La SNEL en plein marasme

Photo droits tiers (Barrage d'Inga)

Les débats à l’Assemblée nationale ont montré que la Société Nationale d’Electricité est mal gérée et incapable de fournir l’électricité au pays. Moins de 10% de la population congolaise a accès à l’électricité. La moyenne est de 40% en Afrique subsaharienne.

Gaston Mutamba Lukusa

Le 12 avril, l’Assemblée nationale a recommandé entre autres la destitution, endéans 48 heures, du directeur général Fabrice Lusinde de la Société nationale d’électricité (SNEL), pour cause d’incompétence et d’inefficacité dans la gestion de la société. Le 18 avril, la ministre du Portefeuille Adèle Kayinda a signé l’arrêté portant suspension du directeur général de la SNEL. Les débats à l’Assemblée nationale ont montré que la société est mal gérée et incapable de fournir l’électricité au pays. Bref, elle est en faillite.

La quantité totale d’énergie électrique produite bénéficie à 35% des habitants des milieux urbains tandis que le milieu rural n’est couvert qu’à concurrence de 1% seulement. En tout, moins de 10% de la population congolaise a accès à l’électricité contre 40% en Afrique subsaharienne. Et pourtant, le pays est potentiellement riche en ressources hydroélectriques qui sont estimées à 100.000MW. Ainsi, la majorité de la consommation énergétique du pays est à base de bois et de charbon de bois. Pour ceux qui ont la chance d’être raccordés au réseau électrique de la SNEL, le quotidien se résume en plusieurs coupures de courant intempestives, des délestages sévères et des facturations fantaisistes. Par suite d’une mauvaise gestion et de l’absence de l’autorité de l’Etat, les raccordements frauduleux sont monnaie courante. Faute d’entretien régulier, les pannes des groupes des centrales hydroélectriques sont fréquentes. Devant l’incapacité technique et financière de la société à réhabiliter certaines turbines, c’est la Banque mondiale ou des sociétés minières qui s’en occupent.

Pour couronner le tout, l’Etat ne paye pas ses factures d’électricité. Il existe ainsi une importante dette accumulée par le gouvernement auprès de l’énergéticien. Dans le même temps, la société est lourdement endettée. Elle a aussi été sollicitée pendant plusieurs années pour régler des dépenses politiques et imprévues du gouvernement. Pour rendre le secteur performant, le pouvoir a procédé à la libéralisation du secteur et à l’ouverture du marché de l’électricité à tout opérateur. L’objectif est de résoudre les problèmes liés au faible taux d’accès à l’énergie électrique et à l’absence d’un cadre juridique adapté et attractif. Il faut attirer à travers des mesures de sécurisation, les investisseurs et favoriser une émergence énergétique nationale par le recours à la formule du partenariat public-privé.

La libéralisation du secteur de l’électricité

La loi relative à l’électricité a été adoptée en juin 2014. Elle a pour objectif d’intensifier l’électrification du pays par la libéralisation du secteur et l’ouverture du marché aux opérateurs privés. Ils sont censés apporter leur savoir-faire, leur expertise et mobiliser des ressources financières. Cette loi s’applique aux activités de production, de transport, de distribution, d’importation, d’exportation et de commercialisation de l’énergie électrique. Elle ne s’applique pas aux centrales dont la puissance installée est inférieure à 50kW et destinée à usage non commercial, aux installations de distribution des signaux ou de la parole ainsi qu’aux installations de recherche scientifique et de sûreté de l’Etat. Malgré l’assouplissement du monopole intervenu dans la filière production par l’octroi d’autorisations de construction de centrales hydroélectriques, l’Etat intervient encore dans les filières transport et distribution. Suivant la loi, l’Etat organise, en partenariat avec les opérateurs concessionnaires du transport, la gestion des réseaux interconnectés de transport par la coordination des opérations de dispatching, d’exploitation, de maintenance, de régulation des flux d’énergie et du développement des réseaux. Les conditions et modalités de fonctionnement de cette gestion sont fixées par accord entre parties. Il faut aussi retenir que la loi met en place un nouveau cadre institutionnel dans lequel interviennent quatre acteurs majeurs, à savoir le gouvernement central, la province, l’Autorité de régulation du secteur de l’électricité (ARE) et l’Agence nationale d’électrification et des Services énergétiques en milieux rural et périurbain (ANSER).

Depuis la promulgation de la loi relative à l’électricité, de nombreux investissements privés ont été opérés dans le secteur. Ces producteurs indépendants pourront pallier la longue les insuffisances et déficiences de la SNEL.

Des producteurs indépendants investissent le marché

La loi n°14-011 du 17 juin 2014 sur l’électricité a mis fin au monopole de la SNEL et a ouvert le marché aux producteurs d’électricité indépendants. C’est le cas des entreprises privées comme Katanga Energy, Electricité du Congo (EDC), Virunga SARL, la Société d’énergie du Kasaï (Enerka), la Société Anhui-Congo d’Investissement Minier (SACIM), SICOMINES (Busanga Hydro), Pongo Investments, Ruzizi Energy, Kibali Gold, Kipay Investments, Tembo Power, Congo Infra SA, Gridworks, NURU SARL, Karpowership DRC S.A, Socode etc. Parmi ces investissements, il y a beaucoup de mini réseaux verts de moins de 10MW mais aussi de grands projets comme celui SICOMINES portant sur 240MW.

Il convient de rappeler que pour rendre rentables et compétitives les entreprises du portefeuille de l’Etat, la SNEL fut transformées en sociétés commerciale dans laquelle l’Etat est l’actionnaire unique. C’est suivant la loi de juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques. Vu la situation financière de la SNEL, il est difficile de la privatiser. Aucun investisseur n’acceptera d’entrer au capital d’une telle société. Il faut au préalable des réformes en profondeur et procéder à des investissements importants. Une autre possibilité serait de signer un contrat-cadre de concession sur une période à déterminer avec une société étrangère réputée.


Gaston Mutamba Lukusa

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