Congo ». Au motif que cette alliance est une « force d’inertie » qui empêche l’avènement du renouveau. Bref, la « rupture » avec l’ordre ancien.

En onze mois d’exercice du pouvoir d’Etat, le président Fatshi peine à exercer la plénitude des prérogatives dévolues au Président de la République. Aucune réforme majeure n’est mise en route à ce jour. Pire, certains actes officiels du chef de l’Etat restent « sans effets ». Les nominations opérées au niveau des comités de gestion de la Gécamines et de la SNCC (Chemin de fer) en témoignent.

En onze mois d’exercice du pouvoir, le chef de l’Etat se voit affubler de surnoms peu flatteurs. Il lui est reproché une propension à promettre tout et rien. « Apesa promesses atala te », ironise-t-on dire en lingala.

Vendredi 13 décembre, Fatshi n’a pu s’empêcher de « tirer » une nouvelle « rafale » des promesses. Selon lui, « l’an 2020 sera l’année de l’action ». Rendez-vous est pris. Le « Félix nouveau », qui fait ce qu’il dit, est-il arrivé?

 

Baudouin Amba Wetshi

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