La dédollarisation de l’économie congolaise est un long processus

Lors du Conseil des ministres du 6 août 2021, le Président de la République Félix Antoine Tshisekedi avait recommandé au gouvernement et à la Banque centrale du Congo de mettre en œuvre des politiques visant à limiter la dollarisation de l’économie nationale et à faire du franc congolais une monnaie forte et stable.

Actuellement, le dollar américain est omniprésent dans toutes les transactions. Les prix sont affichés en dollars, les guichets automatiques des banques distribuent de préférence les dollars, les frais scolaires sont libellés en dollars. Il en est de même des loyers, des prix des maisons, des salaires, des frais d’hôtel et de restaurant etc. La dollarisation a été une réponse spontanée à l’hyperinflation et aux politiques budgétaires et monétaire chaotiques des années 1980-1990.

C’est l’époque de la rareté des signes monétaires (billets de banque en monnaie locale), des pyramides financières appelées BINDO, de l’émission des vrais-faux billets de banque, des pillages des industries et des commerces et de la criminalisation de l’économie.

Une forte dollarisation de l’économie comme celle que nous connaissons contient des inconvénients. Elle limite la portée des actions de la Banque centrale du Congo. La transmission du taux d’intérêt directeur est diluée comme la majeure partie de l’intermédiation se fait en dollars. Les dépôts bancaires en monnaie étrangère représentent plus de 80% du total des dépôts bancaires et plus de 60% de la masse monétaire. Ces chiffres ne prennent pas en compte les billets étrangers en circulation et hors circuit bancaire, ce qui conduit en fait à une sous-estimation de la dollarisation.

Les niveaux élevés de dollarisation signifient la perte de marges de manœuvre en termes de politique monétaire, la dépendance excessive à l’égard des réserves en devises étrangères pour maintenir la stabilité monétaire et bancaire ainsi que la perte des revenus de seigneuriage. En d’autres termes, du fait de la dollarisation excessive de l’économie, la politique monétaire de la Banque Centrale du Congo a une portée limitée. Elle s’exerce sur moins de 30% de la masse monétaire en circulation. La banque centrale ne peut pas non plus jouer son rôle de prêteur de dernier ressort comme les dépôts sont effectués principalement en devises étrangères. Battant la monnaie, elle ne bénéficie pas non plus des droits de seigneuriage importants, à savoir les revenus provenant de la différence entre la valeur de l’argent et son coût réel de fabrication.

Enfin, la dollarisation rend les réserves en devises plus vulnérables aux fluctuations de certaines dépenses, soit par le canal de la conversion de la monnaie locale en devises, soit à travers les transferts de dépôts à l’étranger.

Devant ces inconvénients, le gouvernement et la Banque centrale du Congo ont pris, en 2012, un train de mesures pour dédollariser l’économie nationale. Ces mesures n’ont pas connu un franc succès. Il faut donc continuer à promouvoir le franc comme moyen de paiement, soit la dédollarisation des paiements. Des actions doivent être entreprises pour inciter les résidents à détenir les actifs financiers en franc (dédollarisation financière).  Il faut aussi prendre des décisions d’utiliser le franc comme unité de compte dans toutes les transactions (dédollarisation réelle). Dans un rapport des services de 2014, le FMI estime que la mise en œuvre d’une stratégie de dédollarisation crédible ne peut se faire sans une série de conditions préalables. En se fondant sur l’expérience internationale, les services du FMI recommandent de concentrer les efforts sur la réalisation des conditions préalables à la dédollarisation, à savoir: (i) maintenir la stabilité macroéconomique et relever la couverture des réserves internationales afin de renforcer la crédibilité de la monnaie; (ii) préciser que l’objectif principal dans le cadre de sa mission est le maintien de la stabilité des prix; (iii) recapitaliser la Banque centrale du Congo et en rétablir l’indépendance et la responsabilité opérationnelles; (iv) faire adopter la loi bancaire, afin de définir précisément le cadre légal et réglementaire du secteur; et (v) renforcer l’infrastructure financière actuelle, notamment le cadre de la supervision, les systèmes de paiements et les filets de sauvegarde.

C’est dire que le combat contre la dollarisation de l’économie nationale risque de prendre plusieurs années.

 

Gaston Mutamba Lukusa

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