Nationalité: le PGR ouvre une information judiciaire contre Moïse Katumbi

La nouvelle a été donnée, mardi 27 mars, par « Actualités.CD » et Radio Okapi. Le procureur général de la République (PGR) a décidé d’ouvrir une information judiciaire à l’encontre de l’ancien gouverneur du Katanga. La qualification des faits est gravissime: « faux et usage de faux ». Il est reproché à Moïse Katumbi, « de nationalité italienne », d’avoir usé de « faux documents » pour se faire élire député avant de décrocher le poste de gouverneur. Il lui est reproché également d’avoir tenté d’obtenir la carte d’électeur au Congo-Kinshasa. Des observateurs s’interrogeaient, mardi, sur la célérité avec laquelle le PGR s’est saisi de ce « dossier ». Au-delà de l’apparence judiciaire, cette affaire dégage l’odeur d’une cabale politicienne. But: disqualifier un adversaire. « Joseph Kabila » et ses affidés ont « privatisé » l’Etat.

« L’Etat, pour être respecté, doit représenter l’intérêt général. En aucune façon, il ne doit être le bien personnel d’un clan, d’une coalition d’intérêts ou d’une formation politique », écrivaient deux juristes français de renom. Il s’agit de Michel et Jean-Louis Debré dans leur vieil mais toujours intéressant ouvrage intitulé: « Le pouvoir politique ».

Dechade-Thérèse Kapangala

Le 31 décembre 2017, la marche pacifique organisée par le Comité laïc de coordination (CLC) a été violemment réprimée. Plusieurs manifestants sont « restés sur les carreaux ». Les manifestations identiques organisées le 21 janvier et le 25 février ont connu le même dénouement sanglant. A Kinshasa, le sang de Dechade-Thérèse Kapangala Mwanza et de Rossy Mukendi Tshimanga réclame Justice. A Mbandaka, on pleure le jeune Eric Bolokoloko.

Saisis par les parents des victimes – c’est le cas notamment de la famille de Dechade-Thérèse Kapangala -, le PGR et l’Auditeur général de l’armée congolaise ont, jusqu’ici, « fait le mort ». Il est vrai qu’il n’y a pas de dividendes politiques à percevoir dans des crimes imputables à la force publique. Ce qui n’est pas le cas avec « l’affaire Katumbi ».

Tous les Congolais étant égaux devant la loi (article 12 de la Constitution), on espère que le plus haut magistrat du ministère public va étendre l’information judiciaire ouverte à tous les « suspects » se trouvant dans le cas sous examen. « Joseph Kabila » et les membres de sa fratrie, en tête. Provocation? Nullement!

Dans un communiqué daté du mardi 27 mars, le procureur général de la République, Flory Kabange Numbi, qui serait également « Pasteur », indique que l’ancien gouverneur du « Grand Katanga » fait l’objet de poursuites pour les faits en rapport avec « sa présumée nationalité italienne ».

Flory Kabange Numbi, PRG de la RDC

Le PGR ne s’explique pas « qu’un individu se sachant de nationalité italienne » ait pu se présenter à une représentation diplomatique congolaise en vue de se faire délivrer un passeport. Il ne s’explique pas non plus que le même individu ait pu solliciter l’obtention de la carte d’électeur auprès de la CENI (Commission électorale nationale indépendante). « Tout ce temps qu’il a passé à la tête de la province, il se prévalait des actes faux, de faux documents », précise le magistrat.

NATIONALITÉ CONGOLAISE D’ORIGINE

Dans un article publié dans son édition en ligne datée du 22 mars, l’hebdomadaire « Jeune Afrique » rapporte la « réponse » des services administratifs de la commune italienne de San Vito dei Normanni selon laquelle Moïse Katumbi d’Agnano « a acquis la nationalité italienne le 3 octobre 2000 » et l’a « perdue » le 13 janvier 2017.

Il importe d’ouvrir la parenthèse pour rappeler qu’après la prise du pouvoir par l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) le 17 mai 1997, plusieurs ex-Zaïrois, grands ou petits, avaient pris le chemin de l’exil. Les nouveaux maîtres du pays s’étaient empressés de faire invalider tous les passeports. La carte nationale d’identité dite « carte pour citoyen » avait subi le même sort. Les premiers retours au pays ont commencé au lendemain de l’installation du gouvernement de transition en juin 2003. Fermons la parenthèse.

Le PGR a, par ailleurs, demandé à la Cour suprême de justice de fixer le procès dans l’affaire des mercenaires étrangers dont Katumbi fait également objet des poursuites. L’affaire remonte au 4 mai 2016. Selon des sources bien informées, le ministre de la Justice Alexis Thambwe Mwamba, aurait assimilé les Occidentaux – près de 600 – de passage au Katanga, dont des agents de Tenke Fungurume Mining, à des mercenaires.

On rappelle que l’Afro-Américain Daryl Lewis, chargé de la sécurité rapprochée de « Moïse » a intenté un procès dans son pays contre Kalev Mutondo, le patron de l’ANR, pour « tortures ». D’autres proches de l’ancien gouverneur sont détenus sans jugement à la prison de Makala. Et ce depuis avril 2016.

L’article 10 de la Constitution congolaise stipule en son premier alinéa: « La nationalité congolaise est une et exclusive. Elle ne peut être détenue concurremment avec aucune autre ». L’article 72 énonce notamment que « nul ne peut être candidat à l’élection du Président de la République » s’il ne possède « la nationalité congolaise d’origine ».

