Un scandale nommé « Panama Papers »

Décédé le 16 janvier 2001 dans des circonstances non élucidées à ce jour, le président Laurent-Désiré Kabila avait en horreur de parler de sa vie privée. L’homme n’aimait guère présenter les membres de sa famille biologique. « Ce sont des mœurs propres aux Blancs », ironisait-il au cours d’une conférence de presse.

Lundi 4 avril 2016, le Mzee a dû se retourner dans sa tombe en apprenant qu’une certaine Jaynet Désirée Kyungu « Kabila » – présentée dès le lendemain de ses funérailles comme étant la sœur jumelle de son successeur et « fils » « Joseph » – est mentionnée dans les conclusions infamantes de l’enquête dite « Panama Papers ». Une investigation qui a le mérite de divulguer les noms des personnes anonymes et célèbres ayant planqué de l’argent dont l’origine est généralement illicite dans des paradis fiscaux dits « off shore ».

Le Mzee LD Kabila a dû également se boucher le nez pour ne pas vomir en apprenant que cinq mois seulement après son décès, soit en juin 2001, « Jaynet », bombardée présidente de la Fondation Mzee LD Kabila, et un certain Feruzi Kalume Nyembwe – qui serait le fils de son vieil ami d’exil en Tanzanie, Didier Kazadi Nyembwe – s’étaient empressés de mettre de l’argent à l’abri des yeux indiscrets grâce à une société-écran dénommée « Keratsu Holding Limited ».

L’expression anglaise « off shore » signifie littéralement au-delà des côtes. Dans le cas sous examen, ce vocable désigne une banque qui a localisé ses activités internationales dans un territoire généralement insulaire ou portuaire où elle trouve des privilèges particuliers.

Toutes les sociétés off shore ne sont pas illégales. Sauf que la grande majorité d’entre elles est créée non seulement pour échapper au fisc mais surtout pour dissimuler de « l’argent sale ». De l’argent provenant du crime, de la drogue ou des dessous de table.

Il faut espérer que « Jaynet », qui est devenue députée nationale lors des législatives du 28 novembre 2011, va se décider, sans délai, à parler. Elle doit fournir des explications claires et nettes à l’opinion congolaise.

Il s’agit de répondre à trois questions majeures. Primo: quelle est l’origine de l’argent qui a nécessité la création d’une société off shore? Secundo: les montants déposés dans les comptes off shore ont-ils été déclarés auprès du fisc congolais? Enfin: « Joseph Kabila » était-il au courant de l’existence de ces sociétés-écrans?

« Jaynet » serait mal inspirée d’entonner le fameux dicton cher à son frère selon lequel « mieux vaut rester maître de son silence qu’esclave de sa parole ». « Panama Papers » est un scandale qui pourrait éclabousser son président de frangin. Tout silence sera interprété comme un aveu de culpabilité. Une faute politique.

Pire, tout silence aura pour effet de jeter l’opprobre tant sur la mémoire de Mzee Laurent-Désiré Kabila que sur celle des fameux « libérateurs » du 17 mai 1997. Ceux-ci prétendaient que leur combat était justifié par la nécessité d’« abattre la dictature » et de « promouvoir la démocratie ». Et non pour se mettre plein les poches. La réalité est là! Gouverner, c’est piller! Le « Congo libéré » est assimilé à la caverne d’Ali Baba.

Lors des consultations populaires initiées par le président Mobutu Sese Seko de janvier à mars 1990, les Zaïrois d’alors avaient dénoncé notamment le népotisme qui gangrenait le MPR parti-Etat. Le même reproche a été articulé à l’occasion de la « Consultation nationale » organisée du 24 février au 11 mars 2000 par le président LD Kabila.

Quinze années après la disparition de Mzee, l’Etat congolais est plus que jamais dirigé par un pouvoir népotiste. Joseph, Jaynet, Zoé, Selemani et consorts « arrivés jadis sans le sou avec des bottes en caoutchouc », comme aiment ironiser les Kinois, sont aujourd’hui à la tête d’une immense fortune difficile à évaluer. Aucun investisseur qui foule le sol congolais ne peut rien faire sans le concours de l’un deux.

Un journaliste américain, Richard Miniter, a crédité « Joseph Kabila » d’un patrimoine estimé à 15 milliards de dollars US. « Zoé » détiendrait le monopole de tous les imprimés de valeur (plaque d’immatriculation, permis de conduire, passeports, timbres fiscaux etc.). Selemani, lui, est directeur à la BGFI, une banque congolo-gabonaise dans laquelle la fratrie « Kabila » détiendrait 60% des parts. Il semble que celle-ci mènerait des démarches discrètes pour acquérir les parts détenues par la famille Forrest dans le capital de la BCDC (ex-Banque commerciale zaïroise).

Au regard de ce tableau peu reluisant, on ne peut que comprendre le combat d’arrière-garde que mène l’actuel locataire du Palais de la nation pour s’accrocher au pouvoir en dépit de l’interdit constitutionnel. L’objectif est de préserver des actifs mal acquis.

Dans son discours d’investiture prononcé le 26 janvier 2001, « Joseph Kabila » avait pris l’engagement de faire toute la lumière sur l’assassinat de son prédécesseur et « père » Laurent-Désiré Kabila. Quinze années après, rien ne profile à l’horizon. On devine à qui le crime a profité.

Les conclusions de l’enquête « Panama Papers » en ce qui concerne le Congo-Kinshasa est un scandale. Un scandale qui doit avoir une suite politique. Cité dans le même document, le Premier ministre islandais Sigmundur David Gunnlangsson a dû démissionner mardi 5 avril. « Jaynet » doit quitter l’Assemblée nationale.

 

Baudouin Amba Wetshi

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