Les Congolais (à nouveau) à l’heure du choix

« Jamais un homme vraiment supérieur ne souhaitera le rétablissement du pouvoir arbitraire », a pu dire Madame de Staël.

Où va le Congo-Kinshasa?

Vingt-six années après la restauration du pluralisme politique, l’autoritarisme fait un retour en force. C’est connu, c’est la volonté des peuples qui fabrique les tyrans. C’est encore la volonté des peuples qui peut détruire les tyrans.

La population congolaise serait-elle un peuple naïf? L’homme congolais serait-il un individu sans mémoire, prêt à adorer aujourd’hui ce qu’il abhorrait hier?

Comment peut-on expliquer qu’un peuple qui avait rejeté bruyamment le système politique autoritaire et autocratique – tant lors des consultations populaires organisées de janvier à mars 1990, par Mobutu Sese Sese, qu’à l’occasion des travaux de la Conférence souveraine (1991-1992) -, semble aujourd’hui s’accommoder d’un pouvoir tout aussi despotique?

Dans son édition n°2888 datée du 15 mai 2016, l’hebdomadaire « Jeune Afrique » rapporte que la Ligue des jeunes du parti kabiliste « PPRD », dont les méthodes n’ont rien à envier à celles d’une milice, s’apprêterait à « élire » son président. Le très sectaire Claude Mashala serait candidat au poste occupé jadis par Francis Kalombo. « Défendre le chef », c’est le programme de Mashala. En clair, celui-ci promet non pas un débat d’idées mais des coups de poing à « tous ceux qui s’attaquent à Joseph Kabila ». Inimaginable!

Serait-on revenu vingt-sept années en arrière à l’époque du parti-Etat?

Sorti du néant, inconnu de la grande majorité des Zaïro-Congolais jusqu’à la date du 17 mai 1997, « Joseph Kabila », un homme au passé énigmatique, qui aurait été traité en imposteur sous d’autres cieux, est quasiment « adoré » par une catégorie des Congolais en quête de poste et d’argent. « Pour soudoyer un Congolais, il suffit de lui donner un véhicule 4×4 et un peu d’argent », aime murmurer l’actuel locataire du Palais de la nation à ses proches.

Par vénalité, les Congolais avaient « fabriqué » hier un dictateur. Par cette même vénalité, ils sont devenus les complices d’un imposteur. Comment?

Il y a d’abord ce haut magistrat du Parquet général de la République – qui se reconnaîtra – lequel avait donné à « Joseph Kabila » une identité imaginaire en le présentant comme un « Congolais d’origine de père et de mère » tout en sachant que le sujet avait fait son service militaire dans une armée étrangère. L’armée tanzanienne. Ce haut magistrat avait compris le parti à tirer de ce « faux ». « Joseph Kabila est une mine d’or pour notre communauté », avait déclaré un notable du Katanga qui se reconnaîtra.

Il y a ensuite ce Grand Chef coutumier qui a prétendu que le successeur de Mzee était un « Mulubakat à 100% » lui octroyant le fief tribal ou ethnique qui lui manquait.

Il y a enfin cet ancien premier président de la Cour suprême de Justice, promu président de la Cour constitutionnelle, qui a pris un arrêt controversé qui « autorise » le président sortant « Joseph Kabila » à rester à la tête de l’Etat au-delà de l’expiration de son mandat si l’élection présidentielle n’avait pas lieu dans les délais constitutionnels. Le Premier ministre Augustin Matata Ponyo a demandé à l’Assemblée nationale de revoir à la baisse les prévisions budgétaires pour l’exercice en cours. L’histoire ne dit pas ce qui adviendra de l’enveloppe destinée aux consultations politiques.

Les Congolais sont fatigués. Ils en ont ras-le-bol des intrigues et des mensonges. Ils veulent le Changement non pas seulement des gouvernants mais de tout un système.

Ce n’est nullement un scoop de clamer que l’imposteur « Joseph Kabila » est décidé à s’accrocher au pouvoir. Il a désormais les moyens pour « confisquer » la souveraineté nationale. Les trois pouvoirs de l’Etat sont sous son contrôle. Il en est de même de la force publique et des services secrets. Il exerce un pouvoir sans contrôle.

« Joseph Kabila » n’hésitera pas à faire couler le sang des Congolais pour préserver ses intérêts ainsi que ceux de ses mentors. Les Congolais doivent choisir entre le courage et la lâcheté. Les Congolais doivent choisir entre la résignation pour protéger des intérêts particuliers et la résistance – voire l’affrontement – pour assurer l’avenir collectif et redonner au « Grand Congo » sa respectabilité d’antan.

 

Baudouin Amba Wetshi

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