QUEL EST LE PROBLÈME?

Moïse Katumbi Chapwe

Ancien membre de la majorité présidentielle, Moïse Katumbi Chapwe – présenté jadis comme étant « le meilleur élève de cette classe composée de gouverneurs de province » ou « le gouverneur qui a déjà exécuté la vision du chef de l’Etat » (voir Grands Lacs sept/octobre 2010) a rompu les bans en septembre 2015. Pire, il a commis le « crime de lèse-raïs » en annonçant sa candidature à l’élection présidentielle. Il faut dire que « Joseph Kabila » n’est plus éligible depuis le 19 décembre 2016. Reste que les Congolais devraient choisir le nouveau Président le 23 décembre prochain. Si tout va bien.

En cherchant des poux sur la tête de Katumbi « l’Italien », le PGR a peut-être engagé un pari risqué aux conséquences incalculables. Non seulement pour l’ancien gouverneur du Katanga mais aussi pour des personnalités de premier plan de l’oligarchie en place. C’est le cas non seulement des parlementaires mais aussi des membres du gouvernement et des magistrats. Et pourquoi pas le premier magistrat du pays qui s’accroche au pouvoir?

Depuis son accession à la tête de l’Etat congolais le 26 janvier 2001, « Joseph Kabila » demeure une énigme tant au niveau de ses origines que de son parcours. C’est le secret d’Etat le mieux gardé.

Lors de l’investiture du successeur de Mzee, on apprendra, à travers le procès-verbal lu par le PGR d’alors, Luhonge Kabinda Ngoy, que le nouveau Président est « Congolais d’origine, de père et de mère ». Et qu’il serait né à « Hewa Bora II », une localité introuvable dans la collectivité de Lulenge, dans le Territoire de Fizi, au Sud-Kivu. Question: Devrait-on parler de faux en écriture dans le chef de l’ex-PGR Luhonge?

Les Congolais ont dû attendre une dépêche de l’Agence France Presse datée du 16 décembre 2002 pour apprendre quelques détails sur le « CV » du nouveau chef de l’Etat. L’homme a fait une formation militaire à Mbeya, en Tanzanie.

Cette information sera confirmée par dame Sifa Mahanya dans une interview accordée au quotidien « Le Soir » daté du 2 juin 2006 soit un mois avant la tenue du premier tour de la présidentielle du 2006. « Après avoir terminé les études secondaires à Dar es Salaam et fait, comme tout le monde en Tanzanie, une année de service militaire, les jumeaux sont envoyés à l’Université de Makerere en Ouganda », déclarait celle qui est présentée comme étant la mère de « Joseph », Janet et Zoé.

Zoé, Janet et Joseph « Kabila »

Selon des bonnes sources, le service militaire n’est pas obligatoire « pour tout le monde » en Tanzanie. Ne peuvent suivre une formation militaire que les citoyens du pays. Question: « Joseph Kabila a-t-il effectué cette formation militaire en tant que Tanzanien ou Zaïrois d’alors? »

« ZAÏROIS D’ORIGINE » OU TANZANIEN?

Décidé à ancrer la citoyenneté congolaise de « Joseph » dans l’imaginaire populaire, une vaste campagne de propagande va être menée. Célestin Kabuya Lumuna publie en 2002 son ouvrage « Histoire du Congo – Les quatre premiers présidents », Editions Secco & Cedi. Se fondant sur des notes personnelles du « camarade » Bienvenu Mwilambwe, ancien secrétaire particulier de LD Kabila alors dans le maquis, Lumuna écrit: « 8/1/1979: nous sommes allés accompagner les enfants du camarade président à l’école française. (…) ». Les enfants dont question, précise-t-il, « étaient Jenny Kyungu Mtwale et Hyppolyte Kabange Mtwale ».

Lumuna note, par ailleurs, que « pour des raisons de clandestinité, Joseph Kabila s’est aussi appelé Kabange, Mtwale, Hyppolite ». Question: A partir de quelle date et en vertu de quel acte juridique « Joseph » a pu opter pour le patronyme de « Kabila »?

Pendant plusieurs années, le site Internet de la Présidence de la République (www.presidentrdc.cd) indiquait « page en construction » chaque fois que l’Internaute cliquait sur l’icône « Biographie ». Et ce jusqu’au moment où le porte-parole d’alors, Kudura Kasongo, publia le 28 février 2006 une « note biographique » truffée d’inexactitudes et des « vérités arrangées ». A titre d’exemple, la formation militaire à Mbeya est tout simplement éludée.

On espère que le PGR Flory Kabange Numbi fera montre du même zèle en ouvrant une information judiciaire sur certains « intouchables ». On doit s’attendre à des déballages. Il s’agit de donner des réponses à trois questions fondamentales. Primo: En vertu de quel acte juridique le successeur de Mzee a pris le patronyme de « Kabila » en lieu et place de celui de Mtwale? Secundo: « Joseph Kabila » a-t-il suivi la formation dans l’armée tanzanienne en tant que Zaïrois d’origine ou Tanzanien? Tertio: Jouissait-il de la qualité de « Congolais d’origine » lors des présidentielles de 2006 et 2011?

 

Baudouin Amba Wetshi
© Congoindépendant 2003-2018

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