FARDC: John Tshibangu « is back »!

Honni soit qui mal y pense: John Tshibangu est un véritable miraculé. Ex-commando/FAZ, il est entré en dissidence contre le régime de « Joseph Kabila » en protestation de l’inertie de ce dernier face aux « mutins » du M23 en août 2012. Un cas sans précédent pour un militaire congolais de souche. L’homme est traqué, sans succès, par des éléments des « forces spéciales » de la garde présidentielle. Arrêté, début janvier 2018, en Tanzanie pour détention d’un « vrai-faux » passeport, il est livré à « Kabila » le 6 février 2018 à Kinshasa par le président John Magafuli. Après 23 mois de « garde à vue » dans un cachot du très redouté ex-Demiap, dirigé alors par le général Delphin Kahimbi, « John » en sorti vivant avant d’être embastillé à la prison de Ndolo. Il sera finalement assigné à résidence au Centre Nganda. Alternance démocratique oblige!

Le président Félix Tshisekedi Tshilombo a signé une série d’ordonnances portant nomination et promotion de plusieurs officiers. On apprenait lundi 17 octobre que le colonel John Tshibangu a été promu au grade de général de brigade. Et ce, après dix longues années de « traversée de la savane ». Il est nommé à la tête de la 21ème région militaire. Celle-ci couvre le « Grand Kasaï » (Kasaï Central, Kasaï Occidental et Kasaï Oriental) et le Sankuru.

La vie de cet officier, âgé de 52 ans, ressemble à un roman policier. Né à Dimbelenge (Kasaï Central) en 1970, « John » est issu des Forces armées Zaïroises. Il a été enrôlé en 1988. Après une formation à l’EFO (Ecole de formation des sous–officiers) à Kananga, il est allé parachever sa formation de commando en Israël avant de rejoindre les forces spéciales dites « SARM » (Service d’Action et de Renseignement Militaire).

Pour la petite histoire, en octobre 1990, un bataillon du « SARM », commandé par le général Donatien Mahele Lieko, avait repoussé les combattants du Front patriotique rwandais issus de l’armée ougandaise qui venaient d’attaquer le Rwanda du président Juvénal Habyarimana. Les troupes zaïroises étaient intervenues dans ce pays en vertu du premier alinéa de l’article 2 de la Convention portant création de la Communauté Economique des Pays des Grands Lacs (C.E.P.G.L) signée en 1976 par les présidents Mobutu Sese Seko (Zaïre), Juvénal Habyarimana (Rwanda) et Michel Micombero (Burundi), signée le 20 septembre 1976 à Gisenyi. Cette disposition énonce que « la Communauté a pour objectifs d’assurer d’abord et avant tout, la sécurité des Etats et de leurs populations de façon qu’aucun élément ne vienne troubler l’ordre et la tranquillité sur leurs frontières respectives ».

« KABILA, IMPASSIBLE FACE AUX MUTINS DU M23 »

Lorsque l’AFDL (Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo-Zaïre) s’empare du pouvoir à Kinshasa, John Tshibangu, devenu lieutenant-colonel, est en poste à Uvira, au Sud-Kivu. Fin juillet 1998, il assiste, depuis ce coin, à la rupture de la « coopération militaire » entre le président Laurent-Désiré Kabila et ses ex-parrains ougandais et rwandais.

Dès le mois d’août, une nouvelle « rébellion congolaise » voit le jour à… Kigali. Son nom: Rassemblement congolais pour la démocratie (RDC). Ayant compris qu’il s’agissait d’un « subterfuge rwandais », John Tshibangu refuse d’y adhérer. Il est jeté à la prison de Munzenze à Goma. Il parvient à s’y évader et rejoint la branche dissidente dite RCD-K-ML dirigée par Antipas Mbusa Nyamuisi. Il est commandant de brigade à Isiro (ex-Province Orientale).

Après le dialogue inter-Congolais organisé en 2002 à Sun City, en Afrique du Sud, le régime de Transition « 1+4 » l’affecte en qualité de commandant en second à la 4ème Région militaire à Mbuji Mayi. En 2008, « John » participe à des combats contre les « mutins » du CNDP (Congrès national pour la défense du peuple) de Laurent Nkunda: Kiwandja, Rumangabo, Rutshuru.

Au mois d’avril 2012, une mutinerie éclate au Nord-Kivu. Les instigateurs ne sont autres que les combattants du CNDP rebaptisés M23. « Joseph Kabila », alors chef de l’Etat, est resté muet comme une carpe. Et ce trois mois durant. Fin juin 2012, il invite quelques journalistes triés sur le volet. Jean-Pierre Kibambi Shintua (Numerica), Christian Lusakweno (Top Congo) et Françoise Buela (RTNC) sont les plus connus. De quoi voudrait-il parler? A l’époque, les FARDC avaient déjà perdu plusieurs localités au Nord-Kivu. C’est le cas notamment de Kiwandja, Rumangabo et Rutshuru. « Ce ne sont que des batailles perdues’, marmonne « Kabila ». Il ajoute: « La solution peut-être militaire, diplomatique ou politique ». La journaliste Françoise Buela prendra son courage à deux mains en faisant remarquer au « Raïs » qu’une certaine opinion est désorientée par son « silence assourdissant ». La réponse tombe aussitôt: « Je préfère être maître de mon silence plutôt qu’esclave de mes paroles ». Etonnant!

OFFICIER DISSIDENT

En juillet 2012, des officiers supérieurs sont convoqués à Kinshasa afin d’assister à un « séminaire ». Le colonel Tshibangu en fait partie. Avant de regagner son poste à Mbuji-Mayi, « John » est abordé par un « haut gradé » non autrement identifié. Celui-ci lui demande de convoyer des armes et munitions destinées aux combattants du M23. Abasourdi, Tshibangu sollicite une audience auprès du chef de l’Etat. Il le tient Informé de cette mission « incongrue ». A en croire Tshibangu, « le commandant suprême des FARDC » serait resté impassible. Indifférent. Pour le colonel Tshibangu, il était désormais clair que les mutins du Nord-Kivu – dirigés par un certain colonel Rusangisa alias Sultani Makenga – bénéficiaient des complicités au plus haut niveau de l’Etat. Aussi, décide-t-il de faire défection. La suite est connue.

Pendant plusieurs mois, on va assiste à une « chasse à l’homme ». Tshibangu justifie sa dissidence en créant un « Mouvement de revendication de la vérité des urnes » des élections générales du 28 novembre 2011. Pour des observateurs impartiaux, Etienne Tshisekedi wa Mulumba en était le vainqueur.

Le 29 janvier 2018, le colonel Tshibangu est arrêté en Tanzanie. Le 5 février de cette même année l’officier dissident est livré à « Joseph Kabila » tel un colis. Avant son arrestation, « John » avait, via une vidéo, donné à « Kabila » un ultimatum de 45 jours pour demander pardon au peuple congolaise après la répression de la manifestation pacifique du 31 décembre 2017.

Poursuivi pour « outrage au chef de l’Etat », Tshibangu ne sera jamais jugé. Il a passé 23 mois de « garde à vue » dans un cachot miteux de l’ex-Demiap avant d’être transféré à la prison de Ndolo. L’alternance aidant, il est assigné à résidence au Centre Nganda jusqu’à sa libération.

Ceux qui connaissaient le parcours périlleux de cet officier ex-FAZ n’ont pas été surpris de voir l’homme « jubiler » après sa nomination. John Tshibangu est de retour! C’est un véritable miraculé.


B.A.W.

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