« Joseph Kabila, père de la démocratie congolaise ». Un gag?

De passage à Lubumbashi mardi 21 août, le PPRD Félix Kabange Numbi, ministre de l’Aménagement du territoire a ânonné un « élément de langage » conçu par les officines à propagande de la mouvance kabiliste selon lequel « Joseph Kabila » serait « le père de la démocratie congolaise ». On cherche en vain les actes majeurs posés par le successeur de Mzee pour promouvoir la démocratie. En dix-sept ans de pouvoir, ce jeune homme qui passait plus à tort qu’à raison un « gendre idéal » a révélé son vrai visage. Celle d’un despote violent, allergique aux droits et libertés.  

Gouverneur du Haut-Katanga, Célestin Pande Kapopo

Peut-on considérer le fait pour un dirigeant de respecter la Constitution comme un « acte héroïque »? Selon le ministre Félix Kabange Numbi la réponse est: « oui! ». C’est en tous cas ce qu’il a déclaré, mardi 21 août, à l’issue d’un entretien avec le gouverneur du Haut-Katanga, Célestin Pande Kapopo.

En dépit du fait que « Joseph Kabila » est hors mandat depuis le 19 décembre 2016 et qu’il ne cesse de multiplier des stratagèmes (dialogue de la Cité de l’UA, dialogue du centre interdiocésain), pour retarder l’avènement de l’alternance démocratique voire de l’alternative, ce membre du gouvernement estime que la population de cette province devrait « soutenir » le Président sortant. Au motif qu’il serait le « père de la démocratie congolaise » et qu’il a posé un « acte héroïque » pour avoir « respecté » la Constitution en renonçant à briguer un troisième mandat.

Kabange Numbi a, à cette occasion, « remercié » le chef de l’exécutif du Haut-Katanga pour avoir « sensibilisé » ses administrés à voter en faveur d’Emmanuel Ramazani Shadary, le candidat du Front commun pour le Congo (FCC) à l’élection présidentielle du 23 décembre prochain. Tout ceci se passe dans les bâtiments de l’Etat. Un Etat censé pourtant faire preuve d’impartialité en accordant une égalité de chance à tous les prétendants.

Lundi 20 août, Kabange avait réuni des « membres du Front commun pour le Congo ». Il leur a tenu une sorte de causerie morale digne de la belle époque du MPR parti-Etat. Après avoir conscientisé l’assistance sur les « enjeux électoraux », il a exhorté celle-ci à « appuyer » le candidat du FCC. D’après lui, la candidature de Shadary a pour objectif d’assurer « la victoire finale afin de pérenniser les actions » de « Joseph Kabila ». De quelles actions parle-t-il? Les « Cinq chantiers » du chef de l’Etat? La « Révolution de la modernité »?

« ATUONE KINTU »

Selon des sources, le « raïs » souffrirait d’un vrai désamour au « Grand Katanga » en général et au pays de ses « oncles par adoption » en particulier. Ici les Balubakat ne cessent de clamer: « Atuone Kitu! ». Ces deux mots sont entendus non seulement à Kamina mais aussi à Malemba-Nkulu, Manono et Ankoro. Les habitants crient leur colère de « n’avoir rien vu » en termes de réalisation dans leur patelin. « Felix Kabange Numbi fait partie de ces politiciens de l’ex-Shaba sans assise populaire qui font croire à Kabila qu’ils y disposent d’une base », commente un analyste. D’après les mêmes sources, il est parfaitement faux de soutenir que l’ex-Katanga serait le bastion du « kabilisme joséphite ».

Ministre du Portefeuille, Wivine Mumba

Docteur en médecine, Kabange Numbi a « salué » la décision de « Kabila » de désigner un « dauphin ». Pour lui, le « raïs » mérite des congratulations pour « avoir respecté la Constitution ». « Felix » sera-t-il entendu? Rien n’est moins sûr. Preuve: le ministre du Portefeuille Wivine Mumba aurait été houspillée par des Mamans lushoises venues l’écouter lundi au bâtiment du 30 juin. La vidéo fait un tabac sur les réseaux sociaux. Mumba n’est pas n’importe qui. Elle serait la cousine à feu Augustin Katumba Mwanke. Certains « katangais » peineraient à digérer le peu de compassion manifestée par « Joseph » lors de la mort du tout-puissant conseiller présidentiel en février 2012.

Le « raïs » semble se trouver dans la même situation vécue par Mobutu Sese Seko au lendemain du lancement des « consultations populaires » organisées de janvier à mi-avril 1990. Le « Grand Léopard » fut stupéfait de constater l’impopularité de son régime auprès des masses zaïroises.

Si Kabange Numbi avait pris la peine de relire l’Histoire politique du Congo-Zaïre, il aurait eu le loisir de constater que « Joseph Kabila » qui a foulé le sol du pays qui s’appelait le Zaïre fin octobre 1996, n’a aucun mérite dans la promotion de quelques valeurs démocratiques. Bien au contraire, l’homme s’est évertué à verrouiller les espaces de liberté et à brimer ses contempteurs. Kabange a tort de croire que le degré de démocratisation d’une nation se mesure au nombre de partis politiques. Il semble que le « Congo démocratique » en compte près de 600.

MYSTIFICATION

De 1960 à 1965, le jeune Etat indépendant du Congo a connu tant bien que mal une vie démocratique qui a été interrompue par le coup d’Etat du 24 novembre 1965 du général Mobutu qui instaura un parti unique. Objectif: consolider l’unité nationale. Le système finit par générer des effets pervers dont le fameux « mal zaïrois » dénoncé par le Maréchal.

Le ministre Félix Kabange Numbi

En novembre 1980, des parlementaires ont adressé au président Mobutu, dans sa toute puissance, la très célèbre « Lettre ouverte des Treize parlementaires ». Ceux-ci affichaient leur défiance à l’égard du parti-Etat. « (…), nous pouvons vous assurer qu’une portion non négligeable de notre population ne communie pas au MPR et à son droit », écrivaient-ils notamment.

Après le discours présidentiel du 24 avril 1990 annonçant l’abolition du parti unique et la restauration du pluralisme, les Zaïrois purent expérimenter la liberté d’expression à travers notamment la Conférence souveraine souveraine de 1991-1992. La transition démocratique amorcée à l’époque fut interrompue par l’irruption des « libérateurs » du 17 mai 1997. Ceux-ci avaient leurré les Zaïro-Congolais en leur promettant l’éradication de la dictature et l’instauration de l’Etat de droit. Il faut se munir d’une torche en plein jour pour détecter les changements intervenus.

Prétendre que « Joseph Kabila » est le père de la démocratie congolaise relève de la pure mystification voire d’un gag. C’est une injure faite à la mémoire des victimes de la répression des manifestions pacifiques notamment du 31 décembre 2017, du 21 janvier et 25 février 2018. Que dire des fosses communes découvertes à Maluku et dans le « Grand Kasaï »?

 

Baudouin Amba Wetshi

